Un seul chiffre suffit à exprimer le caractère exceptionnel de cet immeuble de bureaux : 7, comme les 7 kWh/m2/an dont ce bâtiment de Fribourg (Suisse) se contente pour assouvir ses besoins en chauffage (1). A la fois maître d’ouvrage, maître d’œuvre et co-utilisateur de cette réalisation, l’agence d’architecture Conrad Lutz capitalise ici trente ans de pratique en matériaux « sains », isolation naturelle et énergies renouvelables pour un projet couvert de labels et de prix, dont « Minergie-P-Eco » (premier bâtiment tertiaire à décrocher cette version la plus exigeante du label helvétique) et le « Watt d’Or » 2008 du ministère fédéral de l’Energie. Livré voici un an, le « Green Office » connaîtra à l’automne les résultats d’un premier audit. Mais le suivi des consommations laisse présager qu’il sera excellent.
Des piliers aux parois en passant par les façades et les fenêtres, le bois est omniprésent sur la quasi-totalité des 1 400 m2 et quatre niveaux du bâtiment. Jusqu’à produire un bâtiment stockeur de C02 (2). L’emploi du béton se limite au socle du bâtiment et à des chapes minces (45 mm) au sol qui contribuent à la performance énergétique. « Leur inertie liée à leur masse facilite l’accumulation de chaleur », explique Eric Bongard, architecte chef de projet chez Lutz. Les blocs d’argile crue séchée pour les cloisons intérieures participent du même dispositif. Pour le reste, le bâtiment fait appel au mélèze et au sapin blanc en bardage.
95 % d’énergies renouvelables
Le concepteur a ajouté ses propres exigences : traitement sans composés organiques volatils (COV) et bois coupé à la lune descendante (ce qui réduit la durée du séchage énergivore...). De plus, les panneaux intérieurs remplissent la fonction de pare-vapeur. En matière d’isolation, planchers et toiture utilisent de la ouate de cellulose, cinq fois moins gourmande en énergie pour sa production que la laine de verre. Cette ouate a été insufflée sur 46 cm d’épaisseur, tandis que 40 cm de fibres de bois isolent les éléments de façade.
Le chauffage, réalisé à 95 % par des énergies renouvelables, participe de la performance globale. « Nous avons opté pour de l’électricité garantie à 100 % d’origine éolienne et un poêle à pellets de bois, de préférence à une pompe à chaleur. Cette dernière, pour compenser la consommation électrique, aurait nécessité un couplage au photovoltaïque. Or celui-ci pose un problème économique en Suisse en l’absence d’aide publique. Notre toiture est toutefois équipée de 270 m2 de cellules pour le cas où la donne changerait », précise encore Eric Bongard. Le tandem éolien/bois reçoit l’appoint de 6 m2 de capteurs solaires pour l’eau chaude sanitaire, ainsi que d’un puits canadien. Ventilation double flux, triple vitrage, puits central de lumière apportent aussi leur contribution au bilan global. La consommation d’eau est réduite de 90 % par rapport à un bâtiment standard, grâce aux toilettes sèches et à la récupération de l’eau de pluie. Côté utilisateurs, ceux-ci s’engagent au travers d’une charte à adopter une attitude « verte ». Ainsi acceptent-ils de n’installer que des ampoules basse consommation et des écrans plats. En complément, la gestion technique centralisée met hors tension les appareils qui ne sont pas en service, et elle actionne les stores dès que la température intérieure excède 20 °C. Au bout d’un an d’existence, le « Green Office » est occupé à 80 % de ses 40 postes de travail disponibles. Selon son architecte, propriétaire-occupant, la charte verte ne pénalise pas la commercialisation des surfaces grâce au faible surcoût du bâtiment (moins de 10 % selon Conrad Lutz). Une performance qui s’explique notamment par le caractère volontiers spartiate de l’aménagement intérieur : chapes teintées dans la masse au sol, briques en argile crue séchée en parois, cloisons non peintes entre les postes de travail. L’éco-attitude s’accompagne de quelques concessions au luxe...
Maîtrise d’ouvrage : Conrad Lutz Architecte.
Maîtrise d’œuvre : Conrad Lutz Architecte ; Eric Bongard, chef de projet ; Luc Jeanmonod (ingénieur civil) ; ING Holz AG (ingénieur bois) ; Dessine-moi un jardin (paysagiste).
Principales entreprises : Vonlanthen Holzbau AG (préfabrication bois) ; Tacchini SA (maçonnerie) ; Pascal Repond & Fils (scierie) ; Batipro (façades) ; G. Dentan-Siffert (étanchéité) ; Schenker Stores AG (stores) ; Hälg & Cie (chauffage-ventilation) ; Toplehm Helvetica (crépi argile) ;
Surface : 1 411 m2 HON.
Montant des travaux : 1,97 million euros.





