« Trop débloquer peut être contre-productif », Florent Dubois, vice-président de l’association des ingénieurs territoriaux

Lentement, mais sûrement : l’association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) prépare la reprise avec cet adage en tête. Ses réponses au Moniteur illustrent la réactivité collective et le sens de l’organisation : vice-président délégué à la communication, Florent Dubois a préparé l’interview par une vidéoconférence avec la section sud-ouest Limousin, suivie d’une série d’échanges téléphoniques avec des ingénieurs d’autres régions.

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Florent Dubois
Florent Dubois, vice-président de l'association des ingénieurs territoriaux de France

Vous attendez-vous à une reprise des chantiers que pilotent les ingénieurs territoriaux, à la suite de la publication du guide, sous l’égide de l’OPPBTP ?

Globalement oui, c'est la tendance qui ressort. Même si beaucoup d'ingénieurs se posent la question du respect des mesures barrières sur les chantiers, ou hésitent fondamentalement à demander une reprise aux entreprises pour  mieux respecter le confinement. Des discussions sont lancées entre les maîtres d'ouvrage, leurs maîtres d'oeuvre, les coordonnateurs Santé protection sécurité et les entreprises elles-mêmes.

A l’AITF, nous avons largement diffusé le guide, via un lien sur notre site internet et un partage sur les réseaux sociaux. On voit que l'info commence à circuler.

Vos prestataires ont-ils déjà commencé à mettre en place les mesures de distanciation préconisées par les professionnels du BTP ?

Il est encore un peu tôt. Pour le moment on en est surtout aux discussions pour définir quels chantiers vont redémarrer. Globalement, à part les opérations de maintenance technique obligatoires ou les chantiers départementaux de pose de réseaux de fibres optiques qui nécessitent peu de co-activité, les services bâtiment et les prestataires sont à l'arrêt.

Sur le plan juridique, identifiez-vous d’autres mesures de nature à débloquer des opérations, sans fragiliser l’esprit du droit de l’urbanisme et de la construction ?

C'est très délicat. D'une part parce que personne ne sait réellement combien de temps le confinement va durer. D'autre part parce que trop débloquer peut être contre-productif, notamment si les entreprises ne peuvent ou ne veulent pas suivre. A cela s’ajoutent les incertitudes budgétaires, surtout dans les villes qui n’ont pas élu leurs maires au premier tour : les ingénieurs concernés envient leurs collègues qui ont au moins passé ce cap. Je pense qu'il faut avancer prudemment et se tenir prêt pour le redémarrage des activités à flux normal.

Les ingénieurs territoriaux se préparent-ils à jouer un rôle moteur, dans la reprise de la commande publique qui suivra la fin du confinement ?

Il va être du devoir de la puissance publique de soutenir les entreprises par une politique d'investissement accrue. Ce ne sera pas facile puisque la plupart des nouveaux exécutifs ne sont pas encore mis en place. La réflexion existe déjà dans les grandes villes qui ont élu leur maire dès le premier tour. Pour les autres, il va falloir en sus jongler avec le report des constitutions de conseils municipaux et travailler sur des budgets non votés !

Observez-vous des inégalités entre les territoires ou entre les types de collectivités, dans les réponses qu’elles peuvent apporter à cette crise ?

Nous essayons, à l'AITF, de maintenir un contact permanent avec et entre nos adhérents, au travers de nos groupes de travail et des réseaux sociaux. On s'aperçoit effectivement de réactions différentes tout d'abord en fonction des régions. Le grand sud-ouest est par exemple globalement moins touché et le confinement y a débuté alors qu'il n'y avait presque pas de cas. Pour autant les collectivités avec lesquelles nous pouvons être en contact n'en restent pas moins prudentes et respectueuses des mesures.

Les premières heures qui ont suivi les consignes de confinement ont été l'occasion de beaucoup de questionnements. Des collègues se sont sentis perdus. Les Plans communaux de sauvegarde, parfois rangés dans un tiroir de la police municipale, et les Plans de continuation d’activités n'ont pas toujours la cote en temps "normal". Les appliquer subitement, voire les mettre en place, n'a pas été facile. Nous n’avons pas assez la culture du risque.

Les grandes villes s’adaptent-elles plus facilement que les petites ?

Détrompez-vous ! Certes, cette idée s’appuie sur la réalité d’une ingénierie beaucoup plus fournie. Mais dans les faits, le phénomène des ordres et des contre-ordres paralyse de nombreuses grandes villes : elles avancent d’un pas pour mieux reculer de deux ! Un jour il faut travailler, et le lendemain tout arrêter, à l’image de la communication gouvernementale : pas de masque un jour, des masques le lendemain. Au moins les petites villes présentent-elles l’avantage de circuits courts et de réponses rapides !

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