Quelles ont été les conséquences immédiates de la guerre en Ukraine sur le secteur des travaux routiers ?
Très rapidement, il y a de cela une quinzaine de jours, nous avons été alertés par nos adhérents sur la montée des prix du bitume. Pour vous donner un ordre d’idée, ils faisaient état d’augmentations allant de 40 à 50 % par rapport aux moyennes de 2021. Une tendance à la hausse très forte qui s’accompagne d’une volatilité tout simplement délirante. Jusqu’alors les prix étaient fixés au mois. Désormais, ils varient plusieurs fois sur la période et dans des proportions impressionnantes. Et je ne parle même pas du surenchérissement du gaz qui se trouve être le principal carburant de nos usines d’enrobés. Concrètement, nous faisons face à une flambée concomitante qui nécessite une réaction immédiate.
En quoi la hausse du gaz se distingue-t-elle de celle des autres énergies ?
Début janvier déjà, le gaz grimpait beaucoup plus vite. La crise géopolitique n’a fait qu’amplifier ce phénomène, au point qu’il n’y a plus d’homothétie avec l’évolution des autres énergies. Il existe désormais une distorsion entre l’évolution de son prix et celle des carburants tels que le fuel par exemple. Ce constat nous a poussés à solliciter l’Insee dans le but qu’il prenne en compte en urgence ces variations dans les indices utilisés pour actualiser les prix dans les marchés publics. Cette adaptation est capitale pour ne pas faire peser le risque d’évolution de matières premières sur les entreprises.
Comment les pouvoir publics peuvent-ils réagir face à une telle flambée des prix ?
Nous avons demandé au ministère des Transports de réactiver la cellule de crise qui avait été mise en place en 2018 quand il nous a fallu faire face aux difficultés industrielles rencontrées par les raffineries françaises. Nous espérons qu’elle pourra se réunir dans les prochains jours car l’emballement actuel des prix ne permet plus aux indexations de suivre. Suivant ce constat, il nous paraît essentiel que l’index TP 09 qui s’applique aux marchés publics intègre davantage l’ampleur des variations spécifiques du gaz.
Craignez-vous que ces tensions sur les prix et l’évolution de la situation géopolitique n’entraînent des pénuries de bitume ?
A Donges en Loire-Atlantique, par exemple, nous savons que la raffinerie peine à redémarrer. Oui, des difficultés commencent à apparaître de même que des pénuries ponctuelles, tant pour les bitumes que sur les carburants. Pour l’heure, il s’agit de contingentements qui n’entraînent pas de rupture d’approvisionnements. Reste qu’il arrive désormais que des commandes ne puissent être que partiellement honorées par les fournisseurs. Là où l’entreprise attendait 10 000 litres, il lui faut se contenter de 5000.
La situation peut-elle se dégrader jusqu’à entraîner des arrêts de chantier ?
A cet instant, nous n’en sommes pas là. Mais dès lors que la rupture d’approvisionnement est possible, l’arrêt de chantier l’est aussi. En France, nous sommes devenus dépendants de l’international pour la fourniture de bitumes. Sachant que la Russie fait partie des pays producteurs, d’éventuels embargos et leurs conséquences sur les acteurs du marché peuvent évidemment entraîner des tensions sur ce produit. Il faudrait alors en intégrer de nouveaux avec toutes les problématiques de qualité que cela suppose.
Avez-vous le sentiment de faire face à une situation inédite ?
Très particulière à tout le moins. Une évolution aussi brutale et globale des prix, nous n’en avions pas connu depuis 20 ou 30 ans. Transition écologique, situation géopolitique… Nous faisons face à des changements profonds et il est important que les pouvoirs publics se mobilisent comme ils ont su le faire par le passé.