Sommaire
DÉLIBéRé5
Avant-propos5
Première partie : la situation des finances publiques6
Chapitre I - Situation d’ensemble6
I - Le contexte macroéconomique : une croissance plus faible que prévu6
A - L’évolution du PIB sur longue période6
B - L’évolution sur moyenne période et en 20056
II - Les résultats des administrations publiques7
A - Le déficit d’ensemble7
B - Les recettes et les dépenses8
C - La dette8
III - Les comparaisons internationales9
A - Des soldes parmi les plus dégradés de l’UE9
B - Une dette publique excessive et exposée à une hausse des taux d’intérêt11
C - Un niveau de dépenses publiques de plus en plus divergent de celui des autres États11
Conclusion12
Chapitre II - Situation des différentes administrations publiques12
I - L’État12
A - Les soldes budgétaires12
B - Les recettes et les dépenses13
C - La dette17
II - Les organismes divers d’administration centrale17
A - Les résultats18
B - L’évolution de l’endettement18
III - Les administrations de sécurité sociale18
A - L’ensemble des administrations de sécurité sociale18
B - L’assurance chômage20
C - Les comptes des régimes de sécurité sociale20
IV - Les administrations publiques locales21
A - Des dépenses en augmentation constante22
B - La progression des recettes23
C - La situation financière globale22
Conclusion24
Deuxième partie : diagnostic et perspectives25
Chapitre I - Le diagnostic d’ensemble25
I - Une programmation pluriannuelle qui n’a pas permis de redresser la situation25
A - L’inadéquation persistante des hypothèses de croissance25
B - Une incidence limitée des erreurs spécifiques aux prévisions de recettes25
C - Le dépassement constant des objectifs de dépenses26
D - Un retour à l’équilibre toujours différé26
E - Des finances publiques fortement dégradées26
II - Une évolution difficilement soutenable28
A - Une dynamique de dégradation28
B - Une approche patrimoniale des finances publiques30
C - La problématique du redressement31
Conclusion31
Chapitre II - La nécessité d’un assainissement durable32
I - Une année 2006 dans la continuité32
A - Les choix faits par l’État et le début de la gestion 200632
B - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et les évolutions des premiers mois33
II - Un programme 2007-2009 exigeant mais insuffisamment étayé34
A - Des objectifs de redressement ambitieux34
B - Des hypothèses macroéconomiques optimistes35
C - La nécessaire maîtrise des dépenses35
III - Des modalités de pilotage à renouveler36
A - La rénovation du cadre de gestion des finances publiques36
B - Pour une stratégie nationale sur l’avenir des finances publiques40
IV - Des leviers prioritaires41
A - Remédier à l’anomalie que constitue la dette sociale42
B - Tirer parti des marges de productivité42
C - Réexaminer les dépenses d’intervention43
Conclusion générale44
Annexes45
Glossaire55
Réponse du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministre délégué au budget et a la réforme de l’état,porte-parole du gouvernement56
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes en 2005 et 2006 62
DÉLIBERE
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code des juridictions financières, la Cour des Comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté le présent rapport établi en application de l’article 58-3° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Ce texte est arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au Premier ministre, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre délégué au budget et à la réforme l’État, et des réponses fournies par ces derniers.
En application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Étaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Fragonard, Pichon, Picq, Sallois, Babusiaux, Cretin, Mme Bazy-Malaurie, présidents de chambre, MM. Collinet, Gastinel, Delafosse, Cieutat, présidents de chambre maintenus en activité, MM. Chartier, Limouzin-Lamothe, Capdeboscq, Murret-Labarthe, Bady, Billaud, de Mourgues, Mayaud, Hespel, Houri, Devaux, Bayle, Bouquet, Rémond, Gillette, Martin (Xavier-Henri), Bertrand, Monier, Schneider, Hernandez, Thérond, Mme Ruellan, MM. Pallot, Cazanave, Mme Bellon, MM. Gasse, Duchadeuil, Moulin, Thélot, Lefas, Brun-Buisson, Gauron, Dupuy, Morin, Mmes Morell, Fradin, MM. Gautier (Louis), Brochier, Mme Saliou, MM. Levy, Deconfin, Phéline, Gautier (Jean), Vialla, Tournier, Courtois, Mmes Darragon, Seyvet, MM. Vachia, Vivet, Mme Moati, MM. Cossin, de Combles de Nayves, Lefebvre, Maistre, Martin (Christian), Mme Trupin, MM. Corbin, Ravier, Rigaudiat, conseillers maîtres, MM. Audouin, Pascal, Gleizes, Lemasson, Cultiaux, Bille, Zeller, conseillers maîtres en service extraordinaire, M. Alventosa, conseiller maître, rapporteur général.
Était présent et a participé aux débats : M. Bénard, procureur général, assisté de M. Feller, avocat général.
Était présent en qualité de rapporteur et n’a donc pas pris part aux délibérations : M. Belluteau, conseiller référendaire.
MM. de Combles de Nayves, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 2 juin 2006.
Avant-propos
Les lois de finances pour 2005 sont les dernières à avoir été mises en œuvre sous l’empire de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. Depuis le 1er janvier 2006 en effet, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 est pleinement entrée en vigueur.
Le présent rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, préliminaire au débat d’orientation budgétaire, est établi en application des articles 48 et 58-3° de la LOLF. Il dresse un état d’ensemble de la situation financière des administrations publiques (Etat, organismes divers d’administration centrale, administrations locales et administrations de sécurité sociale), en la resituant dans une perspective de moyen terme. Il formule un diagnostic sur la soutenabilité des évolutions constatées et analyse la situation propre à chacune des grandes composantes des administrations publiques (APU) 1. Ces constatations conduisent la Cour à formuler des observations et recommandations sur la gouvernance des finances publiques et le redressement des comptes.
Dans son analyse, la Cour utilise des données de la comptabilité nationale, qui permettent notamment d’effectuer des comparaisons avec les autres pays. Elle les rapproche de l’ensemble des autres données disponibles, en particulier, pour l’État, des résultats des exercices budgétaires et, pour les autres administrations publiques, des résultats de leur propre comptabilité.
Les observations qui suivent ont été établies en tenant compte des constatations que la Cour a formulées dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire et dans son rapport sur les comptes de l’exercice 2005, qu’elle a rendus publics le 30 mai 2006. Des enquêtes spécifiques ont en outre été menées.
Par ailleurs, la Cour a organisé, au printemps 2006, deux journées consacrées à la dette publique, qui lui ont permis de recueillir, sur ces questions, l’avis d’experts et de responsables des finances publiques, nationaux et internationaux. Enfin, elle a procédé à des auditions, puis assuré la contradiction avec les ministères concernés.
Première partie :la situation des finances publiques
Chapitre I - Situation d’ensemble
La situation des administrations publiques doit d’abord être appréhendée dans sa globalité. C’est en effet à ce niveau qu’est appréciée sa conformité avec les engagements européens de la France. Cet examen global permet aussi de neutraliser les transferts entre administrations.
I - Le contexte macroéconomique : une croissance plus faible que prévu 2
A - L’évolution du PIB sur longue période
De 1980 à 2005, le produit intérieur brut a augmenté en volume de 70,5 %, soit une croissance moyenne de 2,2 % par an.
Graphique 1 - Évolution de la croissance économique depuis 1980
Ces vingt-cinq années ont été marquées par deux phases de haute conjoncture - 1988-1990 et 1998-2000 - séparées par une période de croissance médiocre (1,4 % par an en moyenne entre 1991 et 1997) autour de la forte récession de 1993. Les années les plus récentes (2002-2005) constituent une nouvelle période de croissance médiocre (1,4 % par an en moyenne) au cours de laquelle la France et l’Europe sont restées à l’écart de la forte reprise mondiale amorcée depuis la mi-2003. L’année 2005 pourrait s’être située au point bas d’un cycle, comme ce fut le cas pour les exercices 1993, 1996 et 2003.
B - L’évolution sur moyenne période et en 2005
La croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume est estimée à 1,2 % en 2005, après 2,3 % l’année précédente. Depuis 2001, elle a été chaque année, sauf en 2004, nettement inférieure à la prévision.
La prévision de croissance de 2,5 % associée à la loi de finances pour 2005, plus élevée que celle de l’année précédente, reposait sur l’hypothèse d’une prolongation de l’accélération de l’activité constatée entre la mi-2004 et la mi-2005 et tablait sur la poursuite de « la reprise cyclique enclenchée dans la zone euro 3 », dont la croissance était estimée à 1,9 % en 2004 et à 2,2 % en 2005. Elle était en outre établie sur l’hypothèse d’un « repli » progressif du prix du pétrole3.
Tableau 1 - Croissance du PIB en volume
Ces prévisions, qui, comme la Cour l’avait noté en 2005 4, étaient plus optimistes que le consensus des experts (2,2 %), ne se sont pas réalisées. La croissance moyenne de la zone euro a été limitée à 1,3 % en 2005, tandis que le cours du pétrole a continué de monter, passant de 39,80 $ le baril en décembre 2004 à 56,90 $ en décembre 2005. L’impact de ce médiocre contexte a été accentué par les mauvaises performances du commerce extérieur : l’augmentation des exportations (+3,1 % après 3,9 % en 2004) est restée en 2005 en retrait de la demande mondiale alors que les importations ont progressé vivement (+ 6,1 % après 6,6 % en 2004) ; la combinaison des deux évolutions a réduit la croissance du PIB de 0,8 point. Contrairement à la prévision, qui était fondée sur l’hypothèse d’une croissance supérieure à celle de nos partenaires européens, notre performance a été inférieure à la leur.
Les enquêtes de conjoncture réalisées dans les pays européens témoignent d’un renforcement de l’activité et d’une amélioration depuis l’été 2005, particulièrement nets en Allemagne. En France, la croissance serait, selon les prévisions de l’INSEE, un peu supérieure à 2 %, en rythme annualisé, dans la première moitié de 2006 5.
II - Les résultats des administrations publiques 6
A - Le déficit d’ensemble
1 - Une situation de « déficit excessif » depuis 2002
La France s’est engagée en 1992, par le traité de Maastricht, précisé en 1997 par le pacte de stabilité et de croissance (PSC), à maintenir le déficit annuel cumulé des administrations publiques dans la limite de 3 % du produit intérieur brut (PIB).
En juin 2003, le conseil des ministres des finances de l’Union (Ecofin), constatant que le solde négatif des administrations publiques françaises avait atteint 3,2 % du PIB à fin 2002, avait décidé d’adresser à la France, dans le cadre de la procédure de déficit excessif prévue à l’article 104 (7°) du traité, une recommandation de ramener son déficit à moins de 3 % « au plus tard pour l’exercice 2004 ».
En dépit de la perspective de notification par la France d’un ratio encore dégradé pour 2003 (4,2 % du PIB), le Conseil décidait, contre l’avis de la Commission, de suspendre la procédure engagée à l’encontre de la France, estimant que les informations disponibles permettaient d’anticiper un retour du niveau de déficit dans la limite des 3 % dès 2005.
Tableau 2 - Solde public (1997-2004)
2 - Un déficit notifié pour 2005 de 2,9 % du PIB
Tels qu’ils ont été notifiés à la Commission européenne, les soldes à fin 2005 font apparaître un déficit global des administrations publiques françaises de 48,9 Mde équivalant à 2,9 % du produit intérieur brut au sens du protocole de Maastricht. En valeur absolue, il retrouve ainsi son niveau de 2002 (48,8 Mde 7) mais demeure plus de deux fois supérieur à celui de 2001 (23,2 Mde).
Tableau 3 - Le solde des administrations publiques pour 2005
Pour partie, le retour en deçà du seuil de 3 % est dû à la comptabilisation de recettes exceptionnelles : une « soulte » 8 au titre des retraites des agents des industries électriques et gazières (I.E.G.) et la modification du calendrier de versement de l’impôt sur les sociétés 9, pour un total équivalant à 0,6 point de PIB. Hors ces éléments, le déficit se serait établi à 3,5 % du PIB. Il dépasserait ainsi le seuil de 3 % comme depuis 2002.
La réduction du besoin de financement des APU porte essentiellement sur les administrations de sécurité sociale (-3,8 Mde en 2005 contre -15,9 Mde en 2004) ; elle résulte, pour l’essentiel, de la comptabilisation de la « soulte » des I.E.G. Pour l’État, le besoin de financement notifié à Bruxelles est à peine amélioré (-51,8 Mde contre -52,8 Mde en 2004), malgré la mesure sur l’IS.
Tableau 4 - Capacité (+) ou besoin (-) de financement des APU 10
Déficit notifié et résultat budgétaire de l’État
Le déficit notifié pour l’État (51,8 Mde) est supérieur au résultat d’exécution budgétaire (-43,5 Mde). La différence s’explique par les conventions comptables du système européen de comptes 12.
Certaines jouent dans le sens de la dégradation du résultat : c’est le cas du solde net des dotations en capital et des produits de cession des participations de l’État (-5,12 Mde), du remboursement en capital de la CADES (-2,85 Mde), de différents décalages comptables (-1,35 Mde) dont les principaux concernent les exonérations de cotisations sociales (-1,54 Mde) et la TVA (0,62 Mde).
D’autres, au contraire, sont positives : la principale résulte du nouveau traitement des dépenses d’équipement militaire, désormais enregistrées en charges à la livraison et non plus par tranches fonctionnelles, ce qui améliore le déficit pour 2005 de 1,82 Mde. Les autres corrections positives significatives concernent la participation au financement des organismes internationaux (0,49 Mde) et les gains d’intérêts sur produits dérivés (0,51 Mde).
B - Les recettes et les dépenses 13
La progression des dépenses s’est de nouveau accentuée (+4,1 % contre +3,8 % en 2004 et +4,4 % en 2003). Elles sont constituées pour 44 % de prestations sociales, qui continuent de croître rapidement (les dépenses d’assurance-maladie ont encore augmenté de 3,9 % en 2005).
Les recettes sont en augmentation encore plus sensible (+5,8 % contre +4,8 % en 2004 et +2,4 % en 2003), mais incluent des ressources exceptionnelles, pour 10,7 Mde (+4,4 % hors ces opérations). Les recettes fiscales (54 %) progressent de 5,4 %, soit nettement plus vite que la moyenne des années précédentes (+3,3 % sur 2002-2004). Les cotisations sociales (35,7 % du total) s’accroissent de 4,4 %.
Les « autres recettes » progressent fortement sous l’effet de la mobilisation des recettes non reconductibles déjà évoquées.
La forte augmentation des recettes n’a été qu’en partie affectée à la réduction du déficit. Elle a aussi servi, comme les années précédentes, à couvrir une progression des dépenses plus rapide que celle du PIB.
En moyenne période, les dépenses des administrations publiques représentent depuis 1993 entre 52 et 55 % du produit intérieur brut (elles sont passées de 53,3 % en 2004 à 54 % en 2005). Après une baisse entre 1998 et 2000, due à la forte progression du PIB, leur part dans le PIB augmente depuis 2001, de 2,3 points toutes dépenses confondues et de 2,6 points hors charges d’intérêts.
La différence entre ces deux derniers chiffres souligne l’incidence très favorable des taux d’intérêt bas, qui ont limité les charges d’intérêt, malgré la croissance de la dette.
Graphique 2 - La part des dépenses des APU dans le PIB
Une comparaison entre les catégories d’administrations montre, d’une part, que les dépenses de l’État croissent sensiblement moins vite en 2005 que celles des autres administrations et que, d’autre part, les recettes sont plus dynamiques que les dépenses dans tous les sous-secteurs, sauf dans celui des organismes divers d’administration centrale (ODAC).
Tableau 5 - Dépenses et recettes des APU par sous-secteur
C - La dette
La « dette publique » est mesurée, en application du protocole de Maastricht, par un agrégat sui generis, qui vise la simplicité et la comparabilité entre États : il recouvre les dettes financières des administrations publiques, exprimées en valeur nominale - et non en valeur de marché, comme les passifs de comptabilité nationale - et brute, sans déduire les créances détenues par les administrations publiques sur les autres agents économiques. C’est une dette consolidée, c’est-à-dire qu’en sont exclues les dettes entre administrations publiques.
Cet agrégat ne comprend pas les dettes des entreprises publiques du secteur marchand, ce qui est logique, à la réserve près, toutefois, que quelques dettes d’entreprises publiques ont, de facto, toutes les caractéristiques d’une dette publique au sens de Maastricht : c’est le cas, par exemple, d’une partie de la dette ferroviaire (20 Mde environ) portée par Réseau ferré de France (RFF) et le Service annexe d’amortissement de la dette (SAAD) de la SNCF, dont la charge d’intérêt et le remboursement sont, en réalité, supportés par le budget de l’État, via les subventions annuelles qu’il verse aux deux entreprises.
1 - Un endettement en augmentation rapide
L’endettement de la France s’alourdit à nouveau. La dette publique globale est passée de 1 067 Mde en 2004 à 1 138 Mde à fin 2005 (+6,7 %), soit 18 000 e par habitant. Elle atteint 66,8 % du PIB 14, contre 64,4 % en 2004. Elle a été multipliée par cinq en euros constants en vingt ans, alors que le PIB ne progressait dans le même temps que de 60 % ; cette évolution s’est accélérée dans la période récente, tandis que nos principaux partenaires ont pour la plupart réduit leur endettement.
Graphique 3 - Évolution de la dette des administrations publiques
Le taux d’endettement des APU se situe désormais près de 7 points au-delà de la limite de 60 % prévue par le traité de l’Union européenne et dix points au-dessus de celui de fin 2000. De fait, une stabilisation de la dette au niveau atteint à la fin de 2004 aurait requis que le besoin de financement n’excède pas le déficit stabilisant (entre 1,7 et 1,8 % du PIB), alors que le besoin de financement effectif a été de 2,9 % du PIB.
2 - Une aggravation généralisée
L’accroissement de la dette résulte de la dégradation de la situation de l’ensemble des administrations publiques.
La dette des administrations de sécurité sociale, qui présente la particularité de financer des prestations, c’est-à-dire des dépenses courantes, se creuse de nouveau. Elle dépasse le niveau de 2003, après la diminution permise en 2004 par le transfert à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) des déficits de la branche maladie du régime général 15.
L’endettement des administrations publiques locales augmente plus fortement qu’en 2004. Sa progression demeure toutefois moins rapide que celle des endettements de l’État et de la sécurité sociale et, contrairement à eux, il finance, dans sa quasi-totalité, des dépenses d’équipement.
Tableau 6 - Évolution de la dette des administrations publiques
III - Les comparaisons internationales 17
Que l’on considère la zone euro, l’Union à 15 ou les 25 États membres 18, les résultats de l’année 2005 montrent que la situation des finances publiques françaises continue à se dégrader par rapport aux autres États de l’Union européenne, en dépit de la réduction des écarts entre le solde public français et les moyennes communautaires.
A - Des soldes parmi les plus dégradés de l’UE
1 - Un déficit public, hors mesures exceptionnelles, toujours parmi les plus élevés de la zone euro et de l’UE
Le déficit des administrations publiques, malgré des recettes exceptionnelles d’un montant plus élevé que dans le reste de l’Union (0,6 % du PIB contre 0,3 %, en moyenne, pour les douze États de la zone euro et 0,2 % pour les 25) est resté sensiblement plus défavorable que ces moyennes, comme depuis 2002.
Des mesures exceptionnelles sont venues améliorer les soldes des finances publiques d’assez nombreux États membres de l’Union européenne mais c’est en France, en Italie et en Belgique qu’elles ont le plus modifié le résultat (0,6 point de PIB pour la France ; 0,5 point dans les deux autres cas) 19 .
Hors recettes exceptionnelles, l’amélioration par rapport à 2004 (0,2 point de PIB) est plus limitée que dans la plupart des autres États, dont l’Allemagne. Seuls, dans la zone euro, l’Italie et, plus encore, le Portugal ont enregistré sur ce point, en 2005, des résultats moins favorables. Toujours hors recettes exceptionnelles, le résultat brut allemand devient moins déficitaire (-3,4 % du PIB) que le solde français (-3,5 %).
Graphique 4 - Solde public (avant et après mesures exceptionnelles)
L’écart par rapport aux moyennes communautaires, hors recettes exceptionnelles, s’est aggravé de 0,2 à 0,3 point par rapport à 2004 20. Sept des douze États membres de la zone euro ont enregistré, comme en 2004, un solde public excédentaire (Finlande, Espagne, Irlande, Belgique) ou un déficit léger au regard de la faiblesse de leur endettement (Pays-Bas, Autriche, Luxembourg). Des excédents publics substantiels ont également été enregistrés en 2005, hors recettes non reconductibles, au Danemark (4,7 % du PIB) et en Suède (2 % du PIB).
La réduction du déficit public français ne doit donc pas occulter l’accroissement de l’écart entre la situation des finances publiques françaises et, quelques rares cas mis à part (Italie, Grèce et Portugal, en particulier), celle des autres économies les plus comparables de l’Union.
2 - Un déficit primaire peu réduit
S’agissant du solde primaire, qui retrace l’écart entre les recettes et les dépenses avant prise en compte des charges d’intérêt de la dette, les comparaisons s’établissent aussi à la défaveur de la France.
Graphique 5 - Évolution des soldes primaires (avant déduction des recettes exceptionnelles)
La plupart des États les moins endettés de l’Union ont enregistré en 2005, comme les années précédentes, des excédents primaires très élevés qui contribuent à faire baisser encore leur endettement. Ils ont donc à nouveau accru leurs marges de manœuvre.
La France est, avec l’Allemagne et le Portugal, l’un des trois seuls États dont l’endettement dépasse 60 % du PIB à avoir connu, en 2005, un déficit primaire. Cette situation dure depuis 2002 pour la France et l’Allemagne, depuis 2001 au Portugal. Mais, dans le cas français, elle est réapparue après cinq années seulement de faibles excédents primaires, alors que l’Allemagne avait connu, entre 1992 et 2001, pour un endettement peu différent de l’endettement français d’alors, dix années consécutives d’excédents primaires. En outre, la France n’a enregistré depuis 2003 qu’une amélioration réduite. Avec un déficit primaire, hors recettes exceptionnelles, ramené à -0,6 % du PIB en 2005, l’Allemagne, qui avait eu, en 2001 et 2002, un solde primaire plus déficitaire que celui de la France, aura donc réussi, malgré les charges de la réunification, à progresser plus vite sur ce point vers le rétablissement de sa situation. Son retour à un excédent primaire paraît possible pour 2007 21 alors qu’une telle perspective n’est pas envisagée pour la France.
Par opposition, la Belgique, dont la situation était très dégradée et qui reste l’un des États les plus endettés de l’Union (93 % du PIB), a enregistré en 2005, comme presque chaque année depuis six ans, un excédent brut, c’est-à-dire que son excédent primaire est supérieur au montant de la charge annuelle des intérêts de sa dette publique.
3 - Un déficit structurel persistant
Afin d’apprécier les situations sous-jacentes et de comparer, sans distorsion, les résultats d’économies situées à des phases différentes du cycle 22, les services de la Commission européenne s’efforcent, depuis 2004, de tenir compte, avec le maximum d’homogénéité possible, des variations de la conjoncture et d’éventuelles mesures exceptionnelles. Leur appréciation se fonde, à cet effet, sur les soldes structurels.
Graphique 6 - Évolution des soldes structurels (hors mesures exceptionnelles à partir de 2004)
Depuis 2002, le solde structurel français est devenu nettement plus déficitaire que les moyennes européennes, elles-mêmes dégradées par les résultats des principaux États membres de la zone euro et de l’Union, dont la France. Malgré les améliorations intervenues depuis 2003, ce solde, hors recettes exceptionnelles, reste toujours au-delà de 3 % du PIB.
B - Une dette publique excessive et exposée à une hausse des taux d’intérêt
1 - Une dette publique dont l’ampleur s’accroît par rapport à celle des pays comparables
La nouvelle hausse de la dette publique contraste avec la baisse constatée dans la majorité des États comparables. Au sein de la zone euro, seuls l’Italie, l’Allemagne et le Portugal ont aussi enregistré en 2005 une augmentation du pourcentage de leur dette publique dans le PIB.
Le taux d’endettement français est désormais nettement supérieur à celui de l’Europe des 25 et il se rapproche du taux moyen de la zone euro dont le niveau est plus affecté que la moyenne à 25 par le poids des dettes grecque (108 % du PIB), italienne (106 %) et belge (93 %).
Graphique 7 - Dette publique comparée
Tableau 7 - Engagements financiers bruts des APU
2 - Une dette publique plus exposée que d’autres à un renchérissement des taux d’intérêt
Tous les États européens ont profité de la baisse des taux et de la réduction des écarts de taux au sein de la zone euro. Ils ont pu obtenir, en ce domaine, des résultats globaux d’autant plus substantiels que leurs conditions d’emprunt étaient plus onéreuses dans le passé et que leur niveau d’endettement a connu, récemment, une évolution favorable.
Graphique 8 - Charges d’intérêts de la dette publique
Certes, la part des intérêts de la dette française dans le PIB reste inférieure à celle de la majorité des autres États de l’Union, mais l’écart se réduit. En outre, si l’on élargit la comparaison, on constate que les États-Unis, moins endettés proportionnellement, ont supporté, en 2005, de moindres charges de la dette rapportées au PIB que la France (1,9 % contre 2,6 %). Il en a été de même pour le Canada (1,1 %), l’Australie (1,3 %) et le Japon (1,3 %) 26.
Constituée, pour l’essentiel, dans un contexte de taux bas, la dette française est plus exposée à un renchérissement du coût de la ressource que celle des États dont le coût moyen d’endettement, du fait de sa constitution plus ancienne, est aujourd’hui plus élevé que le sien.
C - Un niveau de dépenses publiques de plus en plus divergent de celui des autres États
La nouvelle augmentation du poids des dépenses publiques en proportion du PIB contraste avec la poursuite de sa baisse dans la plupart des États industrialisés les plus comparables. En Allemagne, ce ratio se trouve à nouveau, depuis 2004, inférieur aux moyennes communautaires, comme constamment au cours des vingt dernières années, la période 2001-2003 mise à part. L’écart entre la situation française et la moyenne de la zone euro (47,5 %) a atteint, en 2005, un niveau qu’il n’avait jamais connu auparavant : 6,4 points de PIB.
Cet écart n’a cessé de s’élargir depuis vingt ans, sauf en 1998 et 2001 : de l’ordre d’un à deux points de PIB pendant la première partie de la décennie 1990, il s’est rapidement accru ensuite, le ratio augmentant en France alors qu’il évoluait le plus souvent à la baisse dans les autres États de la zone euro et de l’Union. La France a ainsi enregistré depuis 1998, au sein de la zone euro, le ratio « dépenses publiques/PIB » le plus élevé. Cette tendance s’est aggravée en 2005.
Graphique 9 - Évolution comparée des dépenses publiques
Après avoir dépassé, depuis le milieu des années 1990, d’abord le niveau norvégien (redescendu, depuis 1992, de plus de 56 % à 42,9 %) puis le finlandais (50,8 % du PIB en 2005), le ratio dépenses publiques sur PIB de la France a, pour la première fois en 2005, dépassé le niveau danois (revenu, la même année, à 53 % du PIB). Il se rapproche désormais de celui de la Suède (56,4 % du PIB), qui demeure le plus élevé des pays de l’OCDE mais est en baisse tendancielle.
Conclusion
L’amélioration du ratio de déficit global des administrations publiques par rapport au PIB constatée en 2005 peut donner l’impression d’un certain rapprochement de la situation française par rapport à la moyenne de celles de ses principaux partenaires extérieurs. Cependant, si le déficit public pour 2005 notifié à la Commission européenne a été ramené à 2, 9 % du PIB, il atteint 3, 5 % hors recettes exceptionnelles.
Au sein de l’Union, les résultats « hors recettes exceptionnelles » font apparaître les limites de l’amélioration intervenue en France et la lenteur de son rythme au regard de celui constaté dans la majorité des pays les plus directement comparables. Ce constat s’impose encore plus fortement dans un cadre plus large, par exemple l’OCDE. La position des finances publiques françaises, dans le groupe des États les plus anciennement industrialisés, se singularise toujours davantage par un déficit structurel élevé, un déficit primaire récurrent, un niveau exceptionnellement élevé de dépenses publiques, une croissance de l’endettement ininterrompue et rapide.
L’année 2005 aura donc marqué, malgré la réduction du déficit après opérations exceptionnelles, une nouvelle accentuation des divergences d’évolutions entre la France et ses partenaires.
Chapitre II -Situation des différentesadministrations publiques
Au-delà du constat global sur la situation des finances publiques, un examen par catégorie d’administrations publiques permet d’aller plus avant dans l’analyse, de faire apparaître les facteurs déterminants de cette dégradation et de les hiérarchiser. Il s’appuie en effet non plus seulement sur les concepts de comptabilité nationale et ceux utilisés pour l’application du pacte de stabilité et de croissance, mais aussi sur les données budgétaires et comptables propres à chacune des administrations ainsi que sur les observations formulées par la Cour dans différents rapports.
I - L’État
A - Les soldes budgétaires
1 - Le déficit budgétaire
À fin 2005, le solde d’exécution du budget de l’État s’établit à -43,5 Mde. Ce déficit est inférieur de 0,4 Mde à celui constaté en 2004. L’écart entre les résultats définitifs et les projections se réduit. Le déficit est même, depuis 2004, inférieur à la prévision de LFI et de LFR. Cependant, il signifie qu’encore près de deux mois de dépenses ne sont pas financés par les recettes. C’est le déficit le plus élevé, en volume et en pourcentage des dépenses, de l’ensemble des administrations publiques. En outre, le déficit prévisionnel se creuse à nouveau en LFI 2006.
Graphique 10 - Résultats budgétaires 2001-2005hors FMI et hors FSC 27 (Mde)
2 - Le déficit primaire
Le solde primaire du budget de l’État, qui retrace l’écart entre les recettes et les dépenses avant paiement des intérêts, reste négatif. Il ne continue de se réduire légèrement en 2005 (-4,6 Mde contre -5,8 Mde en 2004 et -19,4 Mde en 2003) que grâce à la modification du calendrier de perception de l’impôt sur les sociétés et se détériore hors cette mesure.
Graphique 11 - Solde primaire du budget de l’État
Depuis treize ans, à l’exception des trois exercices 1999 à 2001, il a été constamment négatif.
B - Les recettes et les dépenses
Pour la deuxième année consécutive, c’est grâce à l’augmentation des recettes - mais en particulier de ressources non reconductibles - que le déficit de l’État s’est réduit en 2005, malgré la poursuite de la croissance des charges. Cette évolution des recettes et des dépenses de l’État a été analysée de manière détaillée dans le rapport de la Cour sur les résultats et la gestion budgétaire pour 2005 28. Elle appelle des observations importantes au regard de la situation des finances publiques.
1 - Une faible augmentation des recettes
a) Une croissance des recettes fiscales en net ralentissement
Après des rentrées fiscales exceptionnelles en 2004, les ressources nettes de l’État ont progressé de 5,5 Mde, fonds de concours inclus, soit un rythme de progression très inférieur à celui enregistré l’année précédente (2,2 % contre 9,5 %).
La hausse des ressources a résulté aussi bien des recettes fiscales (+5,9 Mde) que des recettes non fiscales (+1,8 Mde). L’exécution s’est révélée conforme aux prévisions, à 0,5 Mde près, en dépit d’une croissance plus faible que prévu. De fait, le retard observé sur les recettes encaissées au titre de 2005 s’est trouvé pour partie compensé par le dynamisme des recouvrements effectués au titre de l’exercice précédent et par les 2,3 Mde de surplus de recettes, non prévus en LFI, encaissés grâce à la modification du régime d’acompte de l’impôt sur les sociétés.
Graphique 12 - Évolution des ressources nettes(y compris fonds de concours et hors réforme du calendrier de l’IS)
Sur le moyen terme, les recettes non fiscales ont crû de 25 % depuis 2000 (38,4 Mde en 2005) ; elles représentent désormais 12 % du total.
Comme les années précédentes, un écart apparaît entre les résultats constatés et les prévisions de recettes qui ont servi de support à la détermination des objectifs de déficit dans la loi de finances.
Tableau 8 - Écarts entre les prévisions en LFI (a) et les réalisations (b) de recettes fiscales nettes de l’État (a - b)
De 2001 à 2003, l’écart cumulé a entraîné un manque de recettes de plus de 23 Mde. La permanence de ces écarts traduit, outre les erreurs sur la prévision de croissance du PIB, une qualité insuffisante des prévisions de recettes et un manque de rapidité dans l’adaptation des finances publiques aux fluctuations de la conjoncture.
Enfin, l’évolution des recettes fiscales de l’État a été marquée, dans la période récente, par trois phénomènes qui ont diminué le montant des recettes du budget général : des transferts de fiscalité liés aux transferts de compétences aux collectivités territoriales, la forte croissance des dépenses fiscales (cf. infra) et des baisses des impôts d’État. Il en est résulté une réduction de la part de la fiscalité d’État dans le total des prélèvements obligatoires (18,3 % du PIB en 2005 contre 22 % en 2001).
Cette évolution a permis que le taux global des prélèvements obligatoires n’augmente pas significativement sur la période en dépit de la hausse des prélèvements sociaux. Cependant, la baisse relative des recettes fiscales de l’État n’aurait été cohérente, au regard de l’équilibre des finances publiques, que si elle s’était accompagnée d’une limitation parallèle de la croissance des dépenses.
b) Les « dépenses fiscales »
Le financement de certaines politiques publiques est assuré, en lieu et place de dépenses budgétaires, sous la forme d’exonérations d’impôts. Ces mesures, appelées « dépenses fiscales », contribuent à expliquer le ralentissement des recettes de l’État.
Le coût, en monnaie constante, des dépenses fiscales chiffrées en LFI a en effet été marqué, en 2005, par une reprise de leur augmentation, après une phase de réduction régulière. Pour l’essentiel, cette évolution est liée à la prime pour l’emploi (PPE) 30.
Cette tendance devrait s’accélérer en 2006 puisque le Gouvernement anticipe une charge estimée à 61 Mde, soit +6,2 Mde. En 2005, alors que les dépenses budgétaires ont augmenté de 6 Mde, les dépenses fiscales se sont accrues de 3 Mde, constituant un élément majeur de l’évolution des finances publiques.
Tableau 9 - Évolution du nombre des dépenses fiscales (Etat)
Tableau 10 - Estimation du coût des dépenses fiscales de l’État
Outre leur dynamisme, les dépenses fiscales se caractérisent par le décalage de leurs effets dans le temps : les 21 mesures ayant pris effet en 2005 qui font l’objet d’un chiffrage (sur 24) coûteraient environ 880 Me en 2005, mais 2 020 Me en 2006, et ne seraient compensées que par la suppression de 600 Me d’autres dépenses fiscales.
Les dépenses fiscales sont un facteur d’autant plus essentiel de dégradation du budget de l’État que le suivi de leur coût comporte des lacunes. Les évaluations portées à la connaissance du Parlement sont loin de porter sur l’ensemble des dépenses fiscales, même si des progrès ont été enregistrés. Le conseil des impôts 31 avait relevé que la proportion de celles qui donnent lieu à un chiffrage dans les projets de loi de finances s’établissait à 39 % en 1980 et toujours seulement à 56 % en 2003. Ce taux n’est encore que de 70 % en LFI 2006. Conformément à l’article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les dépenses fiscales sont désormais incluses dans les missions et programmes budgétaires et assorties d’indications sur les méthodes de chiffrage, mais celles-ci demeurent quelquefois sommaires (sur les 22 dispositifs de dépenses fiscales liés au programme Développement et amélioration de l’offre de logement, 8 ne sont pas évalués, soit plus du tiers).
Quand les données sont disponibles, un écart important est observé entre les estimations jointes à la LFI 32 et les réalisations. Par exemple, l’exonération d’impôt sur le revenu de l’allocation logement et de l’aide personnalisée au logement n’aurait coûté que 30 Me en 2004, selon l’information portée dans le projet de loi de finances pour 2006, alors que son incidence était estimée à 430 Me dans celui pour 2005.
Par ailleurs, les chiffrages disponibles ne font état que du coût direct des dépenses fiscales et non, par exemple, de leur incidence sur l’accès de leurs bénéficiaires à d’autres avantages fiscaux ou sociaux par le biais de l’abaissement du revenu imposable. Pour leur part, les dépenses fiscales imputées sur les ressources des collectivités territoriales ne sont actuellement ni recensées, ni évaluées dans les documents budgétaires, même lorsqu’elles donnent lieu à compensation par l’État, dont elles affectent le solde budgétaire.
Enfin, selon le mode de traitement actuellement retenu, certaines mesures sont considérées comme étant des dépenses fiscales au moment de leur création puis, à la seule discrétion du Gouvernement, requalifiées en simples « modalités particulières de calcul de l’impôt » (perdant de ce fait la qualification de dépenses fiscales).
2 - Les dépenses
a) Les dépenses de l’État continuent d’augmenter en valeur
Les dépenses nettes du budget général 33 (288,45 Mde) ont augmenté de 1,7 %, soit 4,8 Mde, par rapport à 2004, à périmètre courant.
Leur croissance est donc restée forte en dépit d’un niveau d’annulations de crédits mis en réserve nettement plus élevé qu’en 2004.
Tableau 11 - Mesures de régulation budgétaire
La progression des dépenses a été de 35 Mde depuis 2000 : en cinq ans, malgré des efforts de réduction des coûts, elle a donc représenté près des deux tiers du produit annuel de l’impôt sur le revenu ou encore l’équivalent de plus des deux tiers du déficit actuel.
Graphique 13 - Dépenses nettes du budget général hors fonds de concours (à périmètre courant)
Par ailleurs, les dépenses nettes du budget général, indicateur choisi par le Gouvernement pour mesurer la maîtrise des dépenses, ne retracent pas toutes les charges qui pèsent sur le solde budgétaire et sur le niveau de la dette de l’État. Cet indicateur présente certes l’avantage d’être celui qui était déjà utilisé en début de période, et donc de s’appuyer sur une série à périmètre constant. Mais il convient de raisonner aussi à partir des dépenses brutes du budget général, qui s’établissent à 366,1 Mde lorsque sont pris en compte les remboursements et dégrèvements d’impôts (69,4 Mde en 2005), liés notamment à la multiplication des dépenses fiscales, le montant des fonds de concours (5,8 Mde), les recettes en atténuation des charges de la dette (2,4 Mde) et le montant des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales (46,4 Mde en 2005), qui sont des dépenses par nature et n’en sont extraites que par une convention de comptabilité budgétaire.
Graphique 14 - Évolution comparée des dépenses nettes et des dépenses brutes + prélèvements sur recettes
Cette approche plus large de la dépense - dans laquelle ne figurent cependant pas certaines dépenses fiscales 34 - permet de constater que celle-ci a augmenté de 65 Mde depuis 2000, soit presque deux fois plus que les seules dépenses nettes.
b) Plusieurs changements de périmètre n’ont pas été pris en compte pour le calcul de la norme de dépense
La norme de progression des dépenses de l’État (« zéro volume ») s’applique aux charges considérées à périmètre constant. En effet, pour être tout à fait significative, l’appréciation pluriannuelle de l’exécution budgétaire exige que l’analyse des dépenses tienne compte aussi des modifications de périmètre intervenues d’un exercice sur l’autre.
Celles décrites dans les documents accompagnant le projet de loi de finances pour 2005 sont les suivantes :
Effet estimé en LFI 2005 :
- Budgétisation des dépenses du fonds d’intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA)+113,8 Me
- Budgétisation du financement des retraites anticipées de Charbonnages de France+127,4 Me
- Transfert de personnels de divers établissements culturels et du secrétariat général de la défense nationale ; débudgétisation des centres techniques industriels-5 Me
- Transferts de compétences aux régions et aux départements (loi du 13 août 2004 et art. 33 de la LFI)-346, 4 Me
- Transfert à l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)-285, 5 Me
- Total-395, 7 Me
Corrigées de ces changements de périmètre, les dépenses nettes de 2005 s’élèvent à 288,8 Mde, soit une augmentation de 1,8 % sur un an, égale à celle de l’inflation prévisionnelle et correspondant donc à la norme « zéro volume » en principe en usage.
Toutefois, d’autres changements de périmètre significatifs ont été effectués par la loi de finances pour 2005, qui ne sont pas identifiés comme tels dans les documents budgétaires, alors qu’ils constituaient des transferts de charges.
Effet en LFI 2005 :
? Suppression de la dotation versée au titre de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), en contrepartie d’une affectation de taxes-370 Me
- Prêt à taux zéro : substitution d’une dépense fiscale (crédit d’impôt) à la subvention versée aux établissements de crédit -260 Me
? Remplacement des exonérations de redevance audiovisuelle par des dégrèvements, financés antérieurement sur le budget des charges communes-440 Me
? Suppression des dotations budgétaires versées aux régions pour le financement de l’apprentissage, en contrepartie de la création de nouvelles taxes-198 Me
? Versement de dotations à l’Agence nationale pour la recherche sur le compte spécial du Trésor 902-24, en remplacement de dotations du budget général *-20 Me
? Total -1 288 Me
* la dette de l’État au titre du fonds national des sciences (FNS) et du fonds pour la recherche et la technologie (FRT), évaluée à 295 Me à fin 2005, a été transférée à l’ANR par la loi de finances 2006.
Si l’on ajoute ces montants aux charges de l’exercice 2005, les dépenses de 2005 s’établissent alors à 290,1 Mde, en hausse de 2,3 %, soit 0,5 % au-dessus de l’inflation prévisionnelle.
c) Plusieurs mesures non prévues en loi de finances ont eu pour effet d’améliorer l’exécution 2005
Certaines modifications ont eu pour effet d’alléger la contrainte posée par la norme de dépenses de l’État, sans pour autant réduire la charge pesant in fine sur les dépenses publiques dans leur ensemble.
Il s’agit, par exemple, des annulations de crédits effectuées pour tenir compte de la modification du régime d’assujettissement à la TVA des établissements publics à caractère scientifique et technique (396 Me) et du transfert à l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 35 de la charge du volet routier des contrats de plan État-régions (272 Me).
3 - Les mesures mises en œuvre pour limiter le déficit
Pour faire face au dépassement de la norme de dépenses et limiter le déficit à son montant prévu par la loi de finances, l’État a mis en œuvre, au-delà de l’aménagement du calendrier de l’impôt sur les sociétés, diverses dispositions exceptionnelles, concernant les modalités de la gestion ou de la comptabilisation des opérations budgétaires.
a) L’accumulation de retards de paiement
La Cour avait, dans son rapport au Parlement sur l’exécution de la loi de finances pour l’exercice 2004 36, examiné les effets des retards de paiement accumulés par l’État.
L’analyse conduite sur la situation au 31 décembre 2005, ciblée sur les dettes les plus significatives arrivées à échéance 37, conduit à constater la persistance d’arriérés de paiement élevés, soit parce que n’avaient pas été ouverts en loi de finances des crédits correspondant à la réalité des besoins, soit parce que les crédits ouverts ont été rendus indisponibles par suite de mesures de régulation budgétaire. Encore ces estimations sont-elles loin d’être exhaustives, la plupart des services de l’État n’étant pas en mesure d’indiquer le montant précis des sommes impayées 38.
Certes, dans le secteur de la défense, le montant des sommes dues au titre des investissements a été ramené de 3 046 Me fin 2004 à 2 144 Me au 31 décembre 2005.
En revanche, l’État a accumulé des arriérés de 2 500 Me au titre des compensations d’exonérations sociales 39, auxquels s’ajoute une dette cumulée de 1 378 Me envers l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). De surcroît, les dotations budgétaires destinées au remboursement des prestations gérées par les organismes de sécurité sociale ont encore été très insuffisantes pour permettre à l’État d’honorer ses engagements. Compte tenu des produits à recevoir 40, ces insuffisances atteignaient 3 200 Me à fin 2005. Au total, au 31 décembre 2005, la dette nette de l’État à l’égard des organismes centraux de la sécurité sociale s’élevait à presque 5,5 Mde, en progression de 6,76 % par rapport à la fin 2004. Si l’on déduit de ce montant, qui retrace les impayés de l’État en droits constatés, les sommes payées en janvier 2006, au cours de la période complémentaire, les arriérés de l’État à l’égard des administrations de sécurité sociale s’établissent à 4 360 Mde à fin 2005, contre 2 966 à fin 2004 41 (+47 %).
b) Les modalités de comptabilisation de certaines opérations
La Cour a mis en évidence, dans son rapport sur les résultats et la gestion 42 et dans son rapport sur les comptes de l’exercice 2005 43, le caractère contestable de plusieurs opérations réalisées en 2005 :
? le mode de traitement budgétaire de la reprise de provision afférente au droit à la prime d’État sur le plan d’épargne populaire (PEP), qui s’est traduit par l’inscription d’une recette de 652 Me ne correspondant pas à une rentrée effective en trésorerie ;
? l’intégration de la dette du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), selon des modalités qui ont conduit, dans les comptes du budget général, à enregistrer une dette au lieu d’une charge budgétaire, à hauteur de 2,5 Mde ;
? la comptabilisation du remboursement à l’État de 3 Mde par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), au titre du prêt consenti par la caisse des dépôts et consignations à l’ACOSS, dette transférée à la CADES en 1996. La prise en charge du capital correspondant n’ayant pas été traitée comme une dépense budgétaire, son remboursement ne devait pas être comptabilisé en recettes budgétaires. Cette anomalie aura perduré jusqu’au dernier versement annuel, nonobstant les critiques réitérées de la Cour depuis la reprise du prêt de l’ACOSS par l’État en 1994.
Ainsi, au-delà du solde budgétaire, l’examen de la situation de l’État à fin 2005 ferait apparaître un problème de financement sensiblement plus important.
C - La dette
1 - Un endettement élevé et en croissance rapide
La dette de l’État, telle qu’elle figure au compte général de l’administration des finances (CGAF), s’est établie au 31 décembre 2005 à 989,6 Mde, soit 58,5 % du PIB, contre 56,7 %, à fin 2004. Au sens du traité de Maastricht, la dette de l’État atteint 52,3 % du PIB en 2005 contre 51,0 % en 2004.
Au-delà du niveau proprement dit de la dette de l’État et de son poids dans le PIB, c’est son augmentation ininterrompue - et qui tend à s’accélérer - qui constitue aujourd’hui le principal motif de préoccupation, alors que la plupart des partenaires de la France connaissent l’évolution inverse.
Graphique 15 - La dette de l’État de 1980 à 2005au sens du traité de Maastricht
L’augmentation de 54,3 Mde de la dette enregistrée en 2005 s’explique en grande partie par le niveau du déficit budgétaire (43,5 Mde). En effet, une stabilisation en pourcentage du PIB aurait exigé, en supposant négligeables les variations liées aux opérations non budgétaires, que le déficit de l’État soit inférieur au « déficit stabilisant » 44 (de l’ordre de 1,5 % du PIB pour l’État), alors qu’il a atteint 3 % du PIB en 2005 45. Se répercute également dans l’accroissement de la dette de l’État la reprise de celle du FFIPSA.
2 - Une charge de la dette qui avait jusque-là bénéficié de la baisse des taux d’intérêt
La charge nette des intérêts de la dette en 2005 s’est élevée à 38,9 Mde, en augmentation de 2 % par rapport à 2004. Elle correspond à un taux apparent de 4,2 % de la dette au 31 décembre 2004, en très légère baisse par rapport à celui observé l’année précédente (4,3 %). Les taux à long terme des obligations d’État de la zone euro ont baissé beaucoup plus fortement, de 4,1 % en moyenne en 2004 à 3,4 % en moyenne en 2005 pour les taux à dix ans 46. Cependant, cette évolution n’affecte les emprunts à taux fixes que lors de leur renouvellement et les taux à court terme ont plutôt augmenté, de 2,1 % à 2,2 % pour les taux à trois mois.
Sur longue période, l’État a bénéficié, comme l’ensemble des administrations publiques, de la baisse des taux d’intérêt au cours de la dernière décennie. Cependant, la charge d’intérêts a représenté 2,3 % du PIB en 2005, soit l’équivalent de deux fois les recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ou de 80 % du produit de l’impôt sur le revenu.
Cette estimation de l’incidence de la baisse des taux donne aussi la mesure du risque de dépenses supplémentaires qui pèse sur les budgets publics avec l’amorce d’une remontée des taux d’intérêt : pour une progression des taux d’un point, toutes échéances confondues, l’augmentation consécutive de la charge d’intérêts supportée par les administrations publiques, qui se répercuterait progressivement sur le coût moyen de la dette au fur et à mesure du renouvellement du stock, est estimée à 0,2 point de PIB (3,4 Mde) dès la deuxième année et à 0,6 point de PIB à horizon de quelques années (environ 10 Mde). Or, entre septembre 2005 et mai 2006, le taux des OAT a progressé de 0,95 point.
II - Les organismes divers d’administration centrale
Les ODAC, dont les recettes sont composées pour l’essentiel de transferts en provenance de l’État, associent globalement une capacité de financement substantielle (entre 4 et 10 Mde par an sur la période récente) et un endettement important (près de 100 Mde). Cette caractéristique tient à la présence en leur sein d’organismes conçus pour reprendre et amortir une dette (la CADES), constituer des réserves (le FRR) ou financer des équipements (l’AFITF depuis 2005).
Deux des ODAC, parmi les plus importants pour le montant de leurs opérations financières, peuvent être rattachés aux administrations de sécurité sociale : la CADES et le FRR. La première reprend et amortit la dette de la sécurité sociale, le second constitue des réserves pour le financement des retraites au-delà de 2020. Tous les autres organismes peuvent être rattachés à l’État, la quasi-totalité de leurs ressources reposant sur des transferts du budget de l’État ou des recettes fiscales affectées. Les variations de leur solde de financement ont donc pour la plupart une contrepartie de sens inverse pour le budget de l’État.
Si l’on procède à ces rattachements pour apprécier plus exactement la situation des administrations publiques, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale est réduit de 4,2 Mde en 2005 ; celui de l’État l’est de 3,2 Mde. La dette des ASSO est accrue de 74,8 Mde (CADES), celle de l’État de 20,3 Mde. La capacité de financement des ODAC comme leur endettement concernent donc majoritairement la sécurité sociale, mais l’effet sur l’État n’est pas négligeable.
A - Les résultats
Tableau 12 - Évolution des résultats des ODAC
Les ODAC se caractérisent par une grande hétérogénéité dans leurs résultats financiers. En 2005, ils ont dégagé une capacité de financement globale de 7,4 Mde contre 10,0 Mde l’année précédente. Cette diminution est liée aux opérations qui ont concerné l’ERAP 47 et l’EPFR 48 : le premier, qui avait dégagé une capacité de financement de 2 Mde en 2004, a enregistré au contraire un besoin de financement de -4 Mde en 2005 ; le second a vu sa capacité se réduire dans le même temps de 1,3 Mde à 0. Ces évolutions ont été partiellement compensées par l’excédent de 3,6 Mde de l’AFITF.
La CADES dégage une capacité de financement de 2,1 Mde (1,8 Mde en 2004). Ses ressources (5,4 Mde) sont en augmentation de 6,9 %, en raison de l’élargissement de l’assiette de la CRDS (5,1 Mde). Ses dépenses (3,3 Mde) sont stables. Les charges d’intérêt augmentent de 1 Mde en 2005, en conséquence des reprises de dette intervenues à la fin de 2004. En sens inverse, les versements effectués en 2003 et 2004 aux régimes de sécurité sociale (1,1 Mde en 2004) au titre de créances anciennes sur le FOREC ne pèsent plus sur les comptes de la Caisse à compter de 2005. Le dernier versement de la CADES à l’État (au titre de la dette reprise par celui-ci au régime général au 1er janvier 1994, et mise ensuite à la charge de la Caisse) est intervenu en 2005 pour un montant de 3 Mde. C’est ainsi une ressource de l’État qui disparaît en 2006.
Le FRR dégage une capacité de financement de 2,0 Mde en 2005, contre 2,5 Mde en 2004. Le recul est dû à la disparition des excédents de la CNAV, qui étaient versés au FRR.
B - L’évolution de l’endettement
L’endettement des ODAC a continué d’augmenter, passant de 90,2 Mde fin 2004 à 95,1 Mde fin 2005. L’ODAC qui porte la dette la plus importante est la CADES (74,8 Mde fin 2005, en augmentation de 6 Mde en un an). Viennent ensuite celles des quatre organismes qui appartiennent à la sphère financière de l’État : l’ERAP (9,6 Mde), l’ACOFA (5,9 Mde), l’EPFR (4,6 Mde) et Charbonnages de France (4,5 Mde).
III - Les administrations de sécurité sociale
La présentation qui suit recourt successivement à deux types de comptes : les comptes des administrations de sécurité sociale en comptabilité nationale et ceux des organismes dans leur comptabilité propre 49. Seuls les premiers permettent d’apprécier la place de la sécurité sociale au sens large dans l’économie nationale ou de réaliser des comparaisons internationales. Mais l’analyse par branche, nécessaire pour saisir la réalité des évolutions, ne peut se faire qu’en utilisant les seconds.
A - L’ensemble des administrations de sécurité sociale
1 - Le déficit des ASSO
En 2005, le déficit des administrations de sécurité sociale au sens de la comptabilité nationale est estimé à 3,8 Mde contre 15,9 Mde en 2004, et a été ainsi ramené de -1 % à -0,2 % du PIB. Cette forte réduction apparente s’explique d’abord par la comptabilisation en 2005 de l’intégralité de la contribution exceptionnelle, précitée, des I.E.G. aux régimes d’assurance vieillesse des salariés, pour un montant total de 8,4 Mde, soit 0,5 point de PIB, alors que seule une partie a été effectivement encaissée. Hors soulte, le déficit des ASSO est resté supérieur à 10 Mde en 2005 (soit 0,7 % du PIB).
Tableau 13 - Le solde des administrations de sécurité sociale
Contribuent aussi, dans une moindre mesure, à cette amélioration la réduction du déficit de l’Unédic, pour 1,3 Mde, l’amélioration du compte de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), pour 1,5 Mde, la diminution du versement de la CNAV au fonds de réserve des retraites (FRR) et l’excédent du régime additionnel de retraite de la fonction publique créé au 1er janvier 2005 (1,4 Mde).
En 2005, un supplément de recettes massif de plus de 4 Mde a été apporté aux ASSO par la loi de réforme de l’assurance-maladie (amélioration du rendement de la CSG, taxe additionnelle à la C3S, transfert de taxes sur les tabacs…). S’y est ajouté l’effet en année pleine de la mise en place, au 1er juillet 2004, de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) de 0,3 %, en contrepartie de la suppression d’un jour férié.
La réduction du déficit des ASSO résulte donc pour l’essentiel de mesures circonstancielles et d’une injection massive de recettes nouvelles et non d’une inflexion des tendances de fond.
2 - La dette sociale
Au demeurant, la « dette sociale », définie comme la somme de la dette portée par la CADES et de celle qui reste directement à la charge des ASSO, atteint 109,9 Mde fin 2005, soit 9 % de la dette publique totale. La soulte des I.E.G. ne l’a freinée qu’à hauteur de la quote-part effectivement versée en 2005.
Cette dette a connu une augmentation spectaculaire, qui a correspondu aux périodes de déficit élevé du régime général : 1993 à 1996, puis 2003 à 2005. Jusqu’en 1991, elle n’avait jamais dépassé 10 Mde, et elle recouvrait pour l’essentiel un endettement à court terme des hôpitaux. Elle s’est ensuite creusée pour atteindre 45 Mde en 1998, niveau autour duquel elle s’est stabilisée jusqu’en 2002. Puis elle a plus que doublé au cours des trois dernières années (2003-2005), traduisant l’ampleur sans précédent des déficits des régimes de sécurité sociale.
Tableau 14 - Évolution de la dette sociale
La dette restant à la charge des ASSO (c’est-à-dire non reprise par la CADES), soit 35,4 Mde fin 2005, a trois composantes principales : la dette de l’Unédic, soit 13,1 Mde fin 2005 ; le découvert de trésorerie de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), résultant des déficits des branches retraite et famille et aggravé par les insuffisances de financement du fonds de solidarité vieillesse (6,9 Mde au total fin 2005) ; enfin, l’endettement des hôpitaux (11,5 Mde fin 2005) 50.
La dette imputable à la sécurité sociale au sens strict - c’est-à-dire hors assurance chômage et hôpitaux et y compris la CADES - est de l’ordre de 85 Mde à la fin de 2005. Ce montant ne comprend pas la dette non financière que représentent de fait pour l’assurance-maladie les dépenses que des hôpitaux ont dû reporter fin 2005 sur 2006.
S’agissant de la CADES, la loi du 13 août 2004 a prévu la reprise du déficit cumulé et prévisionnel de l’assurance-maladie :
? à la fin de 2004 pour le déficit cumulé des exercices 1999 à 2004 dans la limite de 35 Mde ; quatre versements de la CADES à l’ACOSS sont intervenus entre le 1er septembre et le 9 décembre 2004 ;
? en 2005 et 2006 pour le financement des déficits de ces deux exercices dans une limite globale de 15 Mde ; un premier versement de 6,6 Mde 51 est intervenu dans ce cadre en octobre 2005.
Pour financer l’opération, la CADES, initialement créée en 1996 pour reprendre 44,8 Mde de dettes 52 et les amortir jusqu’en 2009, puis prolongée en 1998 jusqu’en 2014, a une nouvelle fois vu sa durée allongée « jusqu’à l’extinction de ses missions », qui devrait désormais se situer au-delà de 2022 en l’absence de nouvelle reprise de dette après 2006. Par ailleurs, la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS), qui constitue la ressource essentielle de la CADES, a vu son assiette élargie à 97 % des revenus salariaux au 1er janvier 2005 (au lieu de 95 % antérieurement), ce qui représente une augmentation de 2,1 %.
Les versements de la CADES au titre des années 2004 et 2005 atteignent 41,6 Mde et le montant cumulé de la dette reprise par elle depuis 1996 (y compris les annuités de remboursement à l’État) s’élève à 102 Mde à la fin de 2005. Compte tenu de la reprise de déficit effectuée en 2005 (-8,3 Mde), le plafond fixé par la loi du 13 août 2004 laisse encore la possibilité d’une reprise de déficit de 6,7 Mde en 2006.
Au-delà, la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 prévoit que « tout nouveau transfert de dette à la CADES est accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale ». La voie d’une reprise de déficit par simple allongement de la durée de vie de la CADES, qui permettait de reporter dans le futur le financement de dépenses courantes et qui a contribué à retarder l’ajustement des finances sociales, est donc désormais fermée. Après 2006, aucun déficit ne pourra plus être transféré à la CADES sans augmentation simultanée de la CRDS. Ce n’est pourtant qu’un premier progrès.
B - L’assurance chômage
Le résultat financier de l’assurance chômage a présenté en 2005 un déficit de 3,2 Mde, en légère réduction par rapport aux années 2003 et 2004. Celle-ci résulte à la fois d’une augmentation des recettes (+3,6 %) et d’une baisse des dépenses (-0,9 %). Le solde cumulé de l’assurance chômage et l’endettement corrélatif ressortent ainsi à -13,5 Mde à la fin de 2005.
Tableau 15 - Situation financière de l’assurance chômage
L’Unédic prévoit le retour à un excédent du régime en 2006 (+300 Me), sous les hypothèses d’une croissance du PIB de 1,9 % et d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi de 155 000. Cette amélioration (de 3,5 Mde soit 0,2 point de PIB) contribuerait fortement à celle du solde des ASSO (hors soultes) en 2006.
C - Les comptes des régimes de sécurité sociale
Dans son rapport de septembre 2006 sur la sécurité sociale, la Cour examinera la validité des chiffres présentés par les régimes de sécurité sociale dans leurs comptes. Ces résultats, tels qu’ils ressortent des comptes arrêtés au printemps 2006, appellent de premiers commentaires.
1 - L’ensemble des régimes de base
En 2005, le déficit de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, incluant l’ensemble des régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse, s’est aggravé pour atteindre le niveau sans précédent de -14,5 Mde, contre -12,2 Mde en 2004.
Le déficit du régime général, qui s’était creusé rapidement entre 2001 et 2004, s’est stabilisé en 2005 grâce aux augmentations de recettes intervenues au 1er janvier 2005. En revanche, les fonds alimentés par l’État et qui contribuent au financement des régimes de base continuent de voir leur situation se dégrader : le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) a connu un déficit de 1,4 Mde, qui s’ajoute à celui hérité du BAPSA (0,7 Mde) après la reprise par l’État de l’emprunt porté par la CCMSA à hauteur de 2,5 Mde ; le fonds de solidarité vieillesse (FSV) accuse un déficit de 2 Mde qui porte son solde cumulé à -3,7 Mde.
2 - Le régime général
a) Les hypothèses et prévisions associées à la loi de financement
Comme la loi de finances de l’État, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 était fondée sur la prévision d’une croissance économique de 2,5 % en volume. L’hypothèse retenue pour la masse salariale, déterminante pour les recettes de la sécurité sociale, était celle d’une progression de 4 % en valeur. L’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) était fixé à 134,9 Mde, soit une augmentation de 3,2 % par rapport aux estimations faites à la rentrée 2004 sur les dépenses de 2004.
Au sein du régime général, les charges de la CNAV devaient augmenter de 6,6 % (4,6 % hors les prestations désormais versées aux agents des I.E.G.), celles de la CNAF de 2,9 %. Dans ces conditions, le PLFSS prévoyait un déficit du régime général de 10,2 Mde en 2005.
b) Les principaux résultats de l’année 2005
L’année 2005 se solde par un déficit de 11,6 Mde pour le régime général, presque identique à celui de 2004. De plus, il est artificiellement réduit en 2005 (de 300 Me environ) par l’accélération du versement des taxes sur le tabac, qui a permis de comptabiliser 14 mois au lieu de 12. Les déficits de 2004 et 2005 sont les plus élevés jamais atteints.
Cette situation intervient alors qu’un supplément massif de recettes a été apporté au régime général par la hausse de divers prélèvements, supplément qui excède très largement l’effet de la disparition de la recette exceptionnelle de 1,1 Mde dont avait bénéficié le régime général en 2003 et 2004 au titre du remboursement de la dette du FOREC 53. Les quatre grandes branches du régime général sont, pour la première fois, simultanément déficitaires en 2005.
Tableau 17 - Soldes par branche du régime général
Du côté des dépenses, l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) a été respecté en montant (134,9 Mde) en 2005, pour la première fois depuis 1997. Son augmentation réelle est estimée à 3,9 % 54, ce qui constitue un ralentissement par rapport aux rythmes très élevés des années précédentes (4,9 % en 2004, 6,4 % en 2003, 7,1 % en 2002). Outre l’épuisement des effets de l’ARTT dans les hôpitaux, les charges ont été réduites par l’augmentation du forfait hospitalier et la création d’un reste à charge de un euro pour les consultations. Elles sont revenues à un rythme de croissance plus proche de leur tendance de long terme, tout en laissant le déficit à un niveau très élevé.
Tableau 17 - Dépenses d’assurance-maladie
En revanche, les dépenses des branches vieillesse et famille du régime général ont sensiblement dépassé les prévisions : leur augmentation a été de 7,5 % (au lieu de 6,6 %) pour les charges de retraite et de 5,8 % (au lieu de 2,9 %) pour la branche famille. Les prestations de retraite ont été accrues par la montée en charge de la retraite anticipée, pour des montants estimés à 560 Me en 2004 et 1 360 Me en 2005 (soit respectivement 0,8 et 1 point de croissance supplémentaire pour les deux années). La forte augmentation des prestations familiales, qui tranche avec une tendance antérieure structurellement modérée par les évolutions démographiques, est liée quant à elle à la montée en régime de la PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant), dont le coût avait été nettement sous-estimé.
Pour l’assurance-maladie, l’effet du ralentissement des dépenses est moindre que celui de l’augmentation des prélèvements au 1er janvier 2005 et n’empêche pas le déficit de rester à un niveau (8 Mde) supérieur à tous ceux qui avaient été enregistrés avant 2003.
3 - L’enjeu des prochaines années
La CADES peut encore prendre en charge 6,7 Mde de déficit de l’assurance-maladie en 2006. Les prévisions associées à la loi de financement pour 2006 tablent sur un solde de cette branche du régime général de -6,1 Mde en 2006 et de -3,5 Mde en 2007, le retour à l’équilibre n’intervenant qu’en 2009. Encore ce scénario repose-t-il sur l’hypothèse très volontariste d’une croissance de l’ONDAM limitée à 2,2 % par an en valeur.
L’assurance vieillesse, devenue déficitaire dès 2005, subit à partir de 2006, et pour de nombreuses années, l’effet du choc démographique lié à l’arrivée à la retraite des générations nombreuses d’après-guerre. Son déficit est dès à présent structurel, c’est-à-dire qu’on ne peut pas compter sur une amélioration de la conjoncture pour le résorber.
La situation de la branche famille est différente. Son déficit actuel résulte de la concomitance d’une progression passagèrement rapide des dépenses (montée en charge de la PAJE) et d’une conjoncture médiocre, qui pèse sur les recettes. Cependant, la branche doit pouvoir s’équilibrer sur plusieurs années, voire renouer avec les excédents qu’elle a connus dans le passé, la croissance de ses dépenses étant tendanciellement faible.
Pour des raisons différentes, l’assurance chômage devra également financer ses déficits passés par des excédents futurs.
En résumé, les besoins de financement des prochaines années porteront principalement sur les retraites et sur la maladie. Le redressement programmé de ces branches est très progressif et comporte encore des déficits pour plusieurs années. Compte tenu de la limitation de la durée de la CADES, ces besoins de financement prévisionnels ne pourront être couverts que par une modération supplémentaire de la dépense, difficile dans les deux branches, ou par des augmentations de prélèvements.
IV - Les administrations publiques locales 55
Les données disponibles sont, d’une part, celles de l’INSEE sur l’ensemble des administrations publiques locales et, d’autre part, celles de la direction générale de la comptabilité publique sur les collectivités territoriales.
Selon l’INSEE, la situation des administrations publiques locales (APUL) en 2005 fait apparaître, pour la deuxième année consécutive, un besoin de financement, de 1,8 Mde en 2005 contre 2,3 Mde en 2004, soit 3,6 % du besoin de financement total des administrations publiques.
Tableau 18 - Capacités (+) ou besoins (-) de financement des administrations publiques locales entre 2000 et 2005
A - Des dépenses en augmentation constante
Le montant des dépenses des APUL rapporté au PIB est croissant : 11,1 % en 2005 contre 10,8 % en 2004 et 8,8 % en 1985. Au cours des vingt dernières années, elles ont progressé en moyenne de 5,35 % par an en monnaie courante, contre 3,35 % pour celles de l’État, en raison notamment des transferts de compétences opérés dans le cadre de la décentralisation et de la croissance rapide des dépenses sociales.
Les dépenses des collectivités locales prises en compte par la DGCP se sont élevées à 178,0 Mde en 2005, contre 169,2 Mde en 2004, soit une progression de 5,2 %. La section d’investissement atteint 60,7 Mde (+6,7 %), dont 14,4 Mde au titre du remboursement de la dette en capital, et les charges de fonctionnement atteignent 117,4 Mde (+4,5 %).
1 - Le dynamisme des dépenses d’équipement
Les dépenses d’équipement des APUL atteignent 38,5 Mde en 2005, soit environ 70 % de l’investissement public national. Sur ce total, les collectivités territoriales ont représenté 34 Mde en 2005 56, en augmentation de 7,7 % par rapport à 2004, soit davantage que le taux moyen de progression constaté depuis 2001 (+5,3 %). Cette évolution résulte de la hausse des investissements directs des communes et des groupements de communes à fiscalité propre, estimée à +10,2 %. Une telle croissance a plusieurs explications : l’effet de « cycle électoral », qui se traduit par de moindres investissements en début de mandat ; les obligations de mise en conformité des infrastructures d’eau et d’assainissement et de retraitement des déchets ; le coût croissant de la construction.
L’évolution pour les départements et les régions est moins rapide (+1,9 %) et concerne la voirie et les collèges pour les départements, les infrastructures ferroviaires et les lycées pour les régions.
2 - Les dépenses liées aux transferts de compétences
Les charges de fonctionnement des collectivités territoriales ont progressé en moyenne annuelle de 7,1 % entre 2001 et 2005, sous l’effet notamment de la hausse des subventions et prestations versées : plus de 12 % en moyenne par an sur la période. Ces dernières ont connu, de 2003 à 2004, une augmentation de 23,7 %, consécutive aux transferts de compétences de l’État vers les départements (notamment le transfert du RMI) et les régions, et à l’accroissement des dépenses au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). En 2005, ce poste a progressé plus modérément (+5,5 %) car, si les compétences transférées en 2005 sont nombreuses, leur importance financière est moindre (aides aux jeunes en difficulté, formation des travailleurs sociaux).
3 - Des dépenses de personnel toujours croissantes
Les charges de personnel sont estimées à 38,5 Mde en 2005, soit 5,2 % de plus qu’en 2004, avec une progression de 5,7 % en moyenne par an depuis 2001. En 2005, l’accroissement résulte, d’une part, de l’augmentation des effectifs 57 et, d’autre part, de la modification de leur structure (« glissement vieillesse technicité ») et d’un renchérissement du coût du travail qui inclut la revalorisation des traitements (+0,84 % en 2005), le relèvement des traitements les plus bas parallèlement à la hausse du SMIC ainsi que diverses mesures catégorielles. Les cotisations sociales à la charge des employeurs ont également progressé, en 2005, du fait de l’institution du régime de retraite additionnel de la fonction publique, du relèvement de 0,4 point des cotisations à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de l’instauration de la journée de solidarité.
Sur moyenne période, alors que la mise en place de l’intercommunalité aurait dû engendrer des économies d’échelle, notamment par une mutualisation des moyens, la Cour a observé, dans son rapport public thématique sur l’intercommunalité de novembre 2005, qu’elle s’est traduite, dans certains cas, par des doublons. Par ailleurs, lorsque des transferts ont pu être opérés, afin d’éviter les disparités entre les agents, une harmonisation indemnitaire est intervenue en appliquant à tous le régime le plus favorable. Ainsi, les économies attendues n’ont pas été réalisées. La Cour a souligné, dans son rapport précité, que « la nouvelle intercommunalité n’a conduit à diminuer ni les effectifs, ni les frais de personnel de l’ensemble constitué par les groupements à fiscalité propre et leurs communes membres ».
L’augmentation des dépenses des collectivités territoriales résulte en partie de l’exercice des compétences transférées et de la réalisation des investissements programmés, mais elle tient aussi à l’insuffisante maîtrise des charges de fonctionnement, notamment de personnel.
Or, dans un contexte d’endettement public et de prélèvements obligatoires croissants, les APUL sont elles aussi confrontées à la nécessité de maîtriser leurs charges. Aussi, lors de la première « conférence nationale des finances publiques » du 11 janvier 2006, le Gouvernement a-t-il proposé que les engagements réciproques soient formalisés au sein d’un pacte entre l’État et les collectivités territoriales. L’objectif est de rapprocher l’évolution des dépenses publiques nationales et locales de celle des prix à la consommation, c’est-à-dire de la norme zéro volume, appliquée jusqu’ici par l’État avec les limites qu’on a vues.
B - La progression des recettes
Les recettes totales des collectivités territoriales, hors emprunt, s’élèvent en 2005 à 162,3 Mde, soit +5,2 % par rapport à 2005, en léger ralentissement par rapport à la tendance des dernières années (+ 6,1 % en moyenne par an entre 2001 et 2005), mais en augmentation plus rapide que les dépenses.
1 - La hausse des produits de la fiscalité directe
Les bases de la fiscalité locale conservent le dynamisme des deux dernières années. En 2005, les bases de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties ont progressé respectivement de 3,9 % et de 3,7 % en raison de la revalorisation forfaitaire des valeurs cadastrales et des logements neufs construits qui entrent progressivement dans l’assiette de ces impôts. En revanche, les bases de la taxe professionnelle augmentent moins (2,6 %) en conséquence de la baisse prolongée du montant des investissements des entreprises.
Les taux d’imposition, toutes taxes et collectivités confondues, ont augmenté de 3,1 % (contre 1,2 % en 2004). L’évolution est contrastée : modérée pour les communes et groupements à fiscalité propre (+1,1%), elle est forte pour les départements (+4,3 %) et, plus encore, les régions (+21 %), mais les augmentations décidées par ces deux dernières catégories de collectivités sont à apprécier au regard de leur part relative dans le produit global (respectivement 29,3 % et 7 %) ; en valeur absolue, la hausse de la fiscalité régionale (+0,78 Mde) a sensiblement moins contribué à l’augmentation globale que celle de la fiscalité départementale (+1,22 Mde).
Au total, la progression des bases et des taux d’imposition conduit à une augmentation de 6 % du produit des impôts directs locaux, qui s’établit à 57 Mde. Sur ce montant, 10 Mde environ ont été versés en 2005 par l’État à titre de compensation des exonérations et dégrèvements : ainsi, près du sixième du produit de la fiscalité locale a été financé par les contribuables au niveau national, avec les conséquences que l’on a vues sur les finances de l’État.
2 - Des recettes de fiscalité indirecte dynamiques
Elles ont progressé de 43,1 % en 2004 et encore de 16,2 % en 2005, pour atteindre 25,6 Mde.
En compensation des récents transferts de compétences, des ressources fiscales de l’État ont été transférées aux collectivités territoriales : une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et de la taxe sur les conventions d’assurance (TCA), ainsi que le produit de la nouvelle taxe additionnelle à la taxe d’apprentissage. Le montant total de la fiscalité transférée s’établit à 14 Mde en 2005.
Du fait du nombre élevé des transactions et de la progression rapide des prix dans l’immobilier ancien, le produit des droits de mutation, qui représentait 60 % de la fiscalité indirecte en 2004, hors fiscalité transférée, devrait avoir augmenté de 19,8 % en 2005 58.
3 - La hausse des autres concours financiers de l’État
Hormis les compensations d’exonérations précitées (10 Mde) et les impôts transférés (14 Mde), les autres concours financiers de l’État aux collectivités locales se sont élevés à 53,2 Mde environ. Ils sont constitués de prélèvements sur les recettes de l’État (46,4 Mde), ainsi que de dotations (4,9 Mde) et de subventions imputées sur les budgets de différents ministères (1,9 Mde).
C - La situation financière globale
L’autofinancement des collectivités territoriales, c’est-à-dire l’excédent des produits sur les charges de fonctionnement, n’avait que légèrement progressé de 2003 à 2004 (+2,3 %). Il se redresse en 2005 (+7,6 %) et s’élève à 28,6 Mde, la progression des charges de fonctionnement (+4,5 %) ayant été moins forte que celle des produits (+5,2 %).
Cependant, le recours de ces collectivités à l’emprunt augmente de 11,8 % en 2005, poursuivant la forte hausse observée depuis 2002. Fin 2005, leur dette s’élève à 93,7 Mde, en augmentation de 3,9 Mde (+4,2 %).
Ces dernières années, les investissements ont été de plus en plus largement financés par l’emprunt dans un contexte de taux d’intérêt particulièrement bas. Aussi, malgré l’accroissement de leur endettement, le montant des intérêts a diminué de près de 28 % entre 2001 et 2005, grâce à une politique dynamique de renégociation de la dette.
Selon l’INSEE, l’encours de la dette des APUL serait passé de 113,8 Mde fin 2004 à 119 Mde fin 2005, contribuant ainsi à l’accroissement de la dette des administrations publiques, dont il représente 10,45 % (contre 10,64 % en 2004).
Conclusion
L’analyse par catégorie d’administrations fait apparaître une situation encore plus préoccupante que l’examen au niveau de l’ensemble des finances publiques. L’une des particularités de la situation française est la généralisation du déficit à toutes les principales catégories d’administrations publiques.
À fin 2005, le solde d’exécution du budget de l’État s’établit à -43,5 Mde, en diminution de 0,4 Mde par rapport à 2004. Toutefois, c’est grâce à des ressources non reconductibles et au décalage de certains versements que le déficit de l’État se réduit malgré la poursuite de la croissance des charges.
Pour la quatrième année consécutive, le solde primaire du budget de l’État, qui retrace l’écart entre les recettes et les dépenses avant paiement des charges d’intérêts de la dette, reste négatif. La norme zéro volume d’augmentation des dépenses est loin d’avoir été respectée. Pour sa part, la dette de l’État atteint, au sens du traité de Maastricht, 52,3 % du PIB en 2005 contre 51,0 % en 2004.
La sécurité sociale est lourdement déficitaire depuis 2002 et son déficit atteint ses plus hauts niveaux historiques en 2004 et 2005. Toutes les branches sont désormais déficitaires. L’importance et le caractère durable de ce déficit ainsi que l’existence d’une dette sociale sont des anomalies, qui singularisent la France par rapport aux autres pays.
Les administrations publiques locales sont aujourd’hui moins confrontées que l’État et les administrations de sécurité sociale à un problème de solde ou d’endettement. Cependant, au-delà de la prise en charge des compétences qui leur sont transférées et de la réalisation des équipements programmés, une attention particulière doit être portée à la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement - notamment de personnel et d’intervention -, compte tenu de leur poids croissant dans l’économie et dans la mise en œuvre des engagements européens de la France.
Deuxième partie :diagnostic et perspectivesChapitre I -Le diagnostic d’ensemble
I - Une programmation pluriannuellequi n’a pas permis de redresser la situation
Aucun des quatre programmes pluriannuels établis entre décembre 2001 et décembre 2004 et notifiés à la Commission européenne n’a été exécuté conformément aux prévisions.
Tous se sont traduits par des résultats très en retrait des ambitions affichées, la résorption du déficit se trouvant différée année après année, en raison d’hypothèses économiques et budgétaires qui se sont avérées insuffisamment réalistes et de l’absence de maîtrise des dépenses publiques, notamment dans le domaine de la sécurité sociale.
A - L’inadéquation persistante des hypothèses de croissance
Les programmes triennaux ont tous été construits sur la base de taux de croissance fortement surestimés.
En effet, l’hypothèse centrale de croissance a été, sur l’ensemble de la période, de 2,5 % par an, soit un taux légèrement supérieur à la « croissance potentielle » de notre économie (estimée autour de 2,25 %). Les trois premiers plans retenaient même une variante haute à 3 %.
Dans la plupart des programmes, l’idée d’un rattrapage du « retard de demande » a été invoquée pour justifier le choix d’un scénario central à 2,5 %. Or la croissance moyenne des années 2002-2005 n’a pas dépassé 1,4 % par an, soit un point de moins que l’objectif ; cet écart a limité la progression des recettes et rendu plus difficile la réduction du déficit.
L’exécution 2005 illustre les limites des prévisions retenues dans les programmes triennaux. Comme le montre le tableau ci-après, les données sur lesquelles sont fondées les projections économiques et financières, notamment celles relatives à l’État et à la sécurité sociale, diffèrent très significativement de la réalité, en dépit des ajustements qui y sont apportés au fil des programmes.
Tableau 19 - Prévisions successives relatives à l’exercice 2005
La surestimation systématique de la croissance dans les scénarii retenus est donc l’un des éléments qui expliquent la non-réalisation des objectifs de réduction du déficit et, a fortiori, du ratio d’endettement, lui-même calculé par rapport au PIB.
B - Une incidence limitée des erreurs spécifiques aux prévisions de recettes
Les programmes triennaux ont surestimé les recettes des administrations publiques, mais la stabilité de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB, sauf en 2005 (+1 point), montre qu’il n’y a pas, dans le non-respect des programmes triennaux, d’effet significatif propre aux recettes et indépendant de l’écart par rapport à la prévision de croissance. Les différences qui peuvent être constatées selon les années s’expliquent largement par la position dans le cycle économique 59 ; elles s’annulent sur longue période.
Tableau 20 - Évolution des prélèvements obligatoires
C - Le dépassement constant des objectifs de dépenses
Les programmes ont en revanche surestimé la capacité de maîtrise de la dépense en volume. Tandis que les prévisions affichées pour les années 2003-2005 étaient de +1,3 % en moyenne, après la forte augmentation enregistrée en 2002 (+3,8 %), la croissance des dépenses a atteint +2,1 % en moyenne sur la période (et même +2,3 % en 2003 et 2005).
Tableau 21 - Dépenses publiques : comparaison des réalisations aux objectifs des programmes pluriannuels
L’objectif « zéro volume » retenu pour les dépenses de l’État a été à peu près respecté, selon les critères du pacte de stabilité et de croissance mais il a été, on l’a vu, sensiblement dépassé en fait ; les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté plus nettement que prévu, particulièrement en 2004 (+3,7 % en volume pour une prévision comprise entre 1,9 et 2,3 %), et cette hausse n’est que pour partie imputable aux transferts de compétences opérés dans le cadre des lois de décentralisation. De même, le rythme de progression des dépenses des administrations de sécurité sociale est le double de l’objectif en 2003 et 2004.
En 2005, la dépense publique a continué à progresser globalement plus vite que prévu (+2,3 % pour une prévision de 1,1 à 1,3 %), même si son rythme se ralentit dans le secteur social, après le pic observé de 2001 à 2003. Dès lors qu’un point de dépense publique représente 8 Mde environ, le dépassement systématique des objectifs de dépense est la principale cause du non-respect de la réduction du déficit annoncée par les programmes triennaux.
D - Un retour à l’équilibre toujours différé
La réduction du déficit prévue par les plans triennaux successifs ne s’est pas réalisée à ce jour et chaque nouveau programme a pris acte de cet état de fait en dégradant son point de départ et en décalant d’une ou deux années la résorption du déficit.
Tableau 22 - Le solde des APU dans les plans triennaux de finances publiques
À la fin de 2002 (programme 2004-2006), était annoncée une réduction du déficit autour de 1 % du PIB pour 2006 ; un an plus tard, fin 2003, elle était reportée au-delà de 2007 ; ce calendrier était à peu près maintenu dans le programme suivant (fin 2004) ; mais fin 2005 (programme 2007-2009), l’atteinte de cet objectif est à nouveau quasiment repoussée de deux ans : elle n’est plus envisagée avant 2009.
Ces décalages successifs ont un effet direct sur l’évolution et le niveau de la dette des administrations. En 2005, l’endettement public français (66,8 % du PIB 60) est supérieur de près de 15 points à l’objectif affiché dans le programme 2003-2005 présenté en décembre 2001.
De fait, les programmes font l’objet d’ajustements successifs, qui conduisent à ce qu’ils ne puissent jouer, en l’état actuel des choses, un véritable rôle d’orientation et d’encadrement dans la durée des choix budgétaires ; dans la réalité, les plans triennaux ont paru davantage enregistrer les évolutions économiques et financières que les susciter, et le constant report dans le temps des objectifs affichés nuit à la crédibilité des procédures de programmation pluriannuelle.
E - Des finances publiques fortement dégradées
1 - Une exécution 2005 qui prolonge la tendance des années précédentes
L’évolution du besoin de financement des administrations publiques enregistrée en 2005 conduit à quatre constats :
? tandis que seul l’État enregistrait un solde négatif au début des années 2000, il en est désormais de même des ASSO depuis 2002 et des APUL depuis 2004 ; seuls les ODAC conservent une capacité de financement ; encore a-t-elle été amputée d’un quart entre 2004 (10,0 Mde) et 2005 (7,4 Mde) ;
? le besoin de financement de l’État n’est réduit que de 1,4 Mde entre 2004 et 2005 ; hors la modification du rythme de recouvrement de l’impôt sur les sociétés, il s’est légèrement accru (+0,9 Mde) ;
? si le besoin de financement total des administrations publiques s’est progressivement réduit depuis 2003, c’est également grâce à des mesures exceptionnelles et il demeure en réalité près du triple de celui de 2000 ;
? l’exercice 2005 a été marqué par une nouvelle dégradation significative du niveau d’endettement des administrations.
Sur le long terme, le solde des administrations publiques a été constamment déficitaire depuis vingt-cinq ans et un déficit public supérieur à 3 % du PIB a été constaté à neuf reprises au cours de la période. Tout au long de celle-ci, les administrations publiques se sont trouvées, de façon ininterrompue, dans une situation de besoin de financement, c’est-à-dire qu’elles se sont chaque année endettées davantage, y compris durant les périodes de forte croissance (1988-1990 ou 1999-2001).
Cette situation apparaît d’autant plus préoccupante que le taux de prélèvements obligatoires d’ores et déjà atteint et le contexte international rendent difficile un recours significativement accru à l’impôt.
Sur le moyen terme, la politique des finances publiques n’a pas tiré parti d’une période de taux d’intérêt exceptionnellement favorables.
Le coût apparent moyen de la dette est de 4,2 %. Il a diminué de 2,7 points entre 1995 et 2005. S’il s’était maintenu au niveau de 1995, la charge d’intérêt en 2005 aurait atteint 76 Mde au lieu de 46,7 Mde, soit un supplément d’environ 30 Mde représentant 1,7 point de PIB. Pour prendre une référence moins éloignée, la baisse du taux moyen constatée depuis 2000 (soit 1,1 point) se traduit en 2005 par une économie de 12 Mde, soit 0,7 point de PIB. Ces calculs donnent la mesure de l’avantage considérable apporté par la baisse des taux.
Tableau 23 - Les charges d’intérêt des administrations
Contrairement aux pays européens qui ont mis à profit cette baisse des taux d’intérêt pour assainir leurs finances publiques, la France a consommé les marges budgétaires qui en résultaient pour réaliser de nouvelles dépenses. Elle se trouve de ce fait très exposée aux effets de la remontée des taux d’intérêt.
2 - Un déficit structurel très élevé
Le solde structurel s’est fortement dégradé sur moyenne période. Après s’être maintenu autour de 2,5 % du PIB jusqu’en 2001, il s’est creusé profondément en 2002 et 2003, en raison notamment d’une très forte augmentation des dépenses d’assurance-maladie. Le début de réduction des années 2004 et 2005, lié pour partie au relèvement des prélèvements sociaux intervenu en 2005, maintient le déficit structurel (hors opérations exceptionnelles) à un niveau supérieur à 3 % du PIB, très au-dessus du « déficit stabilisant » (1,7 à 1,8 %). Or, l’amplitude de la composante cyclique du solde (qui peut atteindre 1,5 % du PIB aux points extrêmes du cycle économique) oblige à ramener le déficit structurel au-dessous de 1,5 % pour pouvoir contenir le déficit effectif sous le plafond de 3 % du PIB dans les périodes de basse conjoncture.
Tableau 24 - Solde structurel des administrations
3 - Une réduction du déficit qui n’a été atteinte qu’en mobilisant des ressources exceptionnelles
La Cour a relevé, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire et dans son rapport sur les comptes de l’État 63, l’incidence particulièrement forte en 2005 de mesures exceptionnelles sur le niveau des recettes et sur celui des déficits.
La majoration des recettes des administrations publiques au moyen de la mobilisation de ressources exceptionnelles a souvent constitué un moyen pratique de limiter le déficit. Ce fut le cas, par exemple, en 1997 avec l’inscription au crédit de l’État d’une contribution exceptionnelle de 5,7 Mde 64, soit 0,45 point de PIB, en contrepartie du transfert du financement d’une partie des charges de retraite des fonctionnaires de France Télécom. Les modalités du versement avaient largement contribué, en permettant que le déficit public s’établisse à 3 % du PIB exactement, au respect par la France des conditions requises pour la qualification à l’euro. De même, le déficit des administrations publiques pour l’exercice 2004 a été minoré par une soulte de 1,6 Mde, soit 0,1 point de PIB, imputée au sous-secteur des ODAC au titre du démantèlement des sites nucléaires de Marcoule et Pierrelatte 65.
Bien que mobilisées dans des conditions juridiquement incontestables, ces recettes exceptionnelles présentent l’inconvénient, si les corrections nécessaires ne sont pas effectuées, de fausser l’analyse et les comparaisons pluriannuelles sur la situation des finances publiques et surtout, en permettant de couvrir des charges pérennes par des ressources pour partie non permanentes, de reporter dans le temps les réformes structurelles nécessaires au redressement des comptes.
II - Une évolution difficilement soutenable
A - Une dynamique de dégradation
La soutenabilité de la politique des finances publiques s’apprécie en fonction de plusieurs horizons.
La soutenabilité à court terme correspond, au-delà de l’appréciation de la sincérité des lois de finances, à la capacité des administrations publiques à atteindre les objectifs fixés sans recourir de manière significative en gestion à des solutions non reconductibles.
La soutenabilité à moyen terme est couramment évaluée au regard des critères de déficit et de dette, rapportés à la richesse nationale. Si les études économétriques sont nombreuses sur le sujet et s’il est difficile d’en tirer une règle claire, on peut considérer néanmoins comme soutenable sur moyenne période une politique qui conduirait à stabiliser ou à réduire la proportion de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB). La seule référence objective aujourd’hui disponible, qui permet un suivi multilatéral et la comparaison entre États, est celle du pacte de stabilité et de croissance 66 qui, depuis sa révision en mars 2005, replace la dette au centre des critères d’appréciation de la soutenabilité en tenant compte désormais du cycle économique.
Au-delà de l’appréhension du niveau du déficit et de la dette constatée, la soutenabilité à long terme suppose une correcte appréciation des engagements implicites des administrations publiques (retraites…). S’agissant de dépenses à venir, le choix existe en effet - au regard de la politique des finances publiques - entre leur transformation progressive en dette explicite (hypothèse de non-financement), la couverture par des ressources nouvelles (hypothèse de hausse des prélèvements) et la réduction de leur niveau (hypothèse d’une réforme).
1 - Un déficit même en haut de cycle
Tout d’abord, la France se caractérise, au moins depuis 1986, par une conduite de ses finances publiques systématiquement « pro-cyclique » : les surcroîts de recettes collectés en haut de cycle ont toujours été, pour l’essentiel, affectés au financement de dépenses nouvelles ou à des allégements d’impôts, tandis que les périodes moins favorables ne se sont jamais accompagnées d’une réduction notable de la progression des charges, au motif qu’il ne fallait pas accentuer le ralentissement de la demande globale. De telles décisions, déjà observées dans les précédentes périodes de haut de cycle (1988-1990), ont contribué à creuser le déficit structurel, qui est par exemple passé de 0,9 % du PIB en 1999 à 2,6 % en 2001.
Ceci explique que nos comptes publics aient été systématiquement déficitaires depuis vingt-cinq ans, même en haut de cycle, notamment parce que ces mesures ont réduit les marges de manœuvre budgétaires.
2 - La spirale du déficit et de l’endettement
L’endettement est la résultante de nos déficits passés. Les administrations publiques de notre pays connaissent en effet, de façon ininterrompue depuis 1980, un besoin de financement, qui a oscillé, selon les années entre –1 % et –6 % du PIB. Le déficit n’a été inférieur à 2 % du PIB que brièvement, dans les phases de haute conjoncture : à la fin des années 1980 puis entre 1999 et 2001. Il a atteint des niveaux très élevés au milieu des années 1990, à la suite de la récession de 1993, puis plus récemment en 2003 et 2004.
Or, le niveau d’endettement des administrations publiques a, du fait des charges d’intérêts, une incidence en retour sur le déficit d’autant plus forte que la dette est elle-même élevée en pourcentage du produit intérieur brut. Ce phénomène cumulatif, appelé couramment « effet boule-de-neige », est aggravé par le fait que la hausse des taux pratiquement acquise au cours des six derniers mois et qui conduit à un relèvement d’un point du taux apparent de la dette 67 des APU, relèvera d’autant, s’il perdure, l’excédent primaire nécessaire pour stabiliser la dette.
D’une façon générale, les réactions de politique économique à l’augmentation du déficit public sont, depuis le milieu des années 1990, moins rapides et moins vigoureuses qu’elles ne l’étaient auparavant. Certains repères et certaines contraintes, qui jouaient le rôle de forces de rappel – la crainte du déficit extérieur et de la dévaluation, l’ampleur de l’effet « boule-de-neige » qui résultait du niveau très élevé des taux d’intérêt – ont disparu ou se sont atténués.
La mise en place de l’Union économique et monétaire - en réduisant fortement le risque d’ajustement monétaire et en empêchant les déficits publics d’entraîner rapidement la hausse des taux d’intérêt - de même que l’élargissement du marché des capitaux ont profondément modifié les conditions de la politique des finances publiques.
Le risque d’une plus grande « acceptabilité » du déficit se manifeste particulièrement dans le domaine de la sécurité sociale où la France a connu à deux reprises, au milieu des années 1990 et depuis 2002, des déficits très importants sur plusieurs exercices, générant une dette sociale en forte croissance. L’existence depuis 1996 d’une structure susceptible de reprendre la dette de la sécurité sociale, la CADES, a également permis de différer la résorption de ces déficits.
La spirale d’accroissement de l’endettement dans laquelle les administrations publiques se trouvent engagées, et que la hausse des taux d’intérêt va accélérer, n’est pas soutenable. Il convient aujourd’hui de mettre fin au phénomène d’« auto-entretien » de la dette.
3 - Engagements implicites et enjeux à long terme
a) Les engagements implicites
La plupart des analyses relatives à l’endettement des administrations prennent en compte le montant de la dette publique au sens des critères du traité de Maastricht. Pourtant, l’appréhension de la situation des finances publiques exige que soient aussi pris en considération les engagements qui, bien qu’ils ne pèsent pas dans l’immédiat sur les obligations financières des administrations publiques parce qu’ils ne sont pas encore exigibles, n’en déterminent pas moins directement les perspectives à moyen et long terme.
Il s’agit, au premier chef, des engagements sociaux, notamment de retraite, mais aussi d’autres types d’engagements qui induiront de manière certaine des dépenses futures, par exemple environnementales (dépollution des sols, démantèlement des centrales nucléaires…).
Certes, ces engagements revêtent trois caractéristiques principales qui les distinguent de la dette explicite et qui expliquent qu’ils ne peuvent pas être additionnés à la dette constatée : ils ne résultent pas de déficits passés, mais de charges à venir ; ce sont des dettes certaines mais dont les montants et les échéances sont susceptibles d’évoluer au fil du temps, notamment du fait de décisions que peuvent prendre les pouvoirs publics ; enfin, dès lors qu’ils recouvrent un besoin de financement qui est le résultat sur longue période de flux de décaissements (paiement des pensions et prestations sociales) mais aussi d’encaissements (pour les retraites, essentiellement des rentrées de cotisations sociales), leur valeur nette est plus significative que leur valeur brute.
Cependant, une juste évaluation de la soutenabilité des finances publiques à moyen et long terme nécessite que soient aussi considérés ceux des engagements qui se traduiront par des dépenses futures. Faute de définition conventionnelle, mais surtout par difficulté de mesure, ce qui est souvent dénommé « dette implicite » ne constitue pas aujourd’hui un agrégat clairement établi et un seul chiffre significatif ne peut la résumer. Le champ de la dette implicite doit donc être précisé. Le recensement et les évaluations de ces engagements doivent être plus systématiques et exhaustifs. La prise en compte des engagements correspondant aux retraites des fonctionnaires de l’État (21,6 Mde au 31 décembre 2005) demeure un sujet prioritaire. Traité différemment selon les pays, il fait aujourd’hui débat dans les instances internationales de normalisation comptable, mais la tendance semble de passer, comme cela est déjà le cas pour certains pays comme les États-Unis, à une comptabilisation directe de ces engagements au passif et de ne pas s’en tenir aux évaluations hors bilan, comme celles fournies depuis 2003, en France, à l’appui des comptes annuels de l’État.
Pour ce qui concerne les autres types d’engagements, les nécessaires progrès passent par des informations données dans l’annexe aux comptes annuels, particulièrement lacunaires pour les organismes de sécurité sociale et encore incomplètes pour l’État.
Sur le fond et pour ce qui concerne l’ensemble des régimes de retraite, le Conseil d’orientation des retraites (COR) évalue le besoin de financement à 2,8 % du PIB en 2040 et à 3,1 % à l’horizon 2050 dans son scénario central 68. En 2001, il l’estimait à 4 % du PIB en 2040. À dix ans d’intervalle, les réformes de 1993 et de 2003 ont permis d’atténuer sensiblement les conséquences financières du vieillissement sur le système de retraite. À long terme, elles se traduiraient au total par une réduction des besoins de financement des APU de l’ordre de 2,5 points de PIB. La soutenabilité à long terme des finances publiques s’en trouve améliorée d’autant.
Un rapport récent du Comité européen de politique économique et des services de la Commission européenne 69, consacré à l’impact du vieillissement sur les dépenses publiques 70, présente des projections à l’horizon 2050 pour l’ensemble des États membres de l’Union. Il en ressort que les réformes précitées des régimes de retraites ont contribué à ramener la situation de la France dans la moyenne des États de la zone euro 71, mais celle-ci est très affectée par la situation particulière de certains pays.
Même ainsi réduites, les charges que représentent les engagements de retraite pèseront d’autant plus sur la soutenabilité des finances publiques que les régimes de retraite abordent cette période avec une situation déjà déficitaire et sans que le fonds de réserve des retraites ait été suffisamment doté.
b) Les enjeux de long terme
Outre les engagements implicites, l’analyse de la soutenabilité des finances publiques suppose la prise en compte de tendances lourdes qui affecteront les dépenses et les recettes, notamment des conséquences du vieillissement de la population sur les dépenses de santé et de dépendance.
S’agissant des dépenses de santé, il apparaît, comme l’a rappelé la Cour dans son rapport sur la sécurité sociale de 2003, que les générations actuelles de personnes âgées de 70 ans et plus présentent un état de santé nettement meilleur que celui des générations précédentes et que l’allongement de l’espérance de vie décale le moment où un recours accru aux soins devient nécessaire. Néanmoins, il est généralement admis que les dépenses de santé et celles afférentes à la dépendance progresseront sous l’effet du vieillissement. La Cour a évalué que les dépenses publiques liées à la dépendance s’élèveront à l’équivalent d’un point de PIB supplémentaire à horizon 2020 72.
Globalement et compte tenu des déficits existants, il n’est pas envisageable d’assurer durablement la prise en charge simultanée des dépenses aujourd’hui prévisibles en matière de retraites, de santé et de dépendance, d’une part, et des autres dépenses, d’autre part, si leur évolution demeure dans le prolongement des tendances actuelles.
B - Une approche patrimoniale des finances publiques
Dans l’appréciation de la situation des finances publiques, la seule prise en compte de la dette publique brute, telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée 73, est, par définition, réductrice : comme tous les autres agents économiques, les administrations publiques disposent en effet d’un patrimoine, dont les variations nettes devraient être jugées au moins aussi significatives que celles des seuls passifs bruts.
Pourtant, l’analyse patrimoniale du bilan est aujourd’hui difficile du fait de la mauvaise connaissance, notamment comptable, des actifs publics. Des progrès rapides pourraient être obtenus dans plusieurs domaines.
L’approche en dette nette permet une première intégration de la dimension patrimoniale dans l’analyse de la dette, en soustrayant des passifs financiers, au sens de la comptabilité nationale, les actifs financiers, notamment les participations de l’État dans des entreprises et, plus largement, les portefeuilles de valeurs mobilières détenues par les administrations. Pour un endettement brut à fin 2004 de 64,4 % du PIB au sens de Maastricht et de 74,7 % au sens de l’OCDE, le taux d’endettement net des administrations françaises ressortait à la même date à 45 % environ en comptabilité nationale 74.
Par ailleurs, un raisonnement en termes de « richesse publique nette », c’est-à-dire englobant les actifs non financiers, là encore au sens de la comptabilité nationale (terrains, bâtiments, infrastructures, équipements productifs, actifs incorporels), permet une prise en compte plus large du patrimoine. Il fait apparaître que la richesse des administrations publiques est en sensible diminution. Certes, les données disponibles sont imparfaites, mais la tendance est certaine : selon les comptes de patrimoine établis par l’INSEE, la valeur nette du patrimoine public a baissé continûment de 1980 à 1997, passant de 60,3 % à 13,9 % du PIB, soit une destruction de valeur de 370 Mde (aux prix de 1997), avant de se stabiliser de 1997 à 2000, puis de nouveau depuis 2000. Selon une autre série des mêmes comptes, qui ne peut être raccordée avec la précédente, la richesse nette des administrations publiques est tombée de 24,6 % du PIB en 1994 à 19,4 % à fin 2003.
En comptabilité nationale, malgré les améliorations périodiquement apportées à ce système, la connaissance du patrimoine des administrations publiques continue cependant de souffrir de graves lacunes. Il ne comprend pas les passifs implicites ; il ignore bon nombre d’actifs ayant une utilité sociale, mais qui ne sont pas valorisés faute d’une valeur marchande de référence ; peu d’actifs incorporels sont recensés ; enfin, il se fonde sur une notion d’actif restrictive, excluant la plus grande partie du capital immatériel (éducation, recherche, santé).
La méthodologie et les informations nécessaires pour y remédier sont encore trop peu développées pour qu’il puisse en être tiré dès à présent des enseignements propres à préciser suffisamment l’évaluation de la situation des finances publiques. Au-delà du besoin que peut avoir l’État, en particulier, d’utiliser son patrimoine – à tout le moins une partie de celui-ci – dans une perspective contracyclique, par exemple pour compenser une insuffisance des ressources courantes liées à une conjoncture économique défavorable par la cession de certains actifs, les administrations publiques, dans leur ensemble, gagneraient à pratiquer certaines forme de gestion actif-passif.
La création du Fonds de réserve des retraites, qui a été doté de moyens financiers destinés à assurer à partir de 2020 le financement des retraites des agents du régime général et des régimes alignés, en a été une amorce innovante, mais à ce jour très incomplète, pour faire face à la perspective d’un déséquilibre prolongé des régimes de retraite.
Enfin, l’analyse de la réalité des transferts entre générations induits par la dette financière et par la dette implicite se révèle actuellement délicate, dès lors que l’on va au-delà des mesures instantanées et que l’on s’attache à évaluer la situation de chaque « cohorte » d’âge au regard des droits acquis par les générations actuelles sur le partage du revenu futur. La « comptabilité générationnelle » devrait offrir un outil intéressant pour répondre à ces questions à fort enjeu sociétal et pour apprécier la viabilité des politiques de transferts. Ses développements actuels, en France, n’en sont cependant qu’au stade des travaux de recherche exploratoires.
Sur ces différents points, les outils disponibles devraient être significativement améliorés de manière à permettre, au-delà de l’analyse de la dette publique brute, une appréhension globale des contraintes et des marges de manœuvre qui déterminent la soutenabilité à moyen et long terme des finances publiques. Toutefois, si seuls quelques éléments d’une telle approche peuvent aujourd’hui être avancés, l’ensemble des autres analyses formulées dans ce rapport n’en montre pas moins que les tendances actuelles des finances publiques nécessitent un redressement.
C - La problématique du redressement
1 - La question de la stratégie du recours à l’endettement
Les spécialistes de l’économie débattent des avantages et inconvénients du recours à l’endettement public, en mettant en avant, selon le cas, soit la nécessité de pouvoir assurer la réalisation de dépenses structurantes par des financements exceptionnels, soit le poids qu’il fait peser sur l’avenir quand il sert à financer des dépenses permanentes. La Cour constate que la question de la dette et du recours à l’emprunt dans la politique française des finances publiques semble faire l’objet d’une certaine acceptation collective qu’elle juge préoccupante.
Au-delà de l’attention qu’il est souhaitable de porter au poids de la dette dans l’économie et dans les charges des administrations publiques, il importe de se préoccuper plus fondamentalement de l’utilisation qui est faite des ressources procurées par voie d’endettement. En effet, celui-ci n’est pas en soi contestable, s’il permet de financer des investissements directement ou indirectement productifs de richesses (comme la réalisation d’infrastructures ayant une rentabilité économique suffisante) ou des investissements susceptibles de relever le niveau de croissance potentielle de l’économie (formation, éducation, recherche, par exemple). Il en va autrement s’il conduit à couvrir des dépenses de fonctionnement ou de transferts, voire la charge de la dette elle-même.
Or notre pays se caractérise par une situation dans laquelle la dette a le plus souvent eu comme contrepartie - à l’exception, pour l’essentiel, de celle contractée par les administrations publiques locales - des dépenses de fonctionnement et de transferts. Cela est vrai en particulier en matière de dépenses sociales, à hauteur de plus de 10 Mde par an, spécificité que l’on ne retrouve dans aucun autre pays européen.
L’adaptation en mars 2005 des modalités du pacte européen de stabilité conduira à développer plus systématiquement l’appréciation pluriannuelle de la situation des administrations publiques en recourant à un pilotage des finances publiques davantage orienté sur le suivi du solde budgétaire. Plusieurs aménagements apportés récemment au cadre de la politique budgétaire (cf. infra) tendent aussi à la mise en place d’outils qui devraient contribuer à engager la stratégie budgétaire dans une véritable démarche de soutenabilité des finances publiques. Ils demeurent cependant rudimentaires par rapport à ce qui existe dans d’autres pays.
2 - L’approche par le point mort
En analyse financière, le point mort est généralement défini comme le niveau d’activité, mesuré par le chiffre d’affaires, pour lequel l’ensemble des produits couvre l’ensemble des charges. Le point mort financier est le niveau d’activité qui permet de couvrir les coûts fixes et le coût du capital engagé.
Appliquée aux administrations publiques, cette approche implique de rechercher, à taux de croissance et à taux d’intérêt donnés, le niveau de prélèvements obligatoires qui permet d’équilibrer l’ensemble des dépenses publiques y compris les charges d’intérêt. Ainsi, le taux des prélèvements obligatoires, qui a atteint 44,1 % du PIB en 2005, devrait être porté à 47,1 % pour équilibrer le total des dépenses publiques, soit trois points de PIB (50 Mde).
La France a un point mort trop élevé dans les conditions actuelles de son environnement économique et financier. La répartition de la dépense publique par grand poste fait ressortir la faible part consacrée à l’investissement (6,3 % du total en 2005) et l’effet d’aubaine qu’a représenté la baisse des taux, qui a permis de ramener la part des charges d’intérêt de 6,6 à 5 % du total. Elle révèle aussi la faible baisse en part relative des dépenses de fonctionnement (35,2 % des dépenses publiques en 2005 contre 36,7 % en 1997) et le poids croissant des prestations et autres transferts (53,4 % en 2005 contre 51,4 % en 1997).
La France doit abaisser son point mort en maîtrisant la dynamique de la dépense publique. Elle y est d’autant plus contrainte que les taux ont amorcé une remontée de près de 1 % depuis septembre 2005, que la baisse de la population en âge de travailler pèsera sur la croissance potentielle et que le vieillissement de la population va accroître la pression à la hausse des dépenses sociales.
Conclusion
Dans la période récente, la réforme des retraites a amélioré la soutenabilité à long terme des finances publiques en réduisant le besoin de financement des régimes à l’horizon 2040. En revanche, l’accroissement de la dette a dégradé la soutenabilité à moyen terme.
Compte tenu des niveaux actuels de déficit, d’endettement et de prélèvements obligatoires et de l’alourdissement déjà amorcé des charges de retraite, les tendances actuelles des finances publiques ne sont pas soutenables. Cette évolution apparaît d’autant plus préoccupante qu’elle s’est opérée en période de baisse des taux d’intérêt et qu’elle est donc susceptible d’être aggravée par la remontée des taux qui s’est amorcée depuis la fin de l’été 2005.
Chapitre II - La nécessitéd’un assainissement durable
I - Une année 2006 dans la continuité
A - Les choix faits par l’État et le début de la gestion 2006
À bien des égards, l’exercice 2006 s’inscrit, pour l’État, dans la continuité des années précédentes : l’objectif de déficit budgétaire affiché est légèrement supérieur à celui observé en 2005 ; les prévisions traduisent la persistance d’un rythme élevé d’évolution des dépenses publiques ; la loi de finances prévoit la mobilisation de nouvelles recettes exceptionnelles.
1 - Un déficit prévisionnel encore élevé
La loi de finances initiale pour 2006, établie sur l’hypothèse d’une croissance du produit intérieur brut de 2,25 %, prévoit un déficit de l’État de 46,9 Mde (48,9 Mde pour le seul budget général), contre 45,2 Mde en LFI 2005, soit une progression de 3,8 %. Le solde primaire prévisionnel serait une nouvelle fois négatif, ce qui signifie que les charges de la dette devront une fois encore être financées par l’emprunt. 2006 ne devrait donc pas marquer le redressement de la situation budgétaire.
En 2006, le budget de l’État est affecté par de nombreuses modifications de périmètre, au premier rang desquelles figurent le transfert des charges et des ressources relatives aux allégements généraux de cotisations sociales patronales vers les organismes de sécurité sociale, à hauteur de 18,9 Mde, et le transfert de 10 Mde de recettes non fiscales vers le compte d’affectation spéciale « Pensions ». Compte tenu de ces changements de structure, les recettes nettes de l’État sont estimées à 217,2 Mde et les dépenses à 266,1 Mde.
Par ailleurs, de nouveaux allégements d’impôts sont inclus dans la LFI pour 2006 : revalorisation de la prime pour l’emploi, exonération de taxe foncière sous certaines conditions et renforcement du crédit impôt recherche. Leur coût est estimé à 800 Me en 2006 mais ils produiront l’essentiel de leurs effets en 2007.
2 - Des dépenses qui continuent d’augmenter
Pour 2006, l’objectif de stabilisation en volume de la dépense figurant dans la charte de budgétisation a été reconduit. Compte tenu de la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation (+1,8 % en valeur), il se traduit par l’ouverture de crédits supplémentaires en LFI pour 2006 à hauteur de 4,9 Mde. De 2004 à 2006, la mise en œuvre de l’objectif de stabilisation en volume de la dépense se sera donc accompagnée d’une augmentation globale de 14,1 Mde des crédits ouverts sur le budget général par les lois de finances initiales.
Les perspectives affichées de maîtrise de l’évolution des dépenses budgétaires doivent en outre être considérées avec prudence.
D’une part, certaines charges qui en ont été exclues à l’occasion de changements de périmètre l’ont été pour le montant auquel elles avaient été estimées pour 2005, mais leur évolution n’est pas prise en compte dans le calcul de la norme de dépenses. Ainsi, le transfert aux organismes de sécurité sociale de la compensation des allégements de cotisations sociales a soustrait du référentiel un volant de charges estimé à 18,9 Mde en 2006, alors que la dépense s’est élevée à 17,1 Mde en 2005. C’est donc un montant de 1,8 Mde de dépenses supplémentaires qui n’est pas intégré dans le calcul de la progression des dépenses.
D’autre part, les prélèvements sur les recettes de l’État sont une fois encore en hausse sensible, de l’ordre de 3,1 Mde par rapport à la loi de finances initiale pour 2005 (+1 Mde par rapport à l’exécution 2005), imputable à hauteur de 1,7 Mde au prélèvement au profit des collectivités territoriales. De 1995 à 2006, ce type de prélèvements aura ainsi été multiplié par deux, en raison des règles de calcul et de revalorisation des dotations, mais aussi du changement des modalités de financement des actions des collectivités territoriales : le recours à des prélèvements sur recettes s’est progressivement substitué à la mobilisation de crédits budgétaires. Cette évolution, qui n’est pas prise en compte pour calculer l’augmentation des dépenses compatible avec le respect de la norme, ne doit pas faire oublier toutefois qu’il s’agit en fait de charges budgétaires.
La comptabilisation de la part de la prime pour l’emploi non imputée sur l’impôt sur le revenu comme un remboursement d’impôt, alors qu’il s’agit d’une dépense budgétaire (versement d’une somme à des bénéficiaires non imposables), conduit à ce que la progression de cette charge (plus de 400 Me) soit sans effet sur le respect de la norme.
Enfin, les mesures de mise en réserve de crédits porteront en 2006 sur un total de 5,5 Mde. Leur volume est donc plus limité que les années précédentes (10,7 Mde en 2003, 6,7 Mde en 2004, 7,5 Mde en 2005), d’autant que, sur le total, un montant de 1,4 Mde, relatif à des programmes d’intervention, a vocation à être « dégelé ». Il laisse présager une difficulté à atteindre les objectifs de dépenses, d’autant plus que les crédits ouverts en loi de finances pourraient être insuffisants pour couvrir les dépenses vraisemblables sur plusieurs dotations (par exemple au titre des frais de justice, de l’aide médicale d’État ou des opérations militaires extérieures 75, malgré l’effort que marque sur ce point la LFI pour 2006).
3 - Des recettes fortement sollicitées
Selon les prévisions de la LFI, les recettes fiscales nettes devraient croître de 12,3 Mde en 2006, l’ensemble des principaux impôts étant évalués à la hausse. L’impact de cette évolution sur l’équilibre du budget général est toutefois limité par les changements de périmètre, qui diminuent les recettes fiscales nettes de plus de 20 Mde, mais aussi par l’incidence en 2006 des mesures fiscales votées les années précédentes 76. Les recettes non fiscales, elles, sont largement mobilisées : hors changements de périmètre, elles devraient progresser de plus de 2 Mde, et ce en dépit de l’interruption du versement de la CADES (3 Mde en 2005). Cette évolution ne devrait être rendue possible que par la mobilisation ponctuelle de ressources exceptionnelles.
La loi de finances pour 2006 est en effet établie en prenant en compte l’encaissement par l’État de plusieurs recettes de ce type, parmi lesquelles un prélèvement sur les disponibilités du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (1 400 Me) et un versement exceptionnel d’Autoroutes de France (950 Me). Sont prévues, en outre, une augmentation significative du prélèvement sur les fonds d’épargne gérés par la caisse des dépôts et consignations (1 850 Me contre 1 200 Me en 2005) et une hausse des dividendes des entreprises publiques non financières (2 400 Me contre 1 680 Me en 2005).
Par ailleurs, la loi de finances pour 2006 prévoit le règlement anticipé à l’État d’une partie de la « soulte » de France Télécom, pour constituer le fonds de roulement du nouveau compte d’affectation spéciale Pensions créé en application de l’article 21 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui aura pour effet de réduire le besoin de financement de l’État.
La loi du 26 juillet 1996, qui a érigé France Télécom en entreprise nationale, a prévu le versement à l’État d’une contribution forfaitaire exceptionnelle de 5,7 Mde dont le paiement devait prendre la forme de dix-sept annuités, la dernière étant fixée à 2013. En anticipant le versement à l’État de 1 Mde, à la charge de l’établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom (EPGCEFT), qui vient s’ajouter au montant de l’annuité 2006 (359,47 Me), cette mesure réduit d’autant la prévision de déficit budgétaire de l’État pour 2006, mais il devrait en résulter une dégradation du solde budgétaire du budget général pour les exercices 2011, 2012 et 2013, respectivement de 126,8 Me, 636,8 Me et 236,3 Me. En toute rigueur, le respect du schéma initial aurait dû conduire à inscrire dans la loi de finances initiale pour 2006 une subvention au compte d’affectation spéciale Pensions d’un montant de 1 Mde.
Le montant cumulé du versement exceptionnel de France Télécom et des divers prélèvements non reconductibles inscrits en LFI représente un peu moins de 0,4 point du produit intérieur brut prévu pour 2006.
4 - Un début de gestion 2006 marqué par des retards en matière de dépenses et de recettes
À l’issue du premier trimestre 2006, le solde général d’exécution s’établit à -6,7 Mde contre -24,8 Mde en 2005 à la même date. Cette évolution n’est que partiellement significative, en raison notamment de difficultés d’ordre technique dans la mise en place des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Le montant cumulé des dépenses du budget général s’établissait à 56,7 Mde au 31 mars 2006. À périmètre constant, il atteignait 63,8 Mde, soit une diminution de 7,4 Mde par rapport à mars 2005. Cette sous-exécution de la dépense est imputable, selon les explications fournies par l’administration, aux retards enregistrés dans la production des documents de gestion. Il apparaît aussi que le cadrage budgétaire des budgets opérationnels de programme a été validé plus tardivement que prévu. Selon les indications données à la Cour, ces retards auraient commencé à être rattrapés depuis le mois d’avril et devraient être résorbés d’ici la fin du premier semestre.
B - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et les évolutions des premiers mois
Comme la loi de finances de l’État, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a été bâtie sur l’hypothèse d’une croissance du PIB en volume de 2 à 2,5 %. L’augmentation de la masse salariale privée, déterminante pour les recettes du régime général, est prévue à 3,7 % en valeur, après 3,3 % en 2005.
L’ONDAM est fixé à 140,7 Mde pour 2006, soit une augmentation de 2,5 %, à champ constant 77, par rapport aux dépenses de 2005 telles qu’elles étaient estimées à l’automne. Ce résultat, s’il était atteint, serait inférieur à tous ceux constatés, sauf en 1997, depuis la création de l’ONDAM. Pour l’atteindre, le Gouvernement met en œuvre une politique plus active en matière de médicament, afin d’interrompre la forte croissance (plus de 6 % par an) constatée sur ces produits au cours des dernières années : l’augmentation des soins de ville serait limitée à 0,9 % (incluant une baisse des dépenses de médicaments) malgré des revalorisations d’honoraires ; celle des versements de l’assurance-maladie aux établissements de santé à 3,4 % (après 4,3 % en 2005).
Ces prévisions correspondent à un déficit de 10,1 Mde en 2006 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base et de 8,9 Mde pour le régime général. Le déficit serait réduit à 6,1 Mde pour la branche maladie du régime général (-8 Mde en 2005), soit un niveau encore très élevé.
Selon de premières informations, les encaissements de recettes du premier trimestre seraient conformes aux prévisions, voire un peu supérieurs. S’agissant des dépenses d’assurance-maladie, l’évolution a été modérée en début d’année pour les soins de ville mais les versements du régime général aux établissements, particulièrement aux cliniques privées, connaissent toujours une croissance très soutenue. Dans un avis rendu le 31 mai 2006, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance-maladie souligne le risque d’un dépassement de l’objectif d’environ 600 Me, dû pour l’essentiel à des décalages dans la mise en œuvre de mesures sur le médicament.
Globalement, les montants de déficit fixés dans la loi de finances de l’État et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne traduisent pas d’inflexion forte dans l’évolution d’ensemble des finances publiques, le déficit de la sécurité sociale devant être inférieur à son niveau de 2005 mais celui de l’État devant dépasser légèrement celui de l’année dernière.
II - Un programme 2007-2009 exigeant mais insuffisamment étayé
Par rapport aux précédents programmes, le document de présentation du programme 2007-2009 est mieux documenté. Il est plus détaillé, contient des analyses de sensibilité aux principales hypothèses extérieures (prix du pétrole, taux d’intérêt…) et une comparaison avec la programmation précédente. Il intègre en outre des éléments sur la gouvernance des finances publiques et sur l’élaboration des statistiques.
A - Des objectifs de redressement ambitieux
1 - Des prévisions de dépenses en rupture avec les évolutions passées
Pour ce qui concerne les dépenses, l’objectif affiché est beaucoup plus exigeant que celui fixé dans les programmes précédents, puisqu’est annoncée une progression limitée à 0,5 ou 0,6 % par an en volume, soit une réduction de moitié par rapport au 1,2 % constaté sur la période 2005-2007. Les deux scénarii diffèrent principalement sur le niveau des dépenses liées à l’emploi (plus faibles dans le scénario de croissance plus élevée). Ces objectifs sont, dans leur principe, justifiés. Ils appellent cependant plusieurs commentaires :
- toutes administrations publiques confondues, les objectifs de dépenses retenus dans le programme de stabilité supposent un infléchissement très marqué par rapport aux évolutions constatées au cours des derniers exercices ainsi qu’il ressort du tableau ci-après.
Tableau 26 - Les dépenses des administrations publiques
? pour les dépenses de l’État, la règle du « zéro volume » 79, dont on a vu que, de fait, elle n’a pas été respectée en 2005, fait place à une norme qui, en comptabilité budgétaire, se rapproche progressivement de la stabilité en valeur ; le programme prévoit en effet, pour la première fois, une diminution annuelle des dépenses de l’État en moyenne de 1,25 % en volume (-1 % en 2007, -1,25 % en 2008 et -1,5 % en 2009), alors qu’elles ont été majorées de 0,25 % en moyenne annuelle entre 1999 et 2004. Le programme est fondé, compte tenu de l’hypothèse d’inflation retenue, sur un objectif de progression des dépenses de l’État de +0,5 % en valeur ;
? pour les dépenses sociales, l’objectif affiché est une augmentation de la dépense de 1 % par an en volume (1,7 % dans le programme précédent) ; l’effort à réaliser porte principalement sur l’assurance-maladie, dont la croissance des dépenses en volume serait réduite à +0,4 % par an, soit un rythme très inférieur à ce qui a été constaté dans la période récente (+3,5 % en moyenne entre 1997 et 2005) et encore inférieur à celui annoncé pour 2006. Certes, la stabilisation voire la régression des effectifs de plusieurs professions de santé contribueront à modérer l’évolution des dépenses en volume ; cependant, à niveau de protection sociale inchangée, et compte tenu d’une croissance de la population de l’ordre de 0,5 % par an, l’objectif suppose notamment que les conséquences du vieillissement et le coût des nouvelles thérapeutiques soient compensées par un gain d’efficacité du système et que, contrairement à la période récente, les prix relatifs des prestations et produits de santé n’augmentent pas plus vite que la moyenne des prix ;
? l’objectif est aussi nettement plus exigeant à l’égard des administrations locales : +0,5 % en moyenne par an et en volume, contre +1,8 % dans le programme précédent et +5,2 % en exécution 2005 pour les seules collectivités territoriales. Le volume des dépenses de ces dernières devrait même, selon les attentes du Gouvernement, être stabilisé à partir de 2009.
2 - Des objectifs de solde et d’endettement volontaristes
Le programme pluriannuel 2007-2009 affiche, dans l’un et l’autre des deux scénarii retenus, des objectifs de redressement ambitieux de la situation des finances publiques, tant pour les déficits que pour le niveau de l’endettement des administrations publiques.
Dans le scénario bas, le déficit serait ramené de -2,9 % du PIB en 2005 et 2006 à -1,0 % en 2009, soit une amélioration moyenne de 0,5 % par an ; il disparaîtrait en 2010. Dans le second scénario, l’équilibre budgétaire serait retrouvé dès 2009, le solde s’établissant alors à +0,1 % du PIB, soit une réduction du déficit de 0,9 point par an.
Le ratio d’endettement, pour sa part, après avoir atteint 66 % du PIB en 2006, serait ramené en 2009 autour de 63 % dans le scénario bas et à un peu moins de 60 % dans le scénario le plus favorable.
Ces objectifs appellent plusieurs remarques :
? ils consistent à prévoir le strict respect par la France du seuil d’endettement fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Ils n’apparaissent donc pas, en eux-mêmes, plus ambitieux que les engagements pris dans ce cadre par notre pays ; néanmoins, la situation dégradée qui est aujourd’hui celle des finances publiques françaises conduit à penser qu’ils ne pourront être atteints que si sont prises, sans tarder, les mesures propres à rétablir durablement un excédent substantiel du solde primaire (c’est-à-dire hors charges d’intérêts) des administrations publiques et à réduire significativement leur endettement ;
? l’amélioration programmée de la situation répond à un rythme qui tendrait à s’accélérer significativement de 2005 à 2009 : par exemple, la réduction du déficit devrait, dans le scénario haut, être nulle en 2006, de 0,3 point en 2007, de 1,0 point en 2008 et de 1,3 point en 2009. Si un tel profil peut tenir en partie à un effet d’amplification dans le temps lié à la montée en puissance des mesures d’économie susceptibles d’être prises, on peut y voir aussi le fait que les dispositions propres à remédier à la situation de déficit et d’endettement de la France sont prévues n’intervenir, pour l’essentiel, qu’en fin de période ;
? enfin, le programme de stabilité 2007-2009, insistant à juste titre sur les facteurs de rigidité de la dépense de l’État annonce « un effort sans précédent d’économies et de redéploiements » de dépenses, qui devrait prendre la forme de « réformes structurelles d’ampleur », ce qui caractérise bien la nature des efforts à entreprendre. Cependant, aucune précision n’est apportée à ce stade ni sur la nature, ni sur le contenu, ni sur le calendrier des mesures envisagées. Par ailleurs, la loi de finances pour 2006 - qui prévoit une nouvelle augmentation du déficit de l’État - ne s’inscrit pas elle-même dans la démarche de moyen terme définie par le programme de stabilité 2007-2009.
B - Des hypothèses macroéconomiques optimistes
Deux scénarii de croissance économique sont retenus : l’un, qualifié de « prudent », à 2,25 % ; le second, plus « volontariste », à 3 %. Dans les deux cas, la croissance anticipée pour 2006 s’établirait entre 2 et 2,5 %.
Le scénario « volontariste » suppose une nette accélération de la croissance, liée notamment à une augmentation des exportations de 7 % en moyenne annuelle (4,9 % en moyenne entre 2003 et 2005), à une consommation des ménages en croissance de 3,1 % (1,8 % de 2003 à 2005) et un dynamisme accru de l’investissement des entreprises, qui devrait passer de 3,8 % en 2005 à 7 % en moyenne annuelle. L’hypothèse est celle d’un rattrapage du retard d’investissement des dernières années.
C - La nécessaire maîtrise des dépenses
Dans ce contexte, c’est en matière de dépenses que l’action publique doit, malgré sa difficulté, être la plus déterminée. Pour atteindre les objectifs de dépenses fixés dans le programme triennal, il conviendrait, si les hypothèses d’accélération de la croissance devaient se confirmer, de tirer un meilleur parti que lors de la précédente phase de cycle haut (1999-2000) de l’amélioration de la conjoncture, pour donner la priorité à la réduction du déficit sans relâcher l’effort sur la dépense.
Les initiatives mises en œuvre à ce jour en ce domaine ont pris la forme de la détermination d’une norme de dépenses, contraignante pour l’État depuis 2003 et indicative pour l’assurance-maladie (ONDAM) depuis 1997. Ces normes présentent l’avantage de freiner l’évolution des charges de l’État et de constituer un repère pour l’évolution des dépenses d’assurance-maladie, mais le niveau et les modalités selon lesquelles elles sont calculées expliquent leur insuffisance.
Des réformes structurelles apparaissent indispensables. On le voit bien dans le domaine de la sécurité sociale, où le ralentissement des dépenses d’assurance-maladie s’accompagne du maintien d’un déficit élevé de cette branche et d’une aggravation de ceux des autres branches (famille et vieillesse). Pour l’État, la rénovation de la gestion publique résultant de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances devrait permettre de mieux mesurer la performance et, donc, l’efficience des actions publiques. Elle devrait aussi rendre possible, sous peu d’années, une « revue des programmes » débouchant sur de véritables économies structurelles mais le rapport que la Cour vient de publier en mai 2006 montre l’importance du chemin qui reste à accomplir 80.
La France pourrait s’inspirer de l’expérience de ceux de ses voisins ou partenaires qui sont parvenus à réduire significativement leurs dépenses publiques. Selon une étude de la Banque centrale européenne 81, qui a analysé les réformes mises en œuvre au sein de l’Union européenne et de l’OCDE, plusieurs pays ont en effet diminué la part de leurs dépenses publiques dans le PIB : autour de 15 points pour l’Irlande et la Nouvelle-Zélande, entre 10 et 12 points pour le Canada, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande et la Suède.
En moyenne, pour l’ensemble des pays étudiés, un tiers environ de la réduction des dépenses obtenue depuis le début des années 1980 a résulté de la baisse des charges d’intérêt. Hors charges de la dette, la diminution des dépenses primaires, qui mesure l’impact véritable des réformes, a été très importante dans plusieurs pays : -13 % au Canada, -9,5 % en Irlande, autour de -8 % en Belgique, aux Pays-Bas, en Finlande, en Suède et en Nouvelle-Zélande, autour de -5 % en Espagne, en Norvège et en Autriche.
Pour plus de la moitié, les réductions de dépenses ont porté sur les transferts et les subventions, qui avaient le plus augmenté entre 1960 et 1982. Le Canada, la Belgique, les Pays-Bas et les pays scandinaves les ont réduites à hauteur de 4 à 8 points de PIB. Selon la même étude, dans la plupart des cas et en dépit de la diversité des situations et des modèles socio-économiques, la croissance s’est redressée peu après la mise en œuvre de la réforme, et l’accélération de la tendance a été plus marquée pour les pays qui avaient conduit les réformes les plus ambitieuses.
III - Des modalités de pilotage à renouveler
La question de la bonne gouvernance des finances publiques est rendue particulièrement complexe par le fait même qu’elle implique à la fois l’État, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. De fait, si les engagements européens de la France sont pris par l’État, alors que celui-ci pèse pour moins de 40 % dans la dépense publique (37 % en 2005, y inclus les ODAC), ils concernent aussi le secteur social et les administrations publiques locales, qui représentent respectivement 43 et 20 % environ de cet agrégat.
A - La rénovation du cadre de gestion des finances publiques
1 - Les aménagements en cours
a) L’adaptation de la contrainte communautaire en 2005
Les indicateurs prévus par le protocole de Maastricht - le niveau de déficit et le volume d’endettement - présentent l’avantage de la simplicité, aussi bien dans la mise en œuvre du suivi qui incombe à la Commission que pour l’établissement de comparaisons au sein de l’Union.
Néanmoins, ces indicateurs n’ont manifestement pas constitué des points de repère et d’ancrage suffisants pour éviter la dégradation de nos finances publiques. Le respect, à un moment donné, du seuil de 3 % ne suffit pas. La Cour a fait valoir à plusieurs reprises 82 le caractère déterminant des engagements hors bilan, sur lesquels l’information fait aujourd’hui souvent défaut, pour apprécier la situation d’ensemble des finances publiques. C’est pour cette raison, notamment, qu’une application trop mécanique des seuls critères retenus par le pacte de stabilité ne permet pas de retracer dans toutes ses dimensions la situation financière d’un pays. En effet, le niveau d’un déficit ou d’une dette n’a pas, en soi, de signification déterminante, le plus important est la trajectoire, et les évolutions qui affectent les soldes doivent être appréciées dans une perspective pluriannuelle et plus large.
L’aménagement des modalités d’application du protocole opéré en mars 2005, en vertu duquel l’appréciation de la satisfaction des objectifs prendra désormais mieux en compte les contraintes d’ajustement à moyen terme et l’impact sur les soldes des réformes structurelles, assouplit la contrainte immédiate pesant sur les États et lève un obstacle qui pouvait les dissuader de mettre en œuvre certaines mesures se traduisant, à court terme, par un surcroît de dépenses. Elle doit encourager à une mobilisation de la politique budgétaire dans le sens d’un redressement durable des finances publiques, mais ne saurait se substituer à des dispositions nationales plus contraignantes.
b) La modernisation du pilotage du budget de l’État
La nécessité de mettre en place des instruments adaptés de pilotage et de maîtrise des finances publiques a fait l’objet, dans la période récente, de diagnostics convergents.
Deux missions d’audit des finances publiques conduites, en 1997 et en 2002, par des membres de la Cour des comptes avaient déjà fait état de préoccupations fortes concernant l’évolution de la dette, la maîtrise des déficits publics et la nécessité de mettre en œuvre des mesures d’assainissement. Les rapports annuels de la Cour sur l’exécution de la loi de finances et le rapport au Parlement de juin 2005 préliminaire au débat d’orientation budgétaire ont apporté des éléments d’expertise complémentaires mettant en lumière les différents aspects de l’aggravation de la situation des finances publiques.
Le rapport de la commission présidée par M. Michel Pébereau, remis au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en décembre 2005, a confirmé ce diagnostic, en mettant l’accent, pour sa part, sur le caractère insuffisamment rigoureux de la gestion des finances publiques, qui a conduit à utiliser l’endettement comme « une facilité qui a permis de ne pas se préoccuper du niveau des dépenses publiques et de l’efficacité de leur gestion ».
Plusieurs initiatives ont été prises en 2005 pour tenter d’améliorer la lisibilité du pilotage du budget de l’État mais restent à améliorer.
1. Un meilleur encadrement de l’usage des surplus de recettes fiscales
En application de la loi organique du 12 juillet 2005, qui a modifié sur ce point l’article 34 de la LOLF, la loi de finances arrêtera désormais les modalités selon lesquelles seront utilisées les plus-values de recettes fiscales susceptibles d’être constatées en cours d’année.
Ce dispositif, propre à améliorer la transparence de la gestion, ne trouvera toutefois son efficacité que s’il contribue à ce que d’éventuels surplus de recettes soient systématiquement affectés à la diminution des déficits et de la dette, plutôt qu’à de nouvelles dépenses ou à des allégements fiscaux.
L’article 51 de la LFI pour 2006 prévoit que les éventuels surplus qui viendraient à être constatés en 2006 seront « utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire ». Il est souhaitable que des dispositions analogues figurent dans les prochaines lois de finances.
2. Une plus grande prévisibilité de la régulation budgétaire
Dans ses rapports annuels sur l’exécution des lois de finances, la Cour a relevé les inconvénients qui résultent des modalités de mise en réserve de crédits, au regard tant de la conformité de l’exécution à l’autorisation parlementaire que du fonctionnement des services. Elle a recommandé que cette pratique soit encadrée par des règles connues et prévisibles.
L’article 51 de la LOLF, modifié sur ce point par la loi organique du 12 juillet 2005 précitée, prévoit désormais qu’est jointe au projet de loi de finances de l’année « une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement ». Cette disposition peut contribuer à renforcer la transparence de la politique budgétaire.
Cependant, certains ministères appliquent linéairement le pourcentage de réserve, qu’il s’agisse de dépenses obligatoires ou facultatives. Ils satisfont ainsi en apparence à leur obligation mais les blocages pratiqués sur des dépenses en fait inéluctables risquent de contraindre ensuite à des déblocages qui affecteront le niveau global réel des crédits mis en réserve ou à des ponctions supplémentaires sur d’autres postes.
3. Les modalités de préparation et de contrôle du budget
Dans la logique de la démarche introduite par la LOLF, les procédures d’élaboration de la loi de finances et de contrôle de l’exécution budgétaire ont été aménagées récemment.
Une circulaire du Premier ministre du 21 janvier 2005 a modifié de manière significative la procédure de préparation du budget dans sa phase administrative, qu’elle vise à inscrire dans une démarche d’ensemble mieux définie et plus cohérente avec les priorités gouvernementales. Outre la réunion d’un séminaire gouvernemental annuel, donnant à la procédure une dimension collégiale en amont des conférences budgétaires, le nouveau dispositif prévoit l’organisation de « réunions d’économies structurelles », destinées à permettre un examen conjoint interministériel de l’évolution des missions et des structures de chaque ministère. De plus, la procédure budgétaire comporte désormais une phase relative à la mesure de la performance.
Par ailleurs, le décret du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l’État, qui définit les critères de contrôle des documents soumis au visa ou à l’avis préalable, prévoit que l’avis de l’autorité chargée du contrôle financier porte sur « la cohérence budgétaire d’ensemble » des documents de gestion, sur « l’impact des charges prévues sur les finances publiques » et sur « la couverture des dépenses que l’État est juridiquement tenu de supporter ainsi que de celles qui apparaissent d’ores et déjà inéluctables ».
En outre, ce texte donne au contrôleur financier la mission de vérifier notamment la sincérité des documents de programmation budgétaire initiale et « leur compatibilité, dans la durée, avec les objectifs de maîtrise de la dépense publique ». L’exercice rénové du contrôle financier doit contribuer à une meilleure prise en compte, au stade de la gestion infra-annuelle, des préoccupations d’équilibre et de redressement des finances publiques. Il y va du développement d’une conviction mieux partagée dans les ministères de l’importance de ces impératifs.
Ces évolutions vont dans le bon sens. Toutefois, elles ne se traduiront par des résultats concrets que quand auront été préalablement définis des critères de soutenabilité connus, clairs et stables sur lesquels pourront désormais se fonder l’action des contrôleurs mais aussi, plus largement, la stratégie des décideurs budgétaires et les choix des gestionnaires des finances publiques.
2 - Les évolutions nécessaires
a) Une application stricte de la LOLF
Les fins de gestion budgétaire ont été, par le passé, marquées par des arbitrages de recettes ou de dépenses entre exercices qui s’inscrivaient délibérément dans une démarche d’ajustement du solde d’exécution. La Cour a relevé, dans ses rapports annuels successifs sur l’exécution des lois de finances, les pratiques consistant à faire supporter sur l’exercice courant des charges qui auraient dû être rattachées à l’exercice suivant ou à imputer sur la gestion suivante des recettes encaissées en période complémentaire. Elle a aussi eu l’occasion de montrer que certains encaissements pouvaient se trouver différés au-delà de la fin de gestion par l’utilisation de comptes d’imputation provisoire.
Plusieurs mesures ont été prises depuis lors, notamment pour réduire significativement le niveau des comptes d’imputation provisoire, limiter le montant des reports de charge d’un exercice sur l’autre et conférer plus de prévisibilité aux conditions de rémunération de la garantie de l’État, par exemple à l’égard de la Caisse des dépôts et consignations dans sa mission de gestion des fonds d’épargne.
Malgré les clarifications budgétaires et comptables apportées par la LOLF, certaines pratiques perdurent cependant, qui permettent à l’État d’afficher des résultats en apparence plus favorables. C’est le cas, en particulier, la fin de la gestion 2005 l’a confirmé, des reprises de dette traitées à tort comme des opérations de trésorerie, alors qu’elles devraient être comptabilisées comme des charges budgétaires 83, ou encore de facilités d’écritures de période complémentaire permettant de modifier les exercices d’imputation, pour répondre à des préoccupations d’affichage du solde budgétaire, en s’appuyant sur le décret du 14 mars 1986 relatif aux règlements réciproques, toujours en vigueur malgré l’entrée en application de la LOLF.
Il importe que les règles posées par la LOLF soient désormais strictement appliquées. La Cour recommande que le décret d’application, en préparation, prévu par l’article 28 de la loi organique pour préciser les règles de comptabilisation des opérations de la période complémentaire, comporte le moins de dispositions dérogatoires possible, ce qui ne devrait guère poser de difficultés pratiques. L’existence même d’une période complémentaire de vingt jours ne se justifie plus véritablement aujourd’hui. Les règlements réciproques entre l’État et de nombreuses entités publiques ou d’intérêt général ne devraient plus être possibles.
Les pratiques relevées dans ce rapport et qui ont différé la résorption durable du déficit montrent que ces améliorations sont loin d’avoir un caractère seulement technique.
b) L’amélioration des outils de gestion budgétaire et des méthodes
4. Les prévisions de recettes fiscales
La Cour a déjà eu l’occasion d’insister 84 sur la nécessité de perfectionner la qualité des prévisions de recettes afin d’améliorer la prévisibilité des ressources et, partant, de permettre au Parlement de disposer d’informations fiables au moment où il est appelé à voter le montant des dépenses pour l’exercice suivant. En 2005, par exemple, si la différence entre les recettes fiscales nettes constatées et le niveau anticipé au moment du vote du PLF n’a été in fine que de 0,5 Mde, c’est en raison, d’une part, de l’encaissement d’une recette exceptionnelle (réforme du calendrier de l’impôt sur les sociétés) et, d’autre part, parce que les estimations révisées pour 2004, sur le fondement desquelles ont été établies les prévisions de recettes pour 2005, étaient sensiblement plus basses (261,5 Mde) que ne l’a été en définitive l’exécution 2004 (265,7 Mde) 85.
La Cour considère qu’une plus grande transparence sur les outils et méthodes utilisés contribuerait à une meilleure fiabilité des prévisions de recettes sur la base desquelles sont arrêtées les dotations budgétaires inscrites en loi de finances.
5. Pour une adaptation de la norme de dépenses
La politique budgétaire suivie depuis 2003 a utilisé comme principal instrument de maîtrise des finances de l’État une norme d’évolution des dépenses nettes du budget général calée sur le rythme de l’inflation. Cette norme « zéro volume » présentait notamment l’avantage de dissocier l’appréhension des dépenses de celle des recettes en introduisant l’idée - dont toutes les conséquences n’ont malheureusement pas toujours été tirées - que la maîtrise des finances publiques supposait une action vigilante aussi bien sur le niveau des charges que sur celui des ressources. Elle a permis d’obtenir de premiers résultats.
Cependant, ceux-ci sont insuffisants compte tenu, en particulier, des changements de périmètre évoqués ci-dessus. En toute hypothèse le déficit de l’État ne s’est pas réduit depuis 2002 à due proportion de la norme, notamment parce que le ralentissement des dépenses soumises à celle-ci s’est accompagné de reports de charges sur d’autres postes budgétaires et sur les dépenses fiscales. En outre, la norme ne s’appliquant qu’à l’État, des dépenses ont été transférées de celui-ci vers d’autres administrations publiques. En toute hypothèse, l’objectif d’une stabilisation des dépenses en volume ne semble pas, à l’expérience, suffisamment exigeant pour permettre d’atteindre des résultats significatifs dans un délai raisonnable.
L’objectif fixé par le programme de stabilité 2007-2009 d’une croissance des dépenses de l’État proche de la stabilité en valeur, atteinte selon un calendrier progressif, va donc dans le bon sens, étant entendu qu’il n’aurait pas de portée réelle si les moyens pour l’atteindre n’étaient pas explicités. Par ailleurs, la norme de dépenses ne retrace qu’en partie les dépenses concourant à la mise en œuvre des politiques publiques.
Son interprétation conduit en effet à soulever la question de sa définition. Pour ce qui concerne la norme zéro volume, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie souligne qu’elle a été respectée en 2005 pour la troisième année consécutive et fait valoir que « c’est en toute logique que la norme ne comprend pas les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements ou encore les dépenses fiscales », ceci dans le souci notamment de faire en sorte que « la norme de progression des dépenses se mesure selon une méthodologie stable dans le temps » 86. La Cour souscrit pleinement, pour l’avoir elle-même recommandée à plusieurs reprises, à la préoccupation d’assurer la stabilité des méthodes. De même, elle approuve que soient exclus des dépenses de l’État, pour calculer la norme de dépenses, certains prélèvements sur recettes ou décaissements.
Elle considère, en revanche, que la maîtrise des déficits et une juste appréciation de la réalité des moyens engagés par l’État en faveur des politiques publiques ne peuvent se limiter à la seule constatation du montant des dépenses effectuées sur crédits budgétaires mais doivent aussi prendre en compte, en particulier, les financements engagés sous la forme de dépenses fiscales, dont l’importance est déterminante dans certains secteurs. Par exemple, s’agissant de l’effort financier de l’État en matière de logement social, les dépenses fiscales (8 073 Me en 2006) atteignent sept fois le montant des crédits budgétaires (1 210 Me) 87. Globalement, elles ont représenté en 2004 un cinquième environ du montant des ressources totales du budget général.
La prise en compte des dépenses fiscales ayant une importance déterminante pour l’appréciation des conditions de formation du solde dès lors qu’elles ont pour effet de substituer à une charge budgétaire un financement à caractère fiscal, qui prend la forme d’une atténuation de recettes, la Cour recommande, à tout le moins, que le calcul de la norme de progression des dépenses de l’État intègre désormais un objectif prenant en compte le montant de celles des dépenses fiscales qui sont rattachables à une politique publique.
Par ailleurs, il est indispensable d’améliorer les modalités du suivi des dépenses fiscales. Le nombre croissant et la grande dispersion de ces mesures dérogatoires, sans que soit jamais conduite une évaluation systématique de leur efficacité, exigent que la création de toute nouvelle mesure fiscale dérogatoire soit désormais assortie d’une appréciation précise de ses incidences budgétaires et d’une phase d’expérimentation. Il est également nécessaire que soit conduit, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le suggérer dans son rapport de novembre 2005 sur les personnes âgées dépendantes, un exercice d’évaluation de l’ensemble des dépenses fiscales existantes.
Si ces mesures s’avéraient insuffisantes, il devrait être envisagé que les dépenses fiscales ne puissent être créées à l’avenir que dans le cadre d’une loi de finances. En effet, la possibilité d’assortir tout projet de loi sectoriel d’un dispositif permettant d’assurer la couverture d’une nouvelle mesure par le recours à une « dépense fiscale » plutôt qu’au financement sur crédits budgétaires fait obstacle à une correcte appréhension d’ensemble, par le Parlement, des effets de la création d’une dépense fiscale.
c) La rénovation de la gestion des finances sociales et locales
1. Les finances sociales
La nouvelle loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale du 3 août 2005, qui répond largement aux recommandations que la Cour avait présentées dans ses rapports sur la sécurité sociale de 2003 et 2004, vise à leur donner plus de transparence et de sincérité.
À cette fin, la loi de financement de la sécurité sociale retrace désormais l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre présentés par branche pour les régimes obligatoires de base, pour le régime général ainsi que pour les organismes concourant au financement de ces régimes. Leur champ est élargi à la CADES et au fonds de réserve pour les retraites. En outre, l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) soumis au Parlement donne lieu maintenant au vote de sous-objectifs, dont le périmètre sera également fixé par la loi de financement. Celle-ci a, par ailleurs, une dimension pluriannuelle au travers d’un cadrage quadriennal des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses. Ces dispositions complètent les mesures arrêtées par la loi sur l’assurance-maladie du 13 août 2004, qui ont précisé les responsabilités des diverses autorités compétentes en ce domaine (Etat, Union des caisses d’assurance-maladie, Haute autorité de santé) et qui ont créé un comité d’alerte chargé d’aviser dès le mois de juin de chaque année les pouvoirs publics et la caisse nationale d’assurance-maladie sur les éventuels dépassements de l’ONDAM.
Les projections en la matière ne trouveront toutefois leur pleine signification que si elles sont établies sur la base d’un équilibre de moyenne période correspondant à la durée d’un cycle économique 88, puisqu’il ne devrait pas être admis que s’installe un déficit structurel pour le financement de prestations courantes.
2. Les finances locales
La Cour avait souligné, dans son rapport préliminaire de juin 2005, la nécessité de clarifier, dans le respect du principe de libre administration, le rôle et les responsabilités des collectivités territoriales au regard de la situation d’ensemble des finances publiques. En effet, compte tenu de leur poids dans les finances de la nation et des multiples transferts effectués entre administrations publiques, il est indispensable que soient mis en place les dispositifs institutionnels propres à rendre possible, notamment par une concertation renforcée, une approche consolidée des comptes publics.
La tenue, le 11 janvier 2006, d’une conférence nationale des finances publiques et la création du conseil d’orientation des finances publiques 89 ont constitué de premiers pas.
B - Pour une stratégie nationale sur l’avenir des finances publiques
1 - Des critères nationaux de soutenabilité
À ce jour, la France n’a pas défini de critères spécifiques internes de soutenabilité, à l’inverse de la plupart de ses voisins, dont certains (comme la Grande-Bretagne) se sont assignés une règle de conduite visant à stabiliser leur dette publique sur la durée d’un cycle économique ou (comme l’Allemagne) à réserver la dette au seul financement de dépenses d’investissement. La politique des finances publiques se réfère au seul pacte de stabilité et de croissance (PSC), considéré avant tout comme une contrainte externe.
De fait, aucun objectif d’orientation sur courte ou moyenne période (a fortiori sur long terme) n’avait jusqu’à présent été fixé dans un cadre général intégrant l’ensemble des APU. Les deux seules tentatives passées de définition de critères internes de soutenabilité - la fixation en 1983 d’un objectif de déficit de l’État maintenu dans la limite de 3 % du PIB et la programmation d’un retour à l’équilibre par la loi quinquennale de redressement des finances publiques de février 1994 - ont été suivies de peu d’effets.
De même, à la différence de plusieurs pays voisins, les considérations d’équité intergénérationnelle - visant à éviter de faire peser massivement sur les générations suivantes le coût du remboursement de la dette constituée pour assurer la couverture de charges immédiates, y compris de fonctionnement - ne sont pas mises en avant pour nourrir un éventuel débat sur les choix pluriannuels ou pour justifier la nécessité de mesures d’ajustement.
Or, les programmes triennaux établis en application du pacte de stabilité ne sont en eux-mêmes pas suffisants pour assurer le redressement des comptes. En raison même du fait que chaque pays présente, au regard de la gestion de ses finances publiques, des caractéristiques qui lui sont propres, les critères du PSC ne peuvent constituer qu’un cadre commun qui doit être complété par des dispositions nationales spécifiques. Quant à la norme de dépenses de l’État, elle est davantage un outil de court terme qu’un objectif de politique économique et financière et elle se révèle, à l’expérience, insuffisamment contraignante pour favoriser une maîtrise durable des finances publiques.
Il est dès lors nécessaire que soient retenus, comme dans la plupart des États comparables, des objectifs nationaux propres à garantir la soutenabilité à moyen et long terme des finances publiques. La fixation de tels objectifs est d’autant plus nécessaire que l’ampleur même des déficits et de la croissance de l’endettement ont fait perdre les repères. Des niveaux de déficit et de dette qui, dans le passé ou à l’étranger, auraient suscité des mesures de redressement, n’en ont pas déclenchées, ou seulement de trop lentes et trop partielles dans la période récente.
En particulier, l’objectif de réduction de l’endettement nécessite de placer le solde au cœur du pilotage des finances publiques.
2 - La nécessité d’un pacte de stabilité interne
Ces objectifs doivent être fixés en partant d’une appréciation pluriannuelle de la situation financière des APU. C’est le sens de la démarche engagée par la conférence nationale des finances publiques.
Pour cela, il importe de définir un ensemble de règles de gouvernance acceptées par tous les acteurs des finances publiques. L’adaptation du protocole de Maastricht doit trouver son prolongement au plan interne. La France peut, à cet égard, s’inspirer de l’expérience des pays membres de l’OCDE ou de la zone euro qui ont déjà fait le choix de soumettre leurs procédures budgétaires à des règles qui visent à assurer une meilleure discipline et une plus grande efficience :
- l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et le Royaume-Uni ont mis en place des pactes de stabilité internes afin de promouvoir la discipline budgétaire aux niveaux infranationaux ;
? en Allemagne, le déficit du budget fédéral ne doit pas, en vertu de la Loi fondamentale, dépasser les dépenses fédérales d’investissement et une règle constitutionnelle similaire existe dans la plupart des Länder. L’État fédéral, les Länder et les communes doivent viser à équilibrer leurs budgets. Le Conseil intergouvernemental de planification financière est chargé de formuler des recommandations sur les moyens d’instaurer la discipline budgétaire et de vérifier si les dépenses publiques et le budget évoluent conformément au pacte de stabilité et de croissance ;
? en Belgique, un pacte de stabilité interne, adopté en 2000, fixe des niveaux de déficits autorisés, d’une part pour le gouvernement fédéral y compris la sécurité sociale, d’autre part pour les régions et collectivités locales. Ces déficits sont établis sur la base des recommandations du Haut Conseil des finances, qui sont rendues publiques ;
? en Espagne, la loi de stabilité budgétaire adoptée en 2003 prévoit que les comptes doivent s’équilibrer ou afficher un excédent à tous les échelons des administrations publiques, mais aussi dans les entreprises publiques. Les dépenses sont plafonnées et un « fonds pour éventualités », qui représente 2 % des dépenses, a été créé pour couvrir les dépenses imprévues. Les déficits ne sont autorisés que dans des situations temporaires et exceptionnelles. Des plans de deux à trois ans pour établir l’équilibre des comptes sont discutés aux Cortes ;
? au Royaume-Uni, le code de stabilité budgétaire de 1997 prévoit que le gouvernement ne peut emprunter au cours d’un cycle économique que pour financer des dépenses d’investissement (« règle d’or ») ; il comporte aussi une règle de l’investissement soutenable : la dette nette doit être maintenue à un pourcentage stable de 40 % du PIB sur la moyenne d’un cycle économique.
L’application de ces règles a donné de bons résultats, si l’on en juge, par exemple, par l’évolution des ratios de dette en Belgique (-9,9 points de PIB), en Espagne (-9,3 points) et en Autriche (-3,1 points).
Au cours des dernières années, la France a commencé à se doter de règles plus contraignantes, dont la plus marquante, précitée, concerne l’utilisation des éventuels surplus de recettes fiscales de l’État. Elle ne saurait, cependant, suffire. Il est possible d’aller plus loin. À cet effet, plusieurs questions devraient être approfondies :
1. Faut-il choisir un ciblage direct du niveau de dette par rapport au PIB afin de mieux prendre en compte les considérations de soutenabilité à long terme et d’équité intergénérationnelle ? Doit-on, en période d’assainissement budgétaire, définir un objectif de déficit public ou un objectif de dépense ? La combinaison d’un objectif de stock (le ratio de dette) et d’un objectif de flux (évolution du solde budgétaire ou de la dépense) pourrait constituer un compromis propre à favoriser un véritable respect de la règle. Pour ce faire, la norme de dépense devrait s’appliquer à tous les sous-secteurs des administrations publiques et être établie par rapport aux données de comptabilité nationale.
2. Sur quel horizon la règle doit-elle être définie ? Arrêter un objectif de déficit en données corrigées des évolutions conjoncturelles permet de laisser les stabilisateurs automatiques répondre aux fluctuations cycliques et de faire face à des circonstances exceptionnelles, tout en évitant un relâchement procyclique dans les périodes de reprise. A contrario, cibler le solde effectif présente l’avantage d’une plus grande crédibilité, même si celle-ci peut être compromise par le recours excessif aux mesures exceptionnelles ou à de simples artifices comptables.
3. Quels éléments inclure dans l’objectif ? Les considérations d’équité intergénérationnelle semblent plaider pour le ciblage du solde courant et non du solde total. Mais certaines dépenses courantes au titre de la santé ou de l’éducation peuvent tout aussi bien être considérées comme des investissements en capital humain.
4. Le non-respect de ces règles doit-il être assorti de sanctions ? Très peu de pays de l’OCDE y ont eu recours jusqu’à présent. À tout le moins, une éventuelle absence de respect de la règle devrait donner lieu aux explications nécessaires.
Autant de questions qui appellent une réponse qui prenne en compte les caractéristiques spécifiques des finances publiques de la France. L’institution d’un débat annuel d’orientation budgétaire et d’un débat de printemps sur la situation de la sécurité sociale est de nature à permettre au Parlement de débattre de ces questions. La vue d’ensemble des finances publiques que nécessite leur situation actuelle rendrait souhaitable la simultanéité de ces deux débats. Il y aurait aussi avantage à y joindre un examen de l’ensemble des prélèvements obligatoires 90.
Pour autant, la définition d’un pacte de stabilité interne ne contribuera à améliorer durablement la situation des finances publiques que si elle est assortie des conditions concrètes de sa réalisation.
IV - Des leviers prioritaires
Pour indispensable qu’elle soit, une nouvelle gouvernance des finances publiques ne pourra, à elle seule, suffire à redresser la situation. Seuls vaudront les résultats concrets obtenus en termes d’économies structurelles, de réduction des déficits et de diminution de la dette.
Le souci d’économie et d’efficacité dans l’usage des deniers publics doit devenir une réalité mieux affirmée, dans la gestion des administrations mais aussi dans les choix revenant aux instances exécutives et délibérantes de l’ensemble des pouvoirs publics. À cet égard, si un désendettement obtenu par la cession d’actifs publics peut, dans des conditions appropriées, être bienvenu, on ne saurait en attendre un remède aux déséquilibres de fond des finances publiques.
L’objectif principal à court terme doit être de revenir à un solde primaire positif des administrations publiques. Au-delà, la stratégie de finances publiques doit viser à retrouver un niveau de dépense, charge de la dette comprise, compatible avec celui des prélèvements obligatoires. Pour y parvenir, quelques priorités, difficiles mais essentielles, s’imposent, sans lesquelles l’échec récurrent des programmes de redressement successifs ne pourra être véritablement surmonté : régler le problème de la dette sociale ; tirer parti des marges de productivité ; maîtriser les dépenses d’intervention.
A - Remédier à l’anomalie que constitue la dette sociale
La France a laissé se développer, dans la dernière décennie, une dette sociale, jusque-là inexistante. Son montant a plus que doublé au cours des trois dernières années pour atteindre 110 Mde fin 2005 91. Ce niveau d’endettement, que n’autorisent pas les règles s’appliquant aux régimes sociaux et aux fonds de financement – ils ne peuvent recourir qu’à des emprunts de trésorerie dans des limites fixées en loi de financement - a été permis par la création de la CADES en 1996.
La dette sociale constitue une anomalie des finances publiques françaises. Elle contrevient à la « règle d’or » qui réserve l’emprunt au financement de dépenses d’investissement. Sur le plan économique, sa forte augmentation récente ne peut être imputée à une conjoncture particulièrement déprimée. Surtout, la montée de la dette sociale est en profond décalage avec les perspectives démographiques du pays : elle a pour effet de reporter dans le futur le financement d’une partie des dépenses sociales actuelles, alors que le vieillissement de la population française, qui crée des besoins de financement supplémentaires à terme dans les branches retraite et maladie et pour la dépendance, justifierait au contraire la constitution de réserves par la réalisation d’excédents.
Le principe de telles réserves a conduit à la création du Fonds de réserve des retraites en 1999, mais son abondement a été jusqu’à présent très inférieur à ce qui était prévu à l’origine, et les réserves constituées à la fin de 2005 (20,6 Mde) représentent à peine le quart de la dette sociale (même en se limitant au champ de la sécurité sociale).
Il convient avant tout de ne plus transférer de nouvelles dettes à la CADES, ce qui suppose de résorber rapidement le déficit du régime général et du FSV. Malgré les mesures de redressement mises en œuvre en 2003 pour les retraites et en 2004 et 2005 dans le domaine de l’assurance-maladie, le déficit du régime général s’est maintenu en 2005 au niveau très élevé de l’année précédente (plus de 11 Mde), et la faible baisse prévue dans la loi de financement pour 2006 le maintiendrait autour de 9 Mde. Il est essentiel d’accélérer le mouvement de réduction et qu’il soit suffisamment significatif.
La réforme de l’assurance-maladie de 2004, dont les effets sont aujourd’hui pratiquement épuisés, et les mesures complémentaires intervenues en 2005 n’ont pas été suffisantes pour redresser cette branche, puisque la prévision de déficit pour 2006 est, pour la branche maladie du seul régime général, de plus de 6 Mde. De nouvelles dispositions sont donc indispensables. En Allemagne, le plan de redressement mis en œuvre en 2004 par le gouvernement allemand pour résorber un déficit de 3 Mde de l’assurance-maladie, a conduit à un excédent dès 2005.
B - Tirer parti des marges de productivité
1 - Une dynamique d’efficacité
Toutes les administrations publiques, y compris l’État, voient leurs activités évoluer rapidement et fortement. Comme dans les autres secteurs de l’économie, des gains substantiels de productivité peuvent y être dégagés, et ont d’ailleurs commencé à l’être. Si les démarches de productivité y sont souvent plus récentes, les marges de gains ne s’en trouvent que plus importantes. Il y a là un enjeu majeur pour les politiques publiques au cours des prochaines années.
Le développement des technologies de l’information joue, en la matière, un rôle moteur. L’extension des systèmes de télétraitement et les progrès accomplis dans l’interopérabilité des systèmes d’information en fournissent des illustrations 92. Les économies induites sont d’autant plus importantes qu’elles s’accompagnent d’une rénovation des organisations administratives classiques et de la modernisation des méthodes de gestion, à commencer des ressources humaines.
Le plus souvent, les recherches d’une amélioration des services rendus aux usagers, d’une part, et de gains de productivité, d’autre part, non seulement ne se révèlent pas contradictoires, mais vont de pair. Une norme globale sur le non-remplacement d’une partie des personnels partant à la retraite, qui a constitué un premier pas, doit s’accompagner d’un examen concret des gains de productivité potentiels.
Cette dynamique d’efficacité est aujourd’hui engagée. Pour l’État, elle s’inscrit dans la ligne de la rénovation budgétaire dont la LOLF et la démarche de performance sont les vecteurs privilégiés. Elle implique un réexamen systématique des programmes en cours et une obligation d’évaluation de toute nouvelle mesure ou de tout dispositif dont la création est envisagée. Il faut que soient désormais évalués sérieusement, au moment où se discute l’opportunité de leur mise en place comme a posteriori, les coûts associés aux actions des administrations publiques. À chacune des grandes actions de l’État, voire aux projets destinés à assurer leur mise œuvre, doit être appliquée une approche comparable à celle sur la soutenabilité globale des finances publiques.
L’accroissement de la productivité concerne aussi la gestion de la sécurité sociale et nombre de secteurs financés par l’assurance-maladie, sans que la qualité des soins en soit pour autant affectée, comme la Cour l’a montré notamment dans ses rapports sur la sécurité sociale de septembre 2004 et septembre 2005.
2 - Un contexte démographique exceptionnellement favorable
Les charges de personnel constituent le premier poste de dépenses des administrations (44 % pour l’État y compris les pensions ; 32 % hors pensions), dont les effectifs totaux sont passés de 4,3 millions en 1992 à 5,1 millions en 2004. L’essentiel de la croissance des effectifs en fin de période est due aux recrutements opérés par les collectivités territoriales, en partie consécutifs aux transferts de compétences de l’État, et le secteur hospitalier, notamment pour prendre en compte les effets des mesures d’aménagement et de réduction du temps de travail.
Graphique 16 - Les effectifs des trois fonctions publiques
Or, les employeurs publics sont aujourd’hui confrontés à un phénomène exceptionnel, le départ à la retraite de près de 45 % des personnels actuellement en poste - soit deux millions d’agents environ - d’ici 2015. S’il constitue une contrainte forte pour que continuent d’être pourvus de manière satisfaisante les postes correspondant aux missions, ce contexte offre aussi une occasion unique d’ajuster le nombre et la répartition des agents publics à la réalité des besoins, sans revenir sur la règle actuelle de sécurité de l’emploi.
Tableau 27 - Départs à la retraite des agents titulaires civils des trois fonctions publiques (avant réforme)
Tableau 28 - Estimation des départs à la retraite des fonctionnaires de l’État (après la réforme de 2003)
Les effets de cette évolution démographique majeure ont commencé à se manifester puisqu’on estime, pour le seul Etat, à 58 000 environ, contre 37 000 en 1995, le nombre des agents civils (hors PTT) qui sont partis à la retraite en 2005. Pourtant, la croissance des effectifs se poursuit, sauf pour l’État stricto sensu 93. L’enjeu est d’autant plus crucial que le maximum de départs à la retraite se produit pour l’État dès 2007.
Le statut général de la fonction publique, notamment par les garanties dont il est assorti pour les personnels, a vocation à faciliter les adaptations requises et à favoriser la modernisation de la gestion des ressources humaines. Les gains de productivité qui seront réalisés dans les prochaines années par les administrations et dans les secteurs qu’elles financent doivent aider à la fois à faire face aux besoins de recrutements à venir et à améliorer la soutenabilité des finances publiques.
Dans les organismes de sécurité sociale 94 et dans plusieurs secteurs de la santé financés par l’assurance-maladie, les évolutions en cours peuvent, de même, favoriser l’expression de gains potentiels.
C - Réexaminer les dépenses d’intervention
Les dépenses d’intervention ont augmenté de plus d’un point de PIB depuis 1993 ; elles représentent, en 2005, 53,5 % des dépenses publiques. L’évolution est particulièrement marquée pour l’État : les transferts constituent 52,8 % de ses dépenses en 2005 contre moins de la moitié (46,9 %) en 1995. À ces dépenses directes, s’ajoutent de moindres recettes, dont les plus marquantes sont les exonérations de cotisations sociales et la prime pour l’emploi.
Les transferts courants à d’autres administrations publiques sont passés de 59,1 Mde en 1995 à 97,6 en 2005 (+0,76 point de PIB), dans le budget de l’État, qui est devenu principalement un budget de transferts.
Tableau 29 - Transferts courants entre administrations
Pour nécessaires qu’elles soient, les économies sur les dépenses de personnel ne sauraient suffire. Il n’y aura pas de redressement possible des finances publiques sans réexamen des dépenses d’intervention, dont la plupart relèvent de dispositifs législatifs ou réglementaires.
Leur importance, leur diversité et leur fréquente superposition justifient que l’on s’interroge sur leur efficacité au regard des objectifs poursuivis. À titre d’exemple, deux dispositifs devraient être réétudiés en priorité : les allégements des charges sociales et la prime pour l’emploi.
Conçu pour alléger le coût du travail non qualifié, le dispositif d’allégement des charges sociales, dont le coût dépasse aujourd’hui 20 Mde, a été en partie utilisé par la suite pour compenser des « chocs » salariaux successifs imposés aux entreprises, au point que, plus de dix ans après sa mise en place, le coût du travail peu qualifié, qui avait baissé dans un premier temps, est revenu à son niveau de 1994. Il devrait être resserré afin de réserver son bénéfice, comme prévu initialement, aux plus petites entreprises et de minimiser les effets d’aubaine. Devrait aussi être périodiquement réexaminée la justification des principales mesures d’exonération de prélèvements sociaux prévues par la législation.
De même, ainsi que la Cour l’a déjà recommandé, le dispositif de la prime pour l’emploi, dont le coût est estimé à 3 Mde, devrait être mieux ciblé et ses paramètres désormais déterminés en fonction des règles d’évolution des bas salaires et d’indexation du SMIC.
Conclusion générale
Le déficit des administrations publiques pour 2005 au sens du pacte de stabilité et de croissance tel que notifié et admis par la Commission européenne est de -2,9 % du produit intérieur brut, contre - 3, 7 % en 2004. Outre ce retour en deçà du seuil de 3 % prévu par le protocole de Maastricht, 2005 a été marquée par le respect du solde budgétaire fixé par la loi de finances et de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie prévu par la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour mesurer la tendance de moyen terme des finances publiques, il est nécessaire d’apprécier également le solde des administrations publiques en ne prenant pas en compte l’effet des mesures à caractère non reconductible. Ainsi calculé, le déficit des administrations publiques s’établirait à 3,5 % du PIB.
La dette publique atteint désormais près de 67 % du PIB, contre 64,4 % en 2004, alors que la France s’est engagée, comme tous les États de l’Union européenne, à la maintenir dans la limite d’un ratio de 60 %.
De fait, l’augmentation du niveau des recettes enregistrée en 2005 n’a été que pour une faible part affectée à la réduction du déficit ; elle a aussi servi, comme les années précédentes, à couvrir une progression des dépenses publiques, qui s’est de nouveau accélérée. Dans ces conditions, l’endettement de notre pays sert toujours principalement à financer des dépenses de fonctionnement et de transferts.
Depuis 2000, le besoin de financement des administrations, hors opérations exceptionnelles, a presque triplé, les dépenses ayant continué à augmenter de plus de 2 % par an en monnaie constante. La dette a crû de plus de 40 % et sa part dans le PIB de près de 11 points. La situation s’est donc dégradée sur des points majeurs alors même que des taux d’intérêt exceptionnellement bas créaient un contexte favorable.
Cette évolution place la France dans une position de plus en plus défavorable si on la compare à celle de ses principaux partenaires au sein de l’Union européenne ou de l’OCDE et elle n’est pas durablement soutenable. Il n’est, en effet, pas envisageable d’assurer sur le moyen terme la prise en charge simultanée des évolutions prévisibles en matière de retraites, de santé et de dépendance, et de la prolongation des tendances actuelles des autres dépenses. La remontée des taux d’intérêt qui s’est engagée crée une contrainte nouvelle et majeure.
Au sein des administrations publiques, si le déficit du budget de l’État se réduit légèrement, c’est grâce à des annulations de crédits plus importantes qu’en 2004, à un meilleur respect de la norme de progression des dépenses mais aussi à la comptabilisation de mesures à caractère exceptionnel et au décalage de certains versements. La dette de l’État poursuit sa progression (+5,8 %) et représente désormais à elle seule 52, 3 % du PIB.
La situation des administrations de sécurité sociale est de plus en plus préoccupante : le déficit de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, incluant l’ensemble des régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse, atteint le niveau sans précédent de -14,5 Mde (-12,2 Mde en 2004) ; pour la première fois, les quatre grandes branches du régime général sont simultanément déficitaires. La dette sociale, qui résulte de l’excès des prestations des régimes de protection sociale par rapport aux recettes, atteint 110 Mde.
Pour leur part, les administrations publiques locales voient leurs dépenses augmenter de nouveau, sous l’effet notamment de la croissance des charges de personnel et, surtout, des dépenses sociales, en partie due aux mesures de décentralisation ; leur endettement, qui s’élevait à 113, 8 Mde fin 2004, est passé à 119 Mde un an après.
Quand bien même les critères du pacte européen de stabilité et de croissance seraient respectés, l’expérience des dernières années et celle des autres pays montrent qu’ils ne peuvent suffire dans la situation actuelle. La définition d’objectifs nationaux, complétant ces critères par un véritable pacte de stabilité interne, apparaît indispensable.
Plusieurs pays de l’Union européenne et de l’OCDE sont parvenus, dans la période récente, à redresser leur solde budgétaire et la situation de leurs comptes sociaux et à obtenir une réduction significative de leur endettement. La France pourrait chercher à s’inspirer de ces précédents, tout en veillant à les adapter à sa situation propre.
Le rétablissement sur moyen et long terme de la soutenabilité de la politique des finances publiques suppose une véritable maîtrise des dépenses de chacune des administrations publiques. Le rétablissement des comptes de la sécurité sociale, mettant fin à l’accroissement permanent de la dette sociale, le réexamen des dépenses d’intervention de l’État, la prise en compte des gains de productivité dans l’ensemble des administrations en sont les composantes prioritaires.
Seule une action résolue sur le niveau des dépenses permettra, au-delà de mesures propres à améliorer la gouvernance, d’assurer un redressement durable des finances publiques.
Annexes
Annexe I
Les administrations publiques (APU) : définition et périmètre
Les APU sont composées, en comptabilité nationale, de quatre sous-ensembles dont l’addition constitue le périmètre des finances publiques :
? l’État stricto sensu, c’est-à-dire l’ensemble des services ministériels, services centraux et unités déconcentrées confondus (31 % des dépenses des administrations publiques en 2005) ;
? les organismes divers d’administration centrale (ODAC). Au nombre de 800 environ, ils regroupent des structures de statut varié, souvent des établissements publics à caractère administratif dotés de la personnalité juridique, auxquels l’État a confié une compétence nationale spécialisée (6 % environ du total des dépenses des APU en 2005).
Les ODAC constituent, au regard de la comptabilité nationale, un sous-ensemble mais celui-ci se caractérise par la diversité de ses composantes. Les plus significatifs couvrent les domaines de l’action économique 95, des interventions sociales 96, du logement 97, de l’enseignement supérieur et de la recherche 98, de la culture 99 et de l’environnement 100. Parmi les ODAC, cinq ont un montant de dépenses ou de recettes supérieur à 4 Mde en 2005 : le FNH, le FNAL, la CADES, le CNASEA et l’AFITF.
L’État et les ODAC sont donc à l’origine d’un peu plus du tiers des dépenses des administrations ;
? les administrations de sécurité sociale (ASSO) comprennent, d’une part, les régimes d’assurance sociale incluant les régimes obligatoires de sécurité sociale, les régimes complémentaires et l’assurance chômage et, d’autre part, les « organismes dépendant des assurances sociales » (ODASS) : hôpitaux et œuvres sociales dotées d’une comptabilité séparée (en 2005, 43 % des dépenses totales des administrations publiques) ;
- les administrations publiques locales (APUL) intègrent les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics, sauf les hôpitaux 101. Certaines activités en régie en sont exclues lorsque le produit des ventes couvre plus de 50 % des coûts de production. À l’inverse, divers organismes d’administration locale, tels que les établissements publics locaux d’enseignement, les chambres d’agriculture, de commerce et d’industrie ou des métiers, font partie des APUL (19 % des dépenses publiques).
Annexe II - A
Les principaux concepts utilisés relatifs à la croissance économique
La croissance économique est mesurée par l’évolution du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la valeur ajoutée produite au cours de la période considérée (en général une année) par l’ensemble des acteurs économiques.
La « croissance potentielle » retrace l’évolution de la richesse nationale à utilisation inchangée des principaux facteurs de production (population active, productivité, équipements). Elle correspond à la croissance du PIB potentiel, qui est lui-même défini comme la production qu’une économie est capable de soutenir durablement sans générer de tensions correctrices, à la hausse ou à la baisse, sur l’évolution des prix.
La « croissance tendancielle » estime le rythme de progression du PIB qui résulterait de la projection sur longue période des performances constatées au cours des dernières années.
Annexe II - B
Les principaux concepts utilisés relatifs aux soldes budgétaires
? Le solde primaire retrace l’écart entre les recettes et les dépenses avant paiement des charges d’intérêts de la dette.
? Le solde structurel est calculé en neutralisant l’effet des recettes exceptionnelles et des variations liées à la conjoncture économique 102.
? Le solde stabilisant correspond au niveau de déficit pour lequel le niveau de la dette par rapport au produit intérieur brut reste stable. Il est calculé en faisant le produit du ratio dette sur PIB à fin N-1 par le taux de croissance du PIB en valeur au cours de l’exercice N.
Annexe III
TABLEAU Dépenses et recettes des administrations publiques
Annexe IV
TABLEAU Passage du résultat d’exécution des lois de finances au déficit au sens du protocole de Maastricht (base 2000)
Annexe V
Etat - Tableau d’ensemble 2005 (hors budgets annexes)
Annexe VI
TABLEAU Évolution des recettes de l’État de 2001 à 2005
Annexe VII – A
TABLEAU Progression des dépenses brutes et nettes de l’État
Annexe VII – B
TABLEAU Évolution du budget général de l’État de 2004 à 2005
Annexe VIII
Les « comptes » des administrations de sécurité sociale
Les comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO) sont établis selon les concepts de la comptabilité nationale et sur un champ large (incluant notamment les régimes complémentaires obligatoires et l’assurance chômage). Ces comptes découlent des comptes des organismes auxquels sont appliqués certains retraitements résultant notamment d’arbitrages avec les autres secteurs institutionnels. Ils sont une composante des comptes des administrations publiques qui sont notifiés à la Commission européenne.
Les comptes des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage sont conformes aux principes de comptabilité du secteur privé. Depuis le 1er janvier 2002, les comptes des organismes de sécurité sociale au sens strict (régimes de base et fonds de financement) sont présentés selon un plan comptable unique (le PCOSS). Une fois agrégés, ces comptes sont présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale et ils servent de base aux agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale (prévisions de recettes et objectifs de dépenses par branche).
Annexe IX
Les données relatives aux administrations publiques locales
Elles sont établies par l’INSEE. Au sein des APUL, celui-ci distingue deux sous-ensembles, les « collectivités locales », d’une part, les « organismes divers d’administration locale » (ODAL), d’autre part. En masse, les dépenses ou les recettes des collectivités locales, au sens de l’INSEE, représentent 80 % environ de celles des APUL. Bien évidemment, les opérations des APUL ne peuvent être simplement extrapolées à partir de celles des collectivités locales, comme le montre la comparaison des capacités ou besoins de financement.
Ces données résultent notamment des centralisations comptables réalisées par la DGCP. En début d’année, celle-ci centralise en particulier les balances comptables définitives 103 des collectivités territoriales, à l’exception de celles à statut spécial d’outre-mer, et des groupements de communes à fiscalité propre (GCFP). À partir de cette centralisation, la DGCP publie une synthèse qui porte sur les seules opérations des budgets principaux, à l’exclusion de celles des budgets annexes. Par ailleurs, les montants relatifs aux dotations de l’État enregistrés dans ces balances peuvent être différents de ceux retracés dans les comptes de l’État, notamment en raison de décalages de calendrier.
Au printemps 2006, la Cour dispose donc, sur les APUL en général, de données de l’INSEE provisoires pour 2005, semi-définitives pour 2004 104 et définitives pour les années antérieures 105 et, sur les collectivités locales en particulier, des données publiées par la DGCP dans les conditions précitées 106.
Annexe X
La contribution exceptionnelle des industries électriques et gazières
Quand une entreprise publique transfère à l’État ou aux administrations de sécurité sociale une charge qu’elle assumait jusqu’alors, l’opération peut être assortie du versement d’une contribution destinée à compenser l’excédent de charges qui en résulte.
À ce jour, de telles contributions - communément appelées « soultes » par référence au dispositif appliqué en droit civil pour assurer la neutralité d’un partage - ont toujours correspondu 107 au transfert du financement d’une partie des charges de retraite de fonctionnaires de l’État employés par des entreprises publiques, ou de salariés couverts par des régimes spéciaux de branche ou d’entreprise.
L’économie du dispositif ainsi mis en œuvre est la suivante :
? la réglementation communautaire fait obligation aux entreprises cotées et aux entreprises faisant publiquement appel à l’épargne de provisionner leurs engagements de retraite, respectivement à compter de 2005 et de 2007 ;
? lorsque les sociétés concernées n’ont pas la capacité d’inscrire dans leurs comptes les provisions nécessaires et que l’État n’a pas les moyens d’augmenter leur capital - ou ne souhaite pas le faire - pour leur permettre de les prendre en charge, on a recours généralement à la formule de l’adossement sur un autre régime existant ;
? dans le cas des industries électriques et gazières (I.E.G.), EDF n’ayant pas la capacité de constituer des provisions correspondant aux engagements de retraites des personnels de la branche (89 Mde à fin 2004), le Gouvernement a décidé d’adosser le régime spécial de retraite des I.E.G. au régime général de sécurité sociale et aux régimes de retraite complémentaire obligatoires (AGIRC et ARRCO). Ces régimes prennent désormais en charge financièrement une partie des prestations aux affiliés et perçoivent à ce titre une compensation, dite « soulte » ;
? le mode de comptabilisation retenu, conforme aux règles d’Eurostat, n’est, toutefois, pas satisfaisant compte tenu de la disparité de traitement de la contribution exceptionnelle, d’une part, et des engagements correspondants, d’autre part : en effet, la contribution est intégrée dans les comptes des administrations publiques, tandis que ne l’est pas sa contrepartie en termes d’engagements futurs, ainsi que la Cour l’a relevé dans son rapport sur les comptes de l’État pour l’exercice 2005 108.
Annexe XI - Comparaisons européennes
Les données comparatives des annexes XI-A à X-J fournissent, comme dans les rapports précédents, outre les moyennes communautaires (zone euro, UE-15 et UE-25), les données relatives à chacun des États membres de la zone euro, celles des trois États qui, à ce stade au moins, ont choisi de ne pas participer à l’euro (Danemark, Suède, Royaume-Uni) et, s’agissant des dix nouveaux États membres, pour des raisons de taille et de commodité de lecture des tableaux, celles des États dont les performances, en début et fin de période examinée, ont été, sur chaque point traité, les meilleures et les moins bonnes.
On y a ajouté, dans tous les cas, les données relatives à la Pologne, première des économies des dix nouveaux États-membres (le PIB polonais a presque rejoint, en 2005, celui de l’Autriche, 7e PIB de la zone euro).
Il est rappelé que ces nouveaux États membres, en poids global de PIB, ont représenté, en 2005, un peu plus de 5 % de la somme des PIB des 25 (soit, pour la première fois, un poids légèrement supérieur au PIB néerlandais, 5e PIB de la zone euro).
Au sein de la zone euro, le poids relatif des PIB a donné, en 2005, la répartition suivante : Allemagne (28,1 %), France (21,2 %), Italie (17,8 %), Espagne (11,3 %), huit plus petits États de la zone (21,5 %, soit plus que la France).
Dans l’Union à 25, l’Allemagne compte pour 21 % de la somme des PIB, la France et le Royaume-Uni pour 16 % chacun, l’Italie pour 13 %, l’Espagne pour 8 %, les huit plus petits États de la zone euro pour 16 % (comme la France) et l’ensemble des États de la zone euro, pris globalement, pour 74 %.
Sources des données utilisées : Eurostat, communiqué n° 48/2006 du 24 avril 2006 ; Commission européenne, Prévisions de printemps 2006 ; OCDE, Prévisions de printemps 2006.
Annexe XI – A
TABLEAU Deficits (ou excédents) publics (en % du PIB) (classement, au sein de la zone euro,par taille de solde public)
Annexe XI – B -
TABLEAU Soldes primaires (en % du PIB) (classement, au sein de la zone euro, par taille de solde primaire)
Annexe XI – C -
TABLEAU Soldes « corrigés des variations cycliques » puis « structurels » calculés par la commission (en % du PIB) (classement au sein de la zone euro, par taille de solde)
Annexe XI – D -
TABLEAU Soldes corrigés des variations cycliques calculés par l’OCDE (en % du PIB) (classement, au sein de la zone euro, par ordre alphabétique)
Annexe XI – E -
TABLEAU Dette publique (en % du PIB)(classement, au sein de la zone euro, par taille de dettes publiques)
Annexe XI – F -
TABLEAU Charges d’intérêts de la dette publique (en % du PIB)(classement, au sein de la zone euro, par niveau décroissant du poids des charges d’intérêts)
Annexe XI – G -
TABLEAU Emprunts d’État à 10 ans : rendements et écarts de rendementsobservés au sein de la zone euro
Annexe XI – H -
TABLEAU Dynamiques d’endettement : comparaison des données budgétairesà l’œuvre à la fin de 2005 (en % du PIB ou %)
Annexe XI – J -
TABLEAU Total des dépenses publiques (« gouvernement général ») (en % du PIB) (classement, au sein de la zone euro, par ordre décroissant du poids des dépenses publiques)
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Réponse du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministre délégué au budget et a la réforme de l’état,porte-parole du gouvernement
L’année 2005 est une année avant tout marquée par le respect de l’ensemble des engagements pris par le Gouvernement devant la Représentation nationale.
? Respect, et même au-delà, de l’engagement pris au niveau du déficit public (2,9 points de PIB au lieu de 3). Alors que les quatre plus grands pays de l’Union européenne dépassaient le seuil des 3 % de déficit public en 2003, la France est le seul à être repassé sous la limite des 3 % en 2005 ;
? Respect, et même au-delà, de l’engagement pris au niveau du déficit budgétaire (- 43,5 Mdse en exécution contre -45,2 Mdse en loi de finances initiale) ;
? Respect strict de la norme d’évolution de la dépense ;
? Respect et ce, pour la première fois depuis 10 ans, de l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM).
Les résultats auxquels nous avons donc abouti l’an passé renforcent au total la crédibilité de notre démarche de redressement des finances publiques, encore récemment réaffirmée par la conférence nationale des finances publiques.
Le rapport est marqué par l’accent fort mis par la Cour des Comptes sur le pilotage des finances publiques. La Cour souhaite que la dette publique soit mise au cœur du débat sur les finances publiques, que le pilotage des finances publiques associe davantage l’ensemble des administrations publiques, que ce pilotage soit fondé sur des objectifs de solde, que des règles de gouvernance nationales viennent compléter les règles communautaires.
Les orientations données par le Gouvernement, notamment depuis la parution du rapport Pébereau, sont en pleine cohérence avec ces principes.
Le Gouvernement, dans la foulée du rapport Pébereau, a réuni la Conférence nationale des Finances publiques, marquant ainsi l’émergence d’un pilotage plus collégial et plus structuré de l’ensemble de nos finances publiques. À cette occasion, le Premier Ministre a annoncé un engagement de désendettement qui sera formalisé lors du débat d’orientation budgétaire et qui constitue l’expression d’une véritable stratégie nationale des finances publiques, qui va bien au-delà de nos engagements communautaires. Tous ces éléments constituent des évolutions structurantes, qui répondent aux préoccupations de la Cour, et qui marquent l’émergence de la soutenabilité de long terme de nos finances publiques comme une priorité. Sur tous ces points, nous sommes très satisfaits de constater que la Cour partage nos orientations.
En revanche, nous tenons à marquer de manière solennelle notre surprise que la Cour conteste – et la presse s’en est d’ailleurs largement fait l’écho - la réalité du solde d’exécution budgétaire de l’État en 2005.
Nous regrettons que la sincérité des comptes de l’État en 2005 soit ainsi mise en cause, alors que le conseil constitutionnel, saisi sur la loi de finances 2005 comme sur la loi de finances rectificative, n’a pas contesté la sincérité de notre budget. Quant à Eurostat, qui a eu l’occasion d’examiner en détail les comptes publics de l’ensemble des États membres de l’Union européenne, il a confirmé le 24 avril le chiffre de 2,9 % pour notre déficit public.
La Cour conteste en particulier les modalités de comptabilisation de certaines opérations, et procède à ce titre à des retraitements ponctuels. Nous souhaitons d’emblée apporter des éléments de réponse sur ces points :
? le traitement, contesté par la Cour, du versement effectué par la CADES en recette budgétaire correspond à une pratique constante depuis que ces versements ont été institués en 1997 ;
? la reprise de dette du FFIPSA doit bien à notre sens être traitée en opération de trésorerie, dans la mesure où cette dette était héritée de l’ancien BAPSA, aujourd’hui disparu ;
? enfin, la modification des règles de versement de l’acompte de l’impôt sur les sociétés ne peut être considérée comme une opération exceptionnelle, dans la mesure où la modification des règles de calcul a un caractère pérenne. Elle constitue par ailleurs une mesure de modernisation de l’impôt.
Certains des arguments que nous développerons plus en détail par la suite ont été plusieurs fois portés à la connaissance de la Cour, notamment à l’occasion de la réponse que nous lui avons faite sur les projets de rapport sur les résultats et la gestion budgétaire en 2005 et les comptes 2005. Nous restons convaincus, pour notre part, de leur bien-fondé, malgré l’avis divergent qui est exprimé dans les rapports définitifs mentionnés précédemment et repris dans le projet de rapport qui nous est soumis.
1- Le désendettement est au cœur de notre stratégie de finances publiques
Le rapport Pébereau, commandé par nos soins, a mis la dette au centre du débat public. Les conclusions de ce rapport ont été largement reprises par le Premier Ministre en janvier lors de la première Conférence nationale des finances publiques.
Le rapport de la Cour va dans le sens d’un approfondissement de la pédagogie dans ce domaine, ce qui conforte les initiatives du Gouvernement sur ce sujet. Tout en rappelant les arguments « de base » permettant de saisir pleinement les enjeux du débat – conséquences macroéconomiques d’une insoutenabilité des finances publiques, équité intergénérationnelle, etc. –, il ajoute au débat plusieurs éléments utiles :
i. Une description précise de la répartition de la dette publique entre les différents organismes qui la portent. L’État porte aujourd’hui la plus grande part de la dette publique. Mais organismes de sécurité sociale et administrations publiques locales en détiennent chacun une part non négligeable (environ 100 Mde pour chacun de ces deux grands ensembles).
ii. Un éclairage sur la sensibilité des charges d’intérêt : le rapport illustre la vulnérabilité des comptes publics à une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Cependant, l’idée que la France serait par rapport à d’autres pays comparables « plus exposée à un renchérissement du coût de la ressource » n’est pas étayée.
iii. Les développements, tels que l’approche en termes de « point mort » de la dette publique ou la proposition qui, au-delà de la seule comptabilisation de la dette financière, vise à rapprocher actif et passif des administrations publiques, constituent autant de pistes qu’il conviendrait d’explorer plus avant dans le cadre du débat sur l’assainissement des finances publiques.
D’ores et déjà, les objectifs ont été fixés de façon claire par le Gouvernement dans le cadre de la première Conférence nationale des finances publiques. L’accent a été mis sur la réduction de l’endettement, avec pour but de revenir sous la barre de 60 points de PIB à l’horizon de 2010. Cet « engagement national de désendettement » sera confirmé lors du débat d’orientation budgétaire au Parlement. Dans cette perspective, l’objectif est de parvenir dès 2006 à une réduction d’au moins 2 points de PIB du ratio de dette publique.
2- Le Gouvernement maintient que la trajectoire sur laquelle il s’est engagé dans le programme de stabilité et de croissance sera tenue
La Cour qualifie d’« ambitieux » et « volontaristes » les objectifs du programme de stabilité. Ambitieux, oui. Volontaristes également. Mais aussi réalistes.
En 2005, le Gouvernement a respecté ses engagements. Ainsi, avec une conjoncture moins favorable que prévu, l’objectif de déficit a été tenu.
La France est même le seul des quatre grands pays de l’Union européenne (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni) à être repassé sous la limite des 3 % de déficit public. Le rapport de la Cour contenant de nombreuses comparaisons internationales, celle-ci mériterait d’être relevée.
Le programme de stabilité repose par ailleurs sur des hypothèses de croissance prudentes alors même que la stratégie économique du Gouvernement, visant à augmenter notre croissance potentielle jusqu’à 3 %, porte ses fruits. Le scénario bas table sur une croissance de 2,25 % (2,5 % dans les programmes précédents), soit l’estimation actuelle de la croissance potentielle. L’objectif de décrue de la dette en-deçà du seuil des 60 % à horizon 2010 est assuré sous les deux hypothèses de croissance. Dans le scénario haut (croissance de 3 %), l’objectif sera atteint plus tôt, les fruits de la croissance étant affectés au désendettement.
La stratégie de réduction de l’endettement des administrations publiques, présentée dans le programme de stabilité, repose sur une évolution de la dépense publique qui, comme le rapport le souligne, rompt avec les tendances passées. Mais, le rapport le rappelle, d’autres pays ont effectué des ajustements de même ampleur, sans que cela n’affecte la croissance. Ces objectifs de maîtrise de la dépense ne sont pas hors de portée, nous pouvons les atteindre. Le respect de la norme de dépenses sur l’État depuis 2003 en témoigne. L’engagement de préparer, pour la première fois, un budget de l’État dont les dépenses augmenteront d’un point de moins que l’inflation également.
3- L’amélioration de la gouvernance des finances publiques
La Cour met l’accent sur la nécessité de piloter de manière cohérente et coordonnée l’ensemble des finances publiques, qui concernent non seulement l’État, mais aussi les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales.
Il s’agit là d’un point essentiel sur lequel le Gouvernement met fortement l’accent. La création de la Conférence nationale des finances publiques et du Conseil d’orientation des finances publiques représente une évolution majeure dans la mise en place d’une stratégie pluriannuelle et collégiale de finances publiques. Il nous semble à cet égard que le rapport de la Cour n’insiste pas suffisamment sur ce point. En effet, la première Conférence nationale des finances publiques constitue une avancée décisive dans la façon d’appréhender de manière globale la problématique des finances publiques. Sans nier les spécificités de chaque catégorie d’administration publique, il est essentiel de fixer des rendez-vous réguliers où est examinée la cohérence d’ensemble des équilibres financiers et où des décisions convergentes peuvent être prises. La composition de la Conférence et du Conseil d’orientation permettent un dialogue élargi entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, les partenaires sociaux et les responsables des administrations publiques. Chaque acteur peut ainsi s’approprier les problématiques liées aux finances publiques.
D’autres progrès en matière de gouvernance des finances publiques ont été réalisés dans de nombreux domaines ; à ce titre, ils auraient mérité d’être mieux mis en valeur dans le rapport de la Cour.
i. Avec l’entrée en application, selon le calendrier prévu, de la LOLF, plusieurs dispositifs de pilotage des finances de l’État ont ainsi été créés ou renforcés :
• un meilleur encadrement de l’usage des surplus de recettes fiscales avec l’obligation (art. 34 de la LOLF modifié à cet effet en 2005) de faire figurer en loi de finances les modalités selon lesquelles seront utilisées les plus-values de recettes susceptibles d’être constatées en cours d’année. Nous nous sommes engagés, notamment lors de la Conférence de presse du 19 mai, à ce que des dispositions analogues figurent dans les prochaines lois de finances ;
• une plus grande prévisibilité de la régulation budgétaire avec l’article 51 de la LOLF ;
• la nouvelle procédure budgétaire, avec le séminaire Gouvernemental qui donne « à la procédure une dimension collégiale en amont des conférences budgétaires » ; l’instauration des réunions d’économies structurelles et des phases performance est à juste titre saluée par la Cour.
• la réforme du contrôle financier, qui doit permettre « une meilleure prise en compte, au stade de la gestion infra-annuelle, de préoccupations d’équilibre et de redressement de finances publiques ».
ii. Les avancées en matière de pilotage des finances sociales mériteraient également d’être rappelées dans le rapport. L’adoption de la LOLFSS permet plus de transparence et de sincérité dans les PLFSS : l’ONDAM acquiert une dimension pluriannuelle. Plus fondamentalement, des garanties sont imposées afin d’assurer que d’éventuels transferts de dette sociale à la CADES ne se traduisent pas par un allongement de la durée de vie de cet organisme.
Enfin, nous vous indiquons que les groupes de travail interadministratifs mis en place à l’issue de la Conférence nationale des finances publiques du 11 janvier dernier ont proposé de nouvelles mesures pour améliorer la gouvernance des finances sociales, qui seront annoncées à l’occasion du débat d’orientation budgétaire.
4- Les chantiers ouverts par le Gouvernement pour l’amélioration des outils de pilotage :
La Cour propose, en particulier, d’adapter la norme de dépense, notamment en y incluant les dépenses fiscales. Le MINEFI accorde déjà une attention particulière aux dépenses fiscales : cette année, dans le cadre de la préparation du PLF 2007, elles ont fait, pour la première fois, l’objet d’une revue systématique et ont donné lieu à une réflexion spécifique en matière de performance. De plus, avec la mise en place de la LOLF, même si les dépenses fiscales ne sont pas incluses dans la norme de dépense, elles figurent dans les projets annuels de performance au même titre que les dépenses budgétaires qui concourent aux mêmes objectifs. Si l’introduction des dépenses fiscales dans la norme de dépenses est techniquement réalisable, ce qui n’est pas assuré, nous n’y verrons, néanmoins que des avantages.
La Cour appelle également de ses vœux une amélioration des prévisions de recettes : il s’agit d’un sujet technique délicat qui fait l’objet d’une attention particulière de nos services. Ces dernières années, malgré une conjoncture en retrait, les recettes ont été particulièrement dynamiques. En la matière, les incertitudes restent fortes et travailler ex ante sur le PIB, comme le recommande la Cour, ne paraît pas de nature à améliorer la qualité des prévisions : il existe une forte volatilité de l’élasticité des prélèvements obligatoires entre la prévision ex ante et le résultat ex post. L’expérience des dernières années semble au contraire pleinement légitimer l’approche retenue par nos services d’une prévision de recettes « poste par poste », se fondant sur la dynamique propre des assiettes de chaque impôt : ainsi, la composition de la croissance, et notamment le dynamisme de la demande intérieure, joue fortement sur les rentrées de TVA ; les cours boursiers et les prix de l’immobilier ont également afecté les impôts patrimoniaux au cours des années récentes.
La Cour propose d’adopter des critères nationaux de soutenabilité et de mettre le solde au cœur du pilotage des finances publiques. Des progrès ont été faits dans ce sens à la suite de la publication du rapport Pébereau et avec la Conférence nationale des finances publiques : la réduction de la dette publique est un objectif prioritaire, dans un souci d’équité intergénérationnelle. L’engagement national de désendettement, qui sera présenté lors du débat d’orientation budgétaire dans les prochains jours, formalisera cet objectif, notamment en termes de solde. Il s’agit bien là d’une véritable stratégie nationale en matière de finances publiques, fixée par le Premier ministre. Calée sur le souci d’assurer la soutenabilité de long terme des finances publiques, cette stratégie va au-delà des exigences communautaires et répond aux souhaits de la Cour.
La Cour souhaite enfin que soient clarifiés le rôle et les responsabilités des collectivités locales – on peut regretter à cet égard que le rapport ne formule pas davantage de propositions concrètes sur ce point. Le Gouvernement, conscient de cette nécessité, a donné mandat au groupe de travail sur les finances locales, mis en place à la suite de la Conférence nationale des finances publiques, pour faire des propositions en ce sens. Ce travail de longue haleine, qui suppose à la fois un plus grand respect des libertés locales et une revue des modes de financement actuels, devra s’inscrire dans la durée. Mais le dialogue avec les collectivités locales est désormais établi non plus seulement dans le cadre des relations financières bilatérales État-Collectivités locales, mais bien dans celui d’un pilotage global des finances publiques.
5- La mise en œuvre de réformes structurelles est au cœur de l’action du Gouvernement
Dans son rapport, la Cour insiste sur la nécessité d’entreprendre des réformes structurelles afin d’assainir les finances publiques : « pour indispensable qu’elle soit, une nouvelle gouvernance des finances publiques ne pourra, à elle seule, suffire à redresser la situation. ». C’est pourquoi le Gouvernement a entrepris en 2003 et 2004 deux importantes réformes des retraites et de l’assurance-maladie. Ces réformes ont permis de réduire d’environ 2 points de PIB l’écart de financement actualisé des régimes sociaux. Sur l’assurance-maladie, les efforts ont été poursuivis avec de nouvelles mesures en LFSS 2005 ; quant aux retraites, un point d’étape est prévu en 2008.
Le Gouvernement est tout à fait conscient que certaines dépenses, notamment les dépenses d’assurance-maladie, ne peuvent être payées par les générations futures. Remédier à l’anomalie de la dette sociale est un objectif, un devoir envers les prochaines générations.
Plusieurs mesures, au-delà de la réforme précitée, ont d’ores et déjà été prises en ce sens :
• La LOLFSS prévoit que tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) devra être accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale.
• Le programme de stabilité 2007-2009 prévoit un retour à l’équilibre de la branche maladie dès 2008 et du régime général dès 2009.
• Enfin, la gestion de la dette de la CADES, et plus généralement celle de l’ensemble des administrations publiques, sera optimisée, comme cela a été annoncé lors de la conférence de presse du 19 mai.
La Cour rappelle l’importance des dépenses de personnel (44 % pour l’État y compris pensions, 32 % hors pensions) et le contexte démographique extrêmement favorable à la réduction des effectifs (d’ici 201 5, 45 % des personnes actuellement en poste sera parti à la retraite). Le rapport rappelle que des gains de productivité doivent être recherchés au plus vite. Des outils en ce sens sont déjà en place :
• La LOLF, en introduisant une mesure de la performance et la justification au premier euro (notamment en dépenses de personnel), constitue un levier important afin de réduire les effectifs de la fonction publique, tout en continuant d’améliorer la qualité du service rendu.
• Les audits de modernisation constituent quant à eux un instrument au service de la réforme totalement inédit dans l’État, de par leur fréquence, puisqu’un audit est lancé par ministère tous les deux mois, de par leur caractère opérationnel, puisqu’ils débouchent sur des propositions de mise en œuvre très concrètes, et enfin de par leur transparence, puisque tous les rapports sont publiés sur un site internet spécialement dédié à cet effet. Il s’agit en pratique de mandater, en accord avec le ministère concerné, les inspections et, le cas échéant des consultants, afin d’auditer une organisation, une procédure, une fonction ou un dispositif d’intervention et de formuler des recommandations qui permettraient d’en améliorer la performance. D’ici l’été, 100 audits auront ainsi été réalisés, portant sur 100 milliards de dépenses, avec pour effet de mettre en évidence les gains de productivité réalisables sans aucune altération de la qualité du service rendu aux usagers.
6- Une exécution 2005 sincère, marquée par un respect de la norme de dépense et par le retour du solde public sous le seuil de 3 %
6a) Au-delà des changements de périmètre recensés dans la loi de finances pour 2005, la Cour estime que d’autres mesures affectant la comparaison des exercices budgétaires auraient dû être identifiées comme telles dans les documents budgétaires. A l’appui des exemples mis en avant, la Cour tire la conclusion que le montant des dépenses de l’État a progressé en réalité de +0,5 % au-delà de l’inflation prévisionnelle et, par conséquent, que la norme de progression des dépenses affichée par le Gouvernement n’a pas été respectée.
L’analyse que la Cour fait des mesures incriminées nous paraît contestable dans la mesure où chacune de ces dispositions a conduit à réduire effectivement les charges inscrites sur le budget de l’État.
• La refonte du prêt à taux zéro a conduit à la création d’un crédit d’impôt en faveur des établissements de crédit. Cette nouvelle modalité de financement est amenée à remplacer, de manière durable et selon un cadre profondément rénové, une dépense précédemment inscrite dans le budget.
La réforme ne s’est pas, en effet, limitée à une modification du mode de financement du prêt à taux zéro mais elle en a également revu en profondeur les modalités techniques qu’il s’agisse de la redéfinition du zonage du territoire en métropole, de son élargissement à de nouveaux types d’opérations, du renforcement des conditions portant sur les normes et les caractéristiques des logements financés ou de la modification des plafonds de ressources.
Cette réforme conduit incontestablement à une réduction des charges de l’État. Aussi nous apparaît-il difficilement concevable de retraiter comme charges une moindre recette fiscale liée à la mise en œuvre du crédit d’impôt.
Ce traitement serait d’autant moins fondé que coexisteront sur plusieurs exercices une dépense budgétaire correspondant à l’ancien dispositif, en extinction, et une dépense fiscale, nouvelle, qui monte en puissance. La différence de profil entre ces deux dispositifs ne permettrait pas, en outre, d’isoler, au sein de la dépense fiscale, la part correspondant au périmètre précédemment couvert par la dépense budgétaire.
• La Cour conteste, par ailleurs, le mode de traitement de la réduction de la dotation au titre de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). L’affectation au fonds CMUC de taxes en lieu et place d’une subvention d’équilibre participe avant tout d’une politique de clarification de son mode de financement.
Il peut être d’abord observé qu’il existe un lien plus étroit entre les dépenses du fonds et les recettes qui lui sont désormais affectées (droits sur les tabacs et sur les alcools) qu’avec l’essentiel des recettes du budget de l’État, qui assuraient la subvention d’équilibre versée au fonds. Dans le même esprit, à partir de 2006, l’intégralité des droits sur les alcools et la quasi-totalité des droits sur les tabacs sont affectés aux organismes sociaux.
La mesure présente, au surplus, un intérêt réel pour le fonds. Par construction, le montant de la subvention est établi, en raison des contraintes de calendrier, à un moment où la dépense est encore incertaine. L’affectation directe de taxes, dont le dynamisme est assez proche de la dépense et qui, de surcroît, sont disponibles pour le fonds au fur et à mesure de l’année, permet de couvrir plus aisément en cours d’année les écarts entre prévisions et réalisations de dépenses.
Comme rappelé dans l’exposé des motifs de l’article 56 de la loi de finances pour 2006, l’objectif a bien été, au final, d’assurer la neutralité financière pour la CNAM, le fonds CMUC, les régions et l’État de plusieurs opérations concomitantes.
• La Cour reproche également la comptabilisation de la suppression des dotations budgétaires versées aux régions en matière d’apprentissage dans la détermination de la norme de dépenses.
Cette mesure a été contrebalancée par la création d’une contribution au développement de l’apprentissage acquittée par les entreprises assujetties à la taxe d’apprentissage et reversée intégralement aux régions. Elle ne peut donc en aucun cas s’analyser comme un transfert net de charges de l’État sur une autre administration publique. À ce titre, elle représente une économie nette non seulement sur le budget de l’État, mais aussi sur celui de l’ensemble des administrations publiques.
• Le remplacement des exonérations de la redevance audiovisuelle par des dégrèvements ne nous paraît pas non plus constituer une mesure de périmètre.
• La profonde réforme de la redevance audiovisuelle mise en place dans la loi de finances pour 2005, qui repose, notamment, sur son adossement à la taxe d’habitation, a conduit à supprimer le dispositif d’exonération alors en vigueur pour permettre son plein alignement sur le dispositif de dégrèvement existant pour la taxe d’habitation. Dès lors, ces dégrèvements ne sauraient être assimilés aux anciennes exonérations qui figuraient en dépenses au budget de l’État.
6b) La Cour suggère qu’au-delà des changements de périmètre qui, s’ils avaient été identifiés comme tels selon son analyse, auraient eu pour effet de contraindre davantage la norme de dépenses, des initiatives ont été délibérément prises pour alléger encore cette contrainte en exécution. Deux exemples sont cités qui appellent, de notre part, les éléments de réponse suivants.
• La modification du régime d’assujettissement à la TVA des établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) en 2005 n’a pu être prise en compte lors de la construction du projet de loi de finances.
La complexité du travail d’évaluation du droit à déduction de TVA des EPST, redevables partiels, et du montant de compensation à verser par l’État afin de compenser la charge nouvellement créée n’a pas permis d’obtenir de données stabilisées pour l’ensemble des EPST dans des délais compatibles avec la préparation du projet de loi de finances.
Le principe de neutralité du changement de régime qu’il convenait d’observer pour les EPST a imposé de procéder à cette évaluation de façon itérative. Une première évaluation a conduit à inscrire dans les budgets primitifs pour 2005 des établissements l’impact de la nouvelle charge sur la base des comptes financiers de 2003, modifié en cours de gestion sur la base des comptes financiers de l’année 2004.
Les travaux n’ont pu ainsi être achevés qu’au cours de l’exercice 2005. Un changement de périmètre est à ce titre renseigné dans la loi de finances pour 2006, qui tient compte d’une ultime réévaluation basée sur les dernières prévisions réalisées par les établissements.
• Les termes du décret portant création de l’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) prévoient que l’établissement a pour mission de concourir au financement de projets d’intérêt national ou international relatifs à la réalisation ou à l’aménagement d’infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou portuaires ainsi qu’à la création ou au développement de liaisons maritimes régulières de transport de fret.
• La Cour considère que la prise en charge par l’AFITF d’opérations routières ressortissant aux contrats de plan État-régions n’est pas régulière au regard de son objet. De notre point de vue, la contractualisation du financement d’une opération ne fait pas obstacle à sa prise en charge par l’AFITF dès lors que celle-ci répond aux exigences posées par le décret c’est-à-dire dès lors que son intérêt national est avéré. La plupart des opérations routières financées sur le budget de l’AFITF et, notamment, les subventions aux autoroutes concédées font ainsi l’objet de cofinancements de collectivités territoriales. Le transfert à l’AFITF de la charge du volet routier des contrats de plan État-régions est, par conséquent, légitime.
6c) La Cour fait état d’une « accumulation de retards de paiement ». Elle en déduit que le montant des dépenses budgétaires exécutées en aurait été ainsi minoré.
Au-delà des montants avancés par la Cour, sur lesquels nous ne pouvons pas nous prononcer dans l’attente du recensement en cours des charges à payer en vue de la préparation du bilan d’ouverture, nous soulignons qu’il doit être fait une distinction entre les dettes nées d’exercices passés, qui ne sauraient affecter le solde de l’exercice 2005, et celles relatives à cette dernière année.
Nous tenons enfin à faire remarquer que les délais matériels d’envoi des factures, de leur traitement et de leur paiement induisent inévitablement des décalages frictionnels entre la comptabilité des organismes et celle de l’État. Il en va ainsi de la compensation de certains dispositifs sociaux aux organismes de sécurité sociale.
6d) La Cour consacre un long développement aux mesures, jugées exceptionnelles, tenant aux modalités de gestion ou de comptabilisation budgétaires que le Gouvernement a mises en œuvre pour limiter le déficit d’exécution.
Comme nous l’avons déjà indiqué à la Cour dans une précédente réponse, la conduite de la politique budgétaire a été marquée par des efforts importants et, à certains égards, exceptionnels en 2005 pour atteindre les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés devant la représentation nationale et nos partenaires européens.
La réalisation de ces objectifs a reposé, en dépenses, sur la mise en œuvre des mesures de régulation strictement nécessaires. Elle nous a conduits, de la même façon, à mobiliser des recettes supplémentaires dans le respect, naturellement, de la règle de droit.
Cette mobilisation s’est accompagnée du souci d’améliorer certaines dispositions fiscales. C’est à ce titre que les modalités de versement du dernier acompte de l’impôt sur les sociétés ont été modifiées, et ce de manière pérenne.
Les acomptes provisionnels versés par les entreprises prenaient jusqu’alors pour base de calcul le résultat de l’exercice antérieur. La loi de finances rectificative pour 2005 a imposé aux très grandes entreprises de retenir désormais le montant du bénéfice prévu pour l’année en cours pour déterminer la valeur du dernier acompte.
Il s’agit d’une mesure de modernisation du régime de l’impôt sur les sociétés qui rapproche le paiement de l’impôt de la réalité économique sur laquelle il est assis. Elle permet ainsi de se rapprocher en pratique de la notion de droits constatés.
Dans la mesure où la loi de finances rectificative pour 2005 institue un dispositif pérenne à compter du 1er janvier 2006, dont elle ne fait qu’anticiper la mise en œuvre en 2005, il n’y a pas de lieu de considérer comme exceptionnelle la recette perçue l’année dernière.
6e) La Cour maintient dans son projet de rapport les critiques formulées sur le traitement de la reprise de provision afférente au droit à la prime d’État sur le plan d’épargne populaire (PEP), la reprise d’une partie de la dette du fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA) et la comptabilisation du remboursement à l’État de 3 Mde par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Nous souhaitons rappeler sur ces sujets les éléments d’explication suivants.
• L’article 109 de la loi de finances pour 1990, qui institue le PEP, a créé le compte n° 167 de la dette non négociable de l’État. Le plan d’épargne populaire ouvre droit au remboursement des sommes versées et de leurs produits capitalisés ou au paiement d’une rente viagère. Il ouvre droit, par ailleurs, sous certaines conditions à des avantages fiscaux et, pour les plans ouverts avant le 22 septembre 1993, à une prime d’épargne d’État.
Les primes à verser par l’État ont été provisionnées de 1993 à 1997 en charges budgétaires prévisionnelles. Il a été ouvert, parallèlement, un compte de trésorerie dans la comptabilité de l’État crédité des sommes prévisionnelles et débité, le cas échéant, du montant des primes effectivement payées.
Les dernières primes d’État sont arrivées à échéance le 1er janvier 2003 et seront prescrites dans un délai de 4 ans en application de la loi du 31 décembre 1968. Dans ce cadre, il a été décidé en loi de finances pour 2005 de reprendre un montant provisionné de 652 Me (pour un encours total sur le compte de 816,9 Me au 31 décembre 2004).
Cette recette s’assimile, dans le cadre de l’ordonnance du 2 janvier 1959, à une recette budgétaire puisqu’il s’agit de constater qu’une réserve de trésorerie relative à une charge budgétée n’a pas donné lieu in fine à la dépense budgétaire prévue. Il est donc justifié de majorer en conséquence le solde budgétaire de l’excédent de trésorerie du compte n° 167 qui ne donnera jamais lieu à une dépense effective.
Au total, une charge budgétaire excessive a été constatée antérieurement ; une recette est constatée à due concurrence de cet excès en 2005. Il s’agit d’un mécanisme symétrique dont la critique apparaît infondée. Le raisonnement que tient la Cour pourrait même être porteur d’effets pervers. Poussé à son terme, il pourrait conduire l’État à cesser de provisionner la charge budgétaire de l’indexation des OATI, alors que ce dispositif s’avère particulièrement vertueux.
• La Cour critique les conditions dans lesquelles l’État a repris la dette contractée pour le compte du fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA). Dès lors que le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), dont cette dette était héritée, n’avait plus d’existence depuis sa suppression au 31 décembre 2004, il s’avérait impossible, en pratique, de couvrir cette opération par une autorisation budgétaire. La reprise d’une partie de la dette du FFIPSA ne pouvait donc que constituer une opération de trésorerie.
Cette mesure permet, au demeurant, d’apurer la situation financière du régime de protection sociale agricole, qui nécessitera d’être complétée, pour assurer pleinement son équilibre, par des mesures portant à la fois sur les recettes et les dépenses.
• Conformément à une pratique constante depuis 1997, le remboursement de la CADES est imputé en recette non fiscale du budget général. Il ne saurait être fait reproche au Gouvernement, en vertu du principe comptable de permanence des méthodes, de remettre en cause le mode de comptabilisation qui a jusqu’à présent prévalu. Subsidiairement, cette recette a effectivement été encaissée conformément à la loi ; le Gouvernement ne pouvait donc que la comptabiliser.
Au total, compte tenu des éléments que nous vous avons présentés, celles des opinions de la Cour qui conduisent à opérer des retraitements sur le solde 2005 n’apparaissent pas justifiées.
En définitive, l’année 2005 a été une année utile pour le redressement des finances publiques : le Gouvernement a été au rendez-vous de tous les engagements pris, notamment en matière de réduction du déficit public sous 3 % et de maîtrise de la dépense publique. Il est déterminé à poursuivre ces efforts en particulier dans le domaine du désendettement, grâce notamment aux nouveaux outils de gouvernance des finances publiques qui ont été mis en place. Dans ce contexte, les recommandations de la Cour des Comptes sont une contribution très utile pour progresser davantage.
Liste des rapports publiés par la Cour des comptes en 2005 et 2006
* Rapport public annuel (février 2005) * Rapport public annuel (février 2006)
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2004 (juin 2005) :
Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire Rapport sur les comptes de l’État
Rapport préliminaire au débat d’orientation budgétaire
* Rapports sur l’exécution des lois de finances pour l’année 2005 (mai 2006) :
Résultats et gestion budgétaire de l’État – Exercice 2005 Les comptes de l’État – Exercice 2005
* Rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale (septembre 2005)
Rapports publics thématiques :
Le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs (janvier 2005)
La Banque de France (mars 2005)
Les transports publics urbains (avril 2005)
La gestion de la recherche dans les universités (octobre 2005) Les personnes âgées dépendantes (novembre 2005) L’intercommunalité en France (novembre 2005)
Garde et réinsertion - la gestion des prisons (janvier 2006)
L’évolution de l’assurance chômage : de l’indemnisation à l’aide au retour à l’emploi (mars 2006)
Les personnels des établissements publics de santé (avril 2006)
* Contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique
Rapport d’observations définitives sur les comptes d’emploi 1998 à 2002 des ressources collectées auprès du public par l’association pour la recherche sur le cancer - ARC (février 2005)
Pour les tableaux et graphiques voir PDF