Chronique d’une dégringolade annoncée : l’impact de la crise immobilière sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a produit l’effet attendu sur les finances départementales. Les recettes issues de cet impôt ont enregistré une chute de 21,9 % en 2023, selon le cinquième baromètre de l’Agence France locale. La dynamique de la TVA ne suffit pas à compenser la perte de 3,2 Mds€ : les impôts indirects ont rapporté 53,3 Mds€, soit une baisse de 3,5 %. « La période dorée des budgets départementaux est close », conclut Yann Doyen, directeur des engagements de la banque des collectivités locales.
Tour de vis sur les aides aux communes
Les investissements s’en ressentent : les 13 Mds€ dépensés en 2023 traduisent une progression de 2,6 % en un an, au lieu de 7,9 % en 2022. Alors que la plupart des programmes qui relèvent des compétences départementales se poursuivent, notamment dans les routes et les collèges, les principales victimes de cet infléchissement se recrutent parmi les communes. Les subventions à leur profit servent de variables d’ajustement, compte tenu de l’impossibilité de rogner sur les dépenses sociales départementales.
Pour encaisser ce choc, le bloc communal conserve des marges de manœuvre. Yann Doyen explique cette autre leçon majeure du baromètre annuel de l’AFL : « Si le maires n’ont pas obtenu l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, ils ont pu se rattraper grâce à la revalorisation des bases fiscales ». Cet indicateur a progressé de 7,1 % en 2023, et de plus de 10 % au cours des trois dernières années, selon une trajectoire « qui fait supporter le poids de l’inflation par le contribuable », commente le directeur des engagements.
Les stations touristiques reprennent des couleurs
Cette évolution favorable aux finances du bloc communal se ressent même dans ses composantes qui, l’an dernier, donnaient des signes de fragilité : les villes moyennes, qui peinaient à assumer leurs charges de centralité, sortent de la nasse. Les territoires touristiques réduisent leur handicap structurel, lié à des équipements supportés par un petit nombre d’habitants, et calibrés pour les périodes de forte affluence.
Les établissements publics de coopération intercommunale améliorent leur note de 4,3 %. Deux sous-ensembles situés aux extrêmes démographiques connaissent les situations les plus enviables : les métropoles et les communes de moins de 500 habitants.
Les régions au pied du mur
Défavorables aux départements et positives pour le bloc communal, les deux évolutions les plus remarquables tracées par l’AFL coulent de la même source désignée par Yann Doyen : « La nationalisation de la fiscalité locale, consécutive à la suppression de la taxe d’habitation et à ses effets en cascade ». Cette marque de fabrique de la présidence Macron produit aussi ses effets sur les finances des régions, affectées par la baisse structurelle des mobilités carbonées qui alimentent la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Conséquence d’une épargne brute en baisse de 5,5 % qui atteint 5,9Mds€, la note de cette famille de collectivités se dégrade de 12,6 %, passant de 3,24 à 2,87. Sans susciter, à court terme, des inquiétudes comparables à celles que connaissent les départements, cette évolution pose la question du financement de la transition écologique.
Modélisation verte à l’étude
Compte tenu de leur rôle clé dans la décarbonation des mobilités, le verdissement de l’industrie et la protection de la biodiversité, les régions peuvent s’attendre à se heurter de front au mur d’investissement dressé par les engagements environnementaux de la France.
« Pour atténuer le choc, les progrès récents sur la voie de la pluriannualité des soutiens financiers de l’Etat allaient dans le bon sens », rappelle Yann Doyen. Mais ces signaux rassurants résisteront-ils au séisme politique né de la dissolution de l’Assemblée nationale ? A défaut de pouvoir répondre à cette question qui sort de ses compétences, l’AFL annonce la gestation d’un outil de modélisation des impacts des dépenses climatiques. Les algorithmes s'appuieront sur le traitement de 40 ans de budgets locaux.