Interview

Finances : « les investissements ont triplé en cinq ans », Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires

Transition énergétique, rénovation massive, accompagnement de la réindustrialisation… sont autant de projets de la filiale de la Caisse des dépôts.

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Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires

Alors que La Banque des territoires s'apprête à fêter ses cinq ans d'existence, comment s'est déroulée l'année 2022 ?

Plus de 460 projets sont sortis de terre notamment grâce à l'accompagnement de la Banque des territoires qui a investi 2 Mds €, soit trois fois plus que ce qu'elle était en capacité de faire en 2018, à sa création. 2022 aura été une très bonne année, marquée par la fin de plusieurs programmes. Une des actions concrètes menées grâce à notre contribution au Plan de relance est la construction de 84 400 nouveaux logements abordables et 79 300 rénovations pour un financement de 10,9 Mds €.

Nous achevons également le déploiement du réseau de fibre optique très haut débit à destination des territoires ruraux.

Actuellement, 7,8 millions de ménages sont raccordés sur un objectif de 10 millions d'ici à 2025. Nous sommes aussi présents dans le domaine des énergies renouvelables (EnR), puisque nous finançons 20 % de la puissance développée chaque année, avec une part croissante de l'éolien et du solaire. En cinq ans, nous avons accompagné le développement de 3 600 GWh, soit l'équivalent de la puissance produite par la centrale nucléaire de Tricastin.

Attractivité des prêts en berne, augmentation des effectifs… que répondez-vous au rapport en demi-teinte de la Cour des comptes, qui salue l'ambition de la Banque des territoires, mais invite à accélérer ?

En cinq ans, nous avons augmenté nos effectifs de 16 % et multiplié par trois le volume des investissements. C'est un bon ratio ! Concernant l'attractivité des prêts, nous jouons un rôle contra-cyclique. D'ailleurs, nos prêts gagnent encore en attractivité puisque les taux d'intérêt sur le marché sont en train d'augmenter alors que les nôtres sont indexés sur le taux du livret A, majoré de quelques pour cent.

Les agréments de logements sociaux pour 2022 s'établissent sous le seuil des 100 000 unités. L'activité de prêts à la rénovation prend-elle le pas sur celle de la construction ?

Les bailleurs sociaux sont nos premiers clients. Notre rôle premier et historique consiste à financer leurs opérations. Avec 11,5 Mds € prêtés en 2022, l'activité liée aux HLM a connu une relative stabilité, - 2 % par rapport à 2021, et ce malgré un contexte fortement dégradé dans le secteur immobilier.

D'ailleurs, 2022 n'a pas été une bonne année en termes de construction de logements sociaux. Les organismes HLM font face aux mêmes difficultés que les promoteurs immobiliers : permis de construire délicats à obtenir, élus en difficulté face à l'objectif de zéro artificialisation nette, hausse des prix de l'énergie, augmentation des coûts des matériaux et donc, de construction. Malgré cela, l'activité de rénovation énergétique, qui vise essentiellement la résorption des passoires, se porte bien. En 2022, nous avons signé 840 M€ d'écoprêts, un chiffre en progression de 33 % par rapport à l'année précédente.

A contrario, les collectivités locales ont du mal à financer la rénovation énergétique de leurs bâtiments publics, faute de moyens financiers. Comment la Banque des territoires peut-elle les aider ?

Quand les collectivités affirment qu'elles manquent de financements, elles veulent surtout dire qu'elles manquent de subventions ! L'année dernière, 33,5 Mds € de dépôts ont été faits sur le livret A et le LDDS. Quelque 1,2 Md € ont été prêtés aux collectivités dont 160 M€ spécifiquement pour la rénovation énergétique de leurs bâtiments publics. Et en février 2023, la collecte s'est élevée à 8,17 Mds €. Les financements sont là. Le rapport du député Jean-René Cazeneuve [relatif à la situation comptable des collectivités en 2022, publié en mars 2023, NDLR] indique que les collectivités locales se portent de mieux en mieux. Leur endettement a été réduit et leur trésorerie est parfois même en hausse. Le fait est qu'elles ne sont pas enclines à emprunter sur le long terme, ce qui est pourtant une solution adaptée aux enjeux.

« Les collectivités locales ne sont pas enclines à emprunter sur le long terme, ce qui est pourtant une solution adaptée aux enjeux. »

Suite à l'adoption de la proposition de loi ouvrant le tiers-financement aux collectivités locales pour la rénovation énergétique, comptez-vous déployer à leur attention une activité complémentaire ?

Nous leur proposons déjà du tiers-financement. Et c'est bien utile, puisque cela permet de déconsolider de la dette dans une société d'économie mixte (SEM), qui n'est, par définition, pas prise en compte dans la dette de la collectivité locale.

Toutefois, le tiers-financement ne doit pas être utilisé dans ce seul but. Par exemple, la SEM Alter à Angers (Maine-et-Loire) est parfaitement rentable et dégage même des dividendes.

Elle a piloté la création d'une chaufferie biomasse et le déploiement d'un réseau de chaleur de 8 km desservant 1 900 logements et divers bâtiments publics dans un quartier en renouvellement urbain. Pour ce projet, la SEM a levé les financements directement auprès de la Banque des territoires sans mobiliser les ressources de la collectivité. Le tiers-financement a du sens pour les bâtiments générant des loyers. Il n'en a donc pas pour les établissements scolaires. Pour traiter ces derniers, il faut s'endetter. Fort heureusement, les collectivités locales en ont les capacités ! Comparativement, les bailleurs sociaux se montrent plus rationnels : ils s'inscrivent dans la stratégie nationale bas carbone en finançant la rénovation de leur patrimoine par la dette.

Le bruit court que le livret A pourrait aussi financer le développement du nucléaire. Un projet de loi visant à faciliter le déploiement de cette énergie est en discussion au Parlement. Le livret A peut-il tout ?

Sa vocation première consiste à financer la construction de logements sociaux. Fin 2022, son encours s'élevait à 375 Mds €. Et sur les 60 % qui sont centralisés à la Caisse des dépôts, 194 Mds € ont été prêtés aux bailleurs sociaux et aux collectivités locales. Le reste est placé. Donc, tout ce qui peut être prêté l'est en priorité aux organismes HLM, puis aux collectivités locales. Si demain, le livret A devait être mobilisé pour financer le développement du nucléaire, le financement de ces deux acteurs ne serait pas remis en cause. Toutefois, je rappelle qu'il revient au Parlement de décider du mix énergétique du pays, et au ministère de l'Economie et des Finances de déterminer l'emploi du livret A.

Une mission sur le foncier industriel a été confiée à Rollon Mouchel-Blaisot, ancien directeur du programme national Action cœur de ville. Comment la Banque des territoires peut-elle accompagner la réindustrialisation ?

Nous avons développé « Dataviz Territoires d'industrie », un outil présenté à Choose France [sommet sur l'attractivité hexagonale, NDLR] qui permet de détecter les fonciers industriels clés en main. La plateforme indique les autorisations administratives déjà octroyées, les utilités desservant la parcelle, il décrit l'écosystème du territoire, etc. A ce jour, cet outil en version bêta a enregistré plus de 100 000 vues, sans en avoir fait la publicité.

C'est un succès. Nous allons travailler avec les EPCI, les régions, les agences de l'Etat, dont le Cerema et l'Ademe, pour y ajouter des informations : si le site bénéficie d'une connexion au très haut débit, s'il dispose d'une offre d'énergie verte, s'il existe des formations à proximité, etc.

Pour y parvenir, nous devons réussir à créer un climat de confiance avec tous les territoires. Car au final, lorsqu'un industriel s'installe en région, c'est la France qui gagne.

Une activité soutenue en 2022

  • 196 Mds € d'encours de prêts avec 13,6 Mds € de nouveaux prêts signés, dont 11,5 Mds € en faveur du logement social et de la politique de la ville, 1,1 Md € en faveur du secteur public local et 1 Md € au bénéfice de la Société du Grand Paris (prêt exceptionnel dédié à la mobilité).
  • 7 Mds € d'investissements en portefeuille, dont 2 Mds € engagés en 2022.
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