Fiche pratique n°1 : contrats de partenariat - Les conditions de recours

Le lancement d'une procédure de passation d'un contrat de partenariat doit impérativement être précédé d'une évaluation préalable permettant de justifier que les conditions du recours à cet outil contractuel sont réunies. Cette obligation, inscrite dans l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, est modifiée et complétée par la loi du 28 juillet 2008.

Quel est l'objet de l'évaluation préalable ?

En raison des dérogations au droit commun de la commande publique sur lesquelles repose le contrat de partenariat, la personne publique qui envisage d'y recourir doit réaliser une évaluation préalable qui a pour objet :

- d'une part, de fonder le recours au contrat de partenariat en démontrant la complexité du projet (en d'autres termes que la collectivité publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet) ; l'urgence de l'opération, ou en établissant que le bilan avantages/inconvénients du contrat de partenariat est plus favorable que celui des autres outils de la commande publique (le paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage).

- d'autre part, d'exposer les motifs qui l'ont conduite, après analyse comparative avec d'autres outils contractuels, à opter pour la solution du contrat de partenariat.

Une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de cette évaluation sera élaborée, pour l'Etat, par les organismes experts, dans les conditions fixées par le ministre chargé de l'Economie. Pour les collectivités locales, elle sera définie par le ministre chargé de l'Economie.

Dans quels cas peut-on considérer qu'une opération revêt un caractère complexe ?

La démonstration de la complexité est à la fois objective dans son principe et relative dans son résultat.

. Objective dans son principe : la personne publique doit établir qu'au vu de la complexité du projet, elle ne dispose pas des compétences nécessaires pour lui permettre de mener à bien l'opération et que son incapacité, face aux spécificités techniques, financières ou/et juridiques de l'ouvrage ou du service objet du contrat, lui commande d'associer le secteur privé à la recherche des solutions qui vont lui permettre de réaliser son projet ;

. Relative dans son résultat : la complexité s'apprécie à l'aune des capacités techniques, financières et juridiques de la collectivité publique à mener à bien le projet. Ce qui est complexe pour une collectivité publique ne le sera pas nécessairement pour une autre.

A titre d'exemple : la complexité peut résulter d'éléments techniques, économiques, financiers et/ou juridiques tels que :

- les contraintes liées au site pressenti (difficulté d'accès, superposition de réglementations contraignantes, notamment urbanistiques ou environnementales, parcelles de terrain non mitoyennes.) ;

- la réalisation des travaux en site occupé dans des conditions permettant le maintien de l'activité ;

- la perception éventuelle de recettes annexes (par l'exercice de prestations de services ou la valorisation du foncier disponible.) et la complexité des flux financiers qu'elles sont susceptibles d'engendrer.

Si chacun de ces éléments peut ne pas suffire à lui seul à justifier le recours au contrat de partenariat, l'accumulation de plusieurs d'entre eux peut justifier la complexité de l'opération.

Dans quels cas peut-on considérer qu'une opération revêt un caractère d'urgence ?

L'article L. 1 414-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 tels que modifiés par la loi n° 288-735 du 28 juillet 2008, disposent que « le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible. » L'urgence est donc caractérisée dans deux situations : un retard, une situation imprévisible.

. S'agissant du retard, le Conseil constitutionnel a précisé que l'urgence est établie, « dès lors qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave, préjudiciable à l'intérêt général et affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public » (décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, considérant 9).

Cette définition n'est pas différente de celle que le Conseil avait déjà donnée (décision n° 2003-473 du 26 juin 2003 et n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004) et se trouve en parfaite cohérence avec celle du Conseil d'Etat (CE, 29 octobre 2004, « Sueur et autres »).

. S'agissant de la situation imprévisible, nouveau cas d'urgence issu de la loi du 28 juillet 2008, le Conseil constitutionnel a précisé qu'elle devait être entendue « au sens de la force majeure » (décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, considérant 4). Précisons que ce n'est que dans cette dernière hypothèse que l'évaluation préalable pourra être succincte.

La notion d'urgence fait l'objet d'une interprétation particulièrement stricte de la juridiction administrative : le caractère d'urgence est rarement admis, quel que soit le domaine concerné, comme le rappelle le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 avril 2008 (annulation de la décision de signer un contrat de partenariat, le retard affectant la réalisation de l'ouvrage concerné ne présentant pas un caractère de gravité suffisant pour justifier le recours à ce type de contrat).

Pour ces raisons, les collectivités se montrent aujourd'hui réticentes à fonder le recours au contrat de partenariat sur l'urgence de l'opération. Tel a pourtant été le cas récemment du département de l'Yonne pour la rénovation, la remise aux normes et/ou la reconstruction de deux collèges, dont un de type Pailleron présentant un danger pour la sécurité de ses usagers.

En quoi consiste l'analyse comparative ?

La personne publique doit procéder à une analyse comparative entre les différents outils contractuels de la commande publique (marché public, délégation de service public, etc.), afin de démontrer qu'elle ne parviendrait pas à un résultat plus satisfaisant en régie ou par un montage traditionnel.

L'ordonnance du 17 juin 2004 modifiée prévoit, à titre non exhaustif, les critères pouvant être utilisés pour comparer les différents montages contractuels :

- le coût global ;

- la performance ;

- le partage des risques ;

- les préoccupations de développement durable.

Il conviendra à chaque collectivité de réaliser cette analyse comparative en fonction des éléments factuels relatifs au projet envisagé.

Comment établir le rapport d'évaluation préalable en toute sécurité juridique ?

Une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de cette évaluation sera élaborée, pour l'Etat, par les organismes experts, dans les conditions fixées par le ministre chargé de l'Economie. Pour les collectivités locales, une méthodologie sera définie par le ministre chargé de l'Economie. Néanmoins, il est fortement recommandé aux personnes publiques de se faire assister, par des conseillers techniques, juridiques et/ou financiers, assistants à maîtrise d'ouvrage, mais également par la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP) et autres organismes experts selon leur domaine de compétence.

Si l'un des organismes experts doit être saisi par l'Etat dans le cadre de cette évaluation, cette obligation ne s'impose pas aux collectivités locales. Toutefois, celles-ci peuvent avoir recours aux services de la MAPPP, notamment pour les assister dans la conduite et la formalisation de cette procédure préalable à la passation de leur contrat de partenariat.

A qui doit être soumise l'évaluation préalable ?

L'Etat doit obtenir l'avis favorable de l'un des organismes experts avant d'engager toute procédure de passation d'un contrat de partenariat.

Les collectivités locales, quant à elles, doivent faire approuver le principe du recours au contrat de partenariat par leur organe délibérant (article L.1414-2 du CGCT). Celui-ci doit se prononcer au vu du rapport d'évaluation. De la même façon, la commission consultative des services publics locaux prévue à l'article L.1413-1 du CGCT doit être consultée avant que l'organe délibérant ne se prononce. Cette commission rend un avis simple.

Enfin, les collectivités publiques devront être particulièrement vigilantes à l'éventuelle saisine des comités techniques paritaires (CTP). En effet, si l'on se réfère à la jurisprudence applicable aux délégations de service public (dont le principe du recours doit être, de la même façon que le contrat de partenariat, approuvé par l'organe délibérant), ceux-ci devront rendre un avis simple sur le principe du recours au contrat de partenariat, lorsque celui-ci est susceptible d'avoir des incidences sur l'organisation du service ou toutes autres incidences entrant dans le champ de compétences des comités techniques paritaires (décret n° 82-452 du 28 mai 1982). Le tribunal administratif de Paris dans un jugement du 6 février 2008, a annulé la décision du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative de signer un contrat de partenariat, à défaut d'avoir consulté les CTP compétents. Toutefois, il a considéré que cette annulation n'avait pas pour effet d'entacher le contrat de nullité, dans la mesure où ladite nullité entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général, eu égard à la nature de l'acte attaqué et au vice dont il est affecté.

Quels sont les principaux apports de la loi concernant l'évaluation préalable ?

L'ouverture d'un troisième cas de recours au contrat de partenariat.

Il s'agit du cas où « compte tenu, soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée et des contraintes qui pèsent sur celle-ci, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours au contrat de partenariat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. »

La prise en compte du développement durable. Les préoccupations de développement durable doivent être prises en compte au titre des critères de comparaison dans le cadre de l'élaboration de l'analyse comparative. La place du développement durable dans la procédure de passation du contrat de partenariat fera l'objet d'une fiche pratique spécifique.

Faire de l'évaluation préalable la pierre angulaire des contrats publics.

L'obligation d'établir une évaluation préalable a vocation à être étendue à l'ensemble des outils de la commande publique : tel sera déjà le cas, à compter du 1er janvier 2009, pour les AOT LOA (autorisation d'occupation temporaire du domaine public et contrat de location avec option d'achat).

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