«Faites-moi un musée sur Hergé, pas sur Tintin ! » Telle a été la commande initiale formulée à Christian de Portzamparc par Fanny Rodwell, veuve de Hergé lorsqu’en 1996, elle lui confie la réalisation d’un écrin idéal pour exposer planches originales, souvenirs personnels et travaux méconnus du Bruxellois. « Au départ, j’étais perplexe. J’avais déjà construit un lieu d’exposition pour des œuvres classiques mais là, il s’agissait de Hergé », avoue aujourd’hui l’architecte, confronté à la difficulté d’imaginer un musée pour le génie d’un art mineur. Le choix du site, une forêt de Louvain-la-Neuve, est acté en 2001. Christian de Portzamparc a d’abord en tête « l’image d’un bateau échoué ». De cette idée ne subsiste qu’un ponton en bois qui relie le musée à la ville. Mais sa charge poétique fait comprendre à l’architecte que l’imaginaire doit être au cœur de sa réflexion : « L’œuvre de Hergé est onirique, même s’il raconte les choses de manière concrète. Il devait en être de même pour son musée. » Christian de Portzamparc imagine alors un bâtiment prismatique allongé, avec un atrium formant hall d’accueil, qui abrite les quatre volumes des salles d’exposition. De l’extérieur, la façade du musée côté forêt, avec ses immenses baies, rappelle les vignettes d’une bande dessinée. Elle s’amuse de sa transparence et donne l’illusion d’un bâtiment en deux dimensions, comme un album de Hergé. « Il s’agit d’un paysage intérieur que l’on devine depuis l’extérieur. Sur le modèle des représentations du Moyen-Age, nous avons opéré par un jeu de couleurs qui permet de comprendre ce qui se situe devant et derrière. Puis, on entre dans le musée avec l’impression de se retrouver à l’intérieur d’une BD. » Pour parvenir à ce résultat, de vastes vitrages ont été utilisés.
Tintin à la proue
Autre point fort du projet : réaliser un musée et non un parcours ludique pour les enfants. Aussi Christian de Portzamparc a-t-il choisi de ne représenter aucun des personnages de Hergé dans l’atrium ni à l’extérieur du musée, excepté un Tintin en « proue » du bâtiment. L’œuvre du dessinateur est pourtant évoquée au travers de références quasi subliminales. Ainsi, les motifs colorés qui habillent les volumes sont des agrandissements de motifs empruntés aux albums du « petit reporter ». Les lignes épurées de l’édifice, la sobriété du décor (murs blancs, béton ciré au sol) sont autant d’hommages à la « ligne claire » de l’Ecole belge. Dernière illustration avec la cage d’ascenseur, peinte d’un damier rouge et noir qui évoque, tout en s’en démarquant, la fusée d’Objectif Lune. Enfin, l’architecte a abandonné ici le format classique du cube unique pour quatre volumes clos et séparés, abritant des salles d’exposition sombres et mystérieuses. Eclairées par des diodes électroluminescentes (50 lux) qui, selon la scénographe Evelyne Gilmont « ne sont pas plus puissantes qu’une lueur de bougie », elles affichent un contraste marqué avec la luminosité de l’atrium. Ces différentes salles sont reliées entre elles par des passerelles d’acier afin, selon Christian de Portzamparc, de « couper la narration et susciter l’attente ».