Feu vert et questions en suspens pour la centrale de Gardanne

GazelEnergie a gagné une bataille administrative pour sa centrale à biomasse de Gardanne Meyreuil (Bouches-du-Rhône) : dans son arrêt du 24 décembre, la cour administrative d’appel de Marseille valide l’autorisation préfectorale d’exploitation du 29 novembre 2012. Fort d’une autorisation provisoire après un jugement de première instance qui allait dans le sens inverse, l’industriel n’a pas encore démontré le bon fonctionnement de la reconversion au bois de l'ancienne centrale à charbon.

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Centrale Gardanne
La conversion au bois de l'ancienne centrale à charbon se heurte à une ressource locale fragile et insuffisante.

« L’exploitation forestière et la production d’électricité ont chacune leur finalité propre ». Dans un communiqué du 28 décembre, la cour administrative d’appel de Marseille justifie en ces termes la légalité de l’autorisation préfectorale dont bénéficie GazelEnergie, filiale du groupe EPH détenu par l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, pour l’exploitation de l’usine de production d’électricité issue de la biomasse à Gardanne. L’industriel annonce la reprise imminente de l’activité de l’ancienne centrale à charbon, reconvertie après 300 millions d’euros d’investissements.

Impasses forestières

En attendant un recours vraisemblable devant le Conseil d’Etat, cet épilogue provisoire laisse sans réponses les questions soulevées par les 850 000 tonnes de biomasse annuelles nécessaires à la puissance de 150 MW : selon France Nature Environnement, l’équation se résout par le prélèvement de plus de 35% de la ressource forestière disponible dans un rayon de 250 km autour du site, d’ici 2024. L’insuffisance et la fragilité de la forêt méditerranéenne, sensible au réchauffement climatique, justifieraient l’élargissement du périmètre d’approvisionnement, y compris par des importations d’Amazonie.

Le silence de la justice administrative prolonge celui de l’Etat : « Aucun de nos courriers aux ministres concernés et au président de la République n’a jamais suscité de réponse », se désole Pierre Aplincourt, représentant de France Nature Environnement au Comité de site de la centrale de Provence. Outre l’approvisionnement, l’absence d’explication concerne le tarif de rachat conclu sous la présidence de Nicolas Sarkozy : «1,12 euro du kWh, le triple du prix du marché. Cette subvention déguisée d'1 milliard d'euros engendre un risque de déstructuration de la filière bois », alerte Pierre Aplincourt.

L’absence de sanction, suite au non-respect des obligations de service contractualisées par l’exploitant, n’a pas d’avantage inspiré d’explication officielle, alors que le fonctionnement se heurte à un paradoxe : seul un appoint de charbon - 130 000 tonnes par an, selon France Nature Environnement - permet la combustion par lit fluidisé sur laquelle repose le process industriel.

Occasion à saisir

De ce dialogue de sourds, faut-il conclure à l’incompatibilité de la centrale de Gardanne avec une gestion durable de la ressource locale ? Président de l’association Forêt méditerranéenne qui rassemble des acteurs publics et privés de la filière régionale, Charles Dereix veut croire que non, et pose cette condition : « Aborder la question dans le dialogue, dans l'écoute et dans la recherche d'un projet partagé ».

La centrale biomasse pourrait, à l’en croire, inciter les propriétaires forestiers à accroître les surfaces encadrées par des plans de gestion durable. Charles Dereix y voit l’occasion de « permettre ainsi la préservation de ces espaces forestiers face à des appétits toujours très présents d'extension des zones d'urbanisation et de l'habitat individuel, et face à un risque d'incendie qui, avec le réchauffement climatique, ne cesse de s'accroître… »

Deux logiques pour un pacte

Posées solennellement le 10 décembre dans une lettre ouverte au président de la République signée par six organisations non gouvernementales, les questions en suspens n’empêchent pas les acteurs de la reconversion de l’ancienne centrale à charbon d’inscrire leur projet dans un « pacte pour la transition écologique et industrielle de Gardanne-Mareuil », signé le 22 décembre. Outre la préservation des emplois dédiés à la production d’électricité, les signataires ouvrent la perspective de nouvelles implantations : une scierie d'une capacité annuelle de 50 000 t, une unité de carburant vert et des activités liées au développement d’une filière hydrogène locale.

A ces installations classées pour la protection de l’environnement pressenties à proximité de quartiers d’habitation, s’oppose une autre logique à laquelle le pacte laisse une porte entr’ouverte : celle d’un schéma global d’aménagement durable du territoire qui s’étend du pied de la montagne Sainte-Victoire jusqu’à Meyreuil et Gardanne. L’Etat s’est engagé à financer les études du projet porté par la métropole, avec le soutien de France Nature Environnement : « Nous sommes convaincus que ce territoire détient le potentiel de l’excellence pour la transition écologique », insiste Pierre Aplincourt. De son côté, l’association Forêt méditerranéenne entend se servir du pacte comme « levier d'un développement local de qualité, à la fois industriel et forestier, et d'un accroissement de la gestion durable et multifonctionnelle des forêts ».

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