Décryptage

Faire son ITE chez le voisin : les règles du jeu enfin fixées

Un décret publié le 24 juin met en musique l’exercice du droit de surplomb, consacré par la loi Climat et résilience, pour faciliter les travaux d’isolation thermique par l’extérieur en limite séparative.

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Isolation thermique par l'extérieur

Il aura fallu presque deux ans pour l’adopter, mais le voici : le décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 vient définir les modalités d’application de l’article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Celui-ci a été introduit par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 afin de rendre possible l’isolation thermique par l’extérieur (ITE)lorsqu’il est nécessaire d’empiéter sur le fond voisin pour la réaliser. Tout l’enjeu étant de trouver un équilibre entre les impératifs de rénovation énergétique des bâtiments et le respect des droits de propriété.

Surplomber, accéder

Pour mémoire, l’article L. 113-5-1 du CCH énonce que « le propriétaire d'un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l'extérieur bénéficie d'un droit de surplomb du fonds voisin de trente-cinq centimètres au plus lorsqu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs ».

Il ajoute que « l'ouvrage d'isolation par l'extérieur ne peut être réalisé qu'à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l'héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure ».

Il consacre également un droit d’accès temporaire au fond voisin « et d'y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux ».

Un voisin averti en vaut deux

L’exercice de ce droit suppose de suivre à la lettre une procédure destinée à préserver ceux du propriétaire du fonds voisin. Ainsi, avant de commencer les travaux, le propriétaire du bâtiment à isoler doit notifier à ce dernier son intention de bénéficier du droit de surplomb et, le cas échéant, du droit d’accès temporaire. Le décret fixe à l’article R. 113-19 du CCH les règles de forme de cette notification. Elle doit être effectuée par LR/AR ou signifiée par huissier, et contenir des mentions minimales listées.

Le demandeur devra notamment fournir « un descriptif détaillé de l'ouvrage d'isolation thermique par l'extérieur, accompagné d'un plan des façades et, le cas échéant, des toitures modifiées par le projet, en faisant apparaître l'état initial et l'état futur ». Mais aussi les justificatifs démontrant, comme la loi l’impose, « qu'aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs » - sans que ces notions soient davantage définies. Comme l’écrivait le professeur Hugues Périnet-Marquet dans nos colonnes en mars dernier, ces dispositions feront « certainement l'objet d'un contentieux non négligeable car [cela] laisse une totale liberté pour apprécier les notions de coût ou de complexité excessifs ».

La notification devra aussi préciser qu’elle constitue le point de départ du délai d'opposition de six mois alloué au propriétaire voisin. Et encore, proposer un montant pour les indemnités qui devront être versées à ce dernier en compensation du droit de surplomb et le cas échéant du droit d’accès temporaire. Pas plus que la loi, le décret n’explique les modalités de calcul de ces indemnités.

Le droit de dire non

L’article R. 113-21 du CCH créé par le décret explicite la procédure à suivre par le voisin pour s’opposer au droit de surplomb ou au droit d’accès ou contester le montant des indemnités proposé. Il devra saisir « le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble à surplomber, statuant selon la procédure accélérée au fond ».

Plus complexe est la situation où le propriétaire du fonds voisin est en réalité… des copropriétaires. L’article R. 113-22 du CCH décrit alors la marche à suivre par le syndic et l’assemblée générale des copropriétaires afin de préserver la faculté du syndicat des copropriétaires de saisir le juge dans le délai de six mois pour s’opposer aux demandes du propriétaire du fonds à isoler.

Feu vert à l'installation des échafaudages

La loi (art. L. 113-5-1, II, du CCH) prévoit la signature entre les propriétaires voisins d’une convention définissant les modalités de mise en œuvre du droit d’accès temporaire. Son contenu est détaillé par l’article R. 113-20 du CCH. La convention indiquera notamment la nature des installations provisoires à mettre en place et les mesures prévues pour protéger le fonds voisin ainsi que les mesures éventuelles de remise en état.

Une fois que cette convention aura été conclue, et surtout que l’acte authentique fixant les modalités d’exercice du droit de surplomb aura été signé – ou, à défaut, la décision du juge rendue -, feu vert : « Le propriétaire peut réaliser les travaux », après s’être acquitté des indemnités convenues (art. R. 113-23 du CCH). Il n’en a pas pour autant fini avec les formalités. Dès qu’il a choisi le ou les prestataires qui réaliseront son ITE, il doit notifier (par LR/AR) à son voisin l’identité et les coordonnées complètes de l’entreprise ainsi que les numéros des polices d’assurance décennale et dommages ouvrage souscrites (art. R. 113-24 du CCH).

Pour intéressant qu'il soit, ce dispositif « est cependant loin, selon le professeur Périnet-Marquet, de régler tous les problèmes de droit privé que peut poser l'ITE. En effet, il n'est d'aucune utilité dans l'hypothèse où l'isolation, faite sur le fonds même du propriétaire de l'immeuble isolé, contrarie une servitude, notamment une servitude de cour commune, qui impose de maintenir libre un certain périmètre. Cependant, en la matière, une certaine souplesse du juge sera sans doute possible. Cette même tolérance pourrait être bienvenue en cas d'empiètement sur le domaine public, pour l'isolation extérieure de façades déjà à l'alignement."

Décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l'isolation thermique par l'extérieur d'un bâtiment

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