Mars 2020, le président Emmanuel Macron annonce que la France n’a d’autre choix que de se confiner pour endiguer les cas de contamination par un virus venu de Chine, le SARS-CoV-2.
Dès lors, un million de personnes préfèrent quitter l’Ile-de-France. Et d’autres métropoles, notamment Toulouse, connaissent de tels mouvements de population. Avec le Covid-19, «la ville s’est vidée, arrêtée», constate Alexandre Labasse, le directeur du Pavillon de l’Arsenal, à Paris. Voilà qui l’amène à s’interroger : «Comment se fait-il que la première réponse face à une pandémie demeure l’exode ? Est-ce donc que la ville peut rendre malade ? Et, plus généralement, quelle est la place du soin dans la ville ?»
A toutes ces questions, le Pavillon de l’Arsenal, le collectif d’architecture et d’urbanisme Scau et la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury apportent des éléments de réponses dans l’exposition «Soutenir – Ville, architecture et soin», qui a ouvert le 6 mars. Prolongée jusqu’au 25 septembre, le public pourra découvrir comment la cité et ses malades ont fait plus ou moins bon ménage à travers les siècles.
Hippocrate urbaniste
Car le sujet taraude les penseurs de l’urbain et du soin depuis longtemps. Si le Grec Hippocrate, qui vécut vers 400 ans avant J.-C., est considéré comme «Le père de la médecine», on sait sans doute moins qu’il avait écrit un quasi traité d’urbanisme, «Des airs, des eaux et des lieux», dans lequel il prodiguait des conseils sur le bon aménagement des villes.
L’exposition s’intéresse en particulier à la place accordée aux scrofuleux, aux pestiférés, aux lépreux, aux paralytiques, aux fous, aux vieillards mais aussi aux morts. Autrefois mais aussi aujourd’hui, même si le vocabulaire s’est policé avec le temps. Depuis la création de l’Hôtel-Dieu en plein cœur de Paris, au VIIe siècle, «l’histoire n’a cessé d’osciller entre accueil intra-muros et mise à l’écart. Et cette histoire a, chaque fois, redéfini les limites du pathologique et du normal», analyse Cynthia Fleury.
Offre clairsemée
Et celui dont le corps n’est pas considéré comme valide n’est toujours pas traité à égalité, comme le démontre la comparaison entre deux cartes des logements à louer disponibles à la date du 4 mars dernier à Paris. La seconde, qui répertorie les 157 habitations dotées d’un accès handicapé, est nettement plus clairsemée que la première qui représente la totalité des quelque 10 000 offres...

Toutefois la ville n’a pas toujours fait qu’exiler ses malades, elle a aussi œuvré à évacuer ce qui pouvait nuire à la santé de ses habitants : les eaux malsaines, les airs putrides et toutes autres formes de déchets. «L’idée s’est développée que la ville était un corps et l’architecte, son médecin. Il devait donc aider à éliminer tout ce qui était néfaste», souligne Eric de Thoisy, directeur de la recherche chez Scau.
Vulnérabilité citadine
Mais le même reconnaît peu après que «la société a créé des territoires inhabitables de plus en plus grands. Aujourd’hui la vulnérabilité est notre situation commune.» Aux 100 000 morts prématurées qui pourraient être attribuées chaque année en France à la pollution atmosphérique viennent s’ajouter les victimes des catastrophes climatiques. Sans oublier les pathologies d’ordre psychiatrique que la condition urbaine aggrave, quand elle ne les provoque pas.
Alors on peut légitimement s’interroger. Cette exposition n’est-elle pas aussi propice à alimenter nos angoisses de citadins ? Mais, parce qu’elle donne des pistes sur une meilleure approche du soin mais aussi parce qu’elle est érudite et passionnante, la visiter est au contraire très recommandé.
«Soutenir – Ville, architecture et soin» jusqu'au 25 septembre au Pavillon de l'Arsenal, 21 boulevard Morland à Paris (IVe). Catalogue: 304 pages, 560 illustrations. Prix : 42 €.