Entre 1946 et 1976, les trente glorieuses ont vu naître en France de véritables villes à la montagne : les stations de sport d’hiver. Créés ex-nihilo ou en extension de villages existants, elles ont permis la naissance de toute une économie touristique hivernale autour de la pratique du ski. D’abord nées d’initiatives locales, comme Courchevel ou Megève, elles ont fait l’objet à partir des années 60, d’un plan stratégique de développement, décidé par l’Etat, le plan Neige, unique en Europe par son ampleur. Cet aménagement à grande échelle a bien souvent bouleversé les paysages des vallées des Alpes : il s’agissait de loger des dizaines de milliers de skieurs à flanc de versant, entre 1500 et 2000 mètres d’altitude, là où s’étageaient les forêts de conifères et les alpages.

Epopée constructive
Trente ans après, que peut-on retenir, sur le plan architectural et urbanistique, de cette épopée constructive ? A Megève, dès l’avant-guerre, c’est l’architecte Henry Jacques Le Même qui met au point pour une clientèle fortunée la typologie du « chalet-skieurs » : bardage de bois, toit à deux pans débordants, rangement du matériel de ski au rez-de-chaussée, pièces à vivre à l’étage, chambres sous les combles. En 1946, les architectes Laurent Chappis et Denys Pradelle conçoivent, sur des alpages vierges de toutes habitations, Courchevel 1850, dont le plan suit les bords des pistes de ski. A leur convergence, ils inventent la « grenouillère », un espace central qui concentre les principaux commerces et d’où partent toutes les remontées mécaniques. Un dispositif qui sera repris dans les nombreuses stations créées dans les années 60, notamment à Flaine où Marcel Breuer rompt délibérément avec l’architecture traditionnelle en dessinant de grands immeubles linéaires en béton à toiture terrasse.

Avec Avoriaz, l’architecte Jacques Labro conçoit une architecture plus en phase avec le paysage montagnard tout en satisfaisant aux exigences du tourisme de masse : bâtiments étagés dans la pente multipliant saillies et décrochements, toitures aux formes complexes, grande diversité de matériaux. Et à la fin des années 60, l’Atelier d’architecture en montagne approfondit aux Arcs le concept de station intégrée avec de grands immeubles collectifs dans lesquels Charlotte Perriand met au point le studio-cabine, répondant aux besoins en logements des skieurs dans un minimum de place. Ces stations et bien d’autres font depuis les années 90 l’objet d’un inventaire précis -d’où cette exposition et un ouvrage sont issus- visant à la gestion et à la protection d’une partie de ce patrimoine encore peu reconnu.

Pour en savoir plus:www.parcoursinventaire.rhonealpes.fr