Publié sous la forme d’une circulaire datée du 14 février 2012 (cliquez ici), le nouveau Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics résulte d'une vaste entreprise de mise à jour de la version parue en 2009. Objectif : tenir compte des évolutions réglementaires et jurisprudentielles survenues depuis lors.
LES BONNES PRATIQUES MISES A JOUR
- Quelle est la vocation du Guide de bonnes pratiques ?
Il s’adresse avant tout aux acheteurs publics. Il y a plus de 100 000 pouvoirs adjudicateurs en France, de tailles extraordinairement différentes : le Guide est surtout destiné aux plus petits d’entre eux, qui ne disposent pas de services marchés très développés.
- Concerne-t-il aussi les entreprises ?
Par ricochet, le Guide bénéficie aussi aux entreprises. Il exhorte en effet les acheteurs à poser des règles simples, les annoncer, et les appliquer : ça ne peut que profiter aux opérateurs économiques ! Il se nourrit d’ailleurs de remontées de terrain venant des entreprises, qui reprochent parfois aux collectivités d’ajouter des règles aux règles. Par exemple, nous rappelons qu’au stade de la candidature, l’acheteur public n’a pas à demander les attestations fiscales et sociales à toutes les entreprises. Seul l’attributaire devra les fournir au final. Autre illustration : les acheteurs publics ont souvent tendance à jouer la sécurité et utiliser la procédure la plus lourde ; il faut leur rappeler que sous les seuils européens, les procédures adaptées peuvent avantageusement remplacer l’appel d’offres.
- Pourquoi la mise à jour du Guide était-elle nécessaire, et comment avez-vous procédé ?
Trois raisons essentielles ont conduit à cette refonte. Un, les modifications apportées à la réglementation depuis 2009. Deux, la prise en compte de décisions importantes du Conseil d'Etat. Il n'existe pas de meilleurs exemples à donner aux praticiens que des cas réels tranchés par le juge ! Trois, nous souhaitions le faire évoluer au regard des retours du terrain. Nous récoltons plus de 30 000 questions d'acheteurs par an. Et nous rencontrons les fédérations d'entreprises régulièrement, certaines m’invitent d’ailleurs à assister à leurs commissions marchés publics.
Le projet de mise à jour du Guide a été soumis à concertation publique. Nous avons recueilli 600 réponses, et 450 propositions concrètes, dont nous avons retenu certaines. La Cour des comptes elle-même nous a adressé une contribution très argumentée, car le Guide peut être directement utile aux chambres régionales des comptes pour contrôler les pratiques. Elle nous a par exemple demandé d'y insérer des développements sur les recours contentieux.
- Le Guide « version 2012 » tranche-t-il des questions non résolues, concernant la négociation par exemple ?
Il s'agit d'une circulaire, qui ne peut, en aucun cas, modifier la réglementation ! Pas question, par exemple, d'y écrire que les offres détectées comme anormalement basses doivent être d'emblée éliminées, comme cela nous a été demandé. Ce qui ne nous empêche pas d'y prendre clairement position, c’est le cas par exemple sur la négociation. En 2009, le Guide avait insisté sur le fait que négocier n'était pas marchander, et que les acheteurs publics devaient se professionnaliser et se former à la négociation sur tous les paramètres des offres. En 2012, nous condamnons clairement la pratique qui consiste à mentionner dans le règlement de la consultation en Mapa que « Le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de négocier ». Il faut exclure ou prévoir la négociation dès le début de la procédure et s'y tenir. Pas question de faire croire aux entreprises qu’une négociation sera menée, et de changer d’avis ensuite faute de temps ou de compétences pour négocier... Si la négociation est annoncée, il faut négocier, et le faire avec tous les candidats (sauf si le règlement de la consultation prévoit que la négociation sera limitée à un nombre prédéterminé de candidats).
- Le Guide rend-il enfin possible la mutualisation des dossiers de candidature ?
Lors des Assises de la simplification du droit en avril dernier, le Gouvernement a décidé que les entreprises devaient pouvoir fournir leur dossier de présentation une fois pour toutes lorsqu'elles répondent à un même pouvoir adjudicateur dans la même année. Le Guide précise qu'aucune disposition du Code des marchés publics n'interdit une telle mutualisation. Un acheteur public peut autoriser les candidats, dans son règlement de consultation, à ne pas réitérer les renseignements déjà fournis (sous réserve de leur mise à jour). Cependant il est prudent d'attendre, car cela pose quand même la question de la sécurité et de la fiabilité dans le temps des informations fiscales et sociales transmises par les entreprises. Des travaux de faisabilité relatifs à la mise en place d'une armoire numérique sécurisée sont en cours ; ce dispositif permettra à terme la mutualisation des dossiers en toute sécurité.
- Le Guide tient-il compte des inquiétudes des praticiens sur la « variante sans offre de base » ?
La partie consacrée aux variantes a été sensiblement développée, et sans angélisme. J'entends des avis très divergents sur cette possibilité, introduite dans le Code l'été dernier pour les entreprises et notamment les PME, de présenter des variantes sans offre de base. Le Guide énonce clairement que l'acheteur public peut toujours, au lancement de sa procédure, exiger la remise d'une offre de base accompagnant la variante. Ensuite, s'il rappelle les avantages du recours à la variante dans les domaines techniques ou à évolution rapide afin d'éviter les solutions routinières, le Guide met en garde les acheteurs : l'examen des variantes, et plus encore des variantes sans offre de base, n'est pas à la portée de tous ! Encore faut-il avoir des services suffisamment compétents. Mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faudrait en priver les collectivités qui en sont capables...
- Que dit-il concernant le relèvement du plafond de dispense de formalités à 15 000 euros ?
Le seuil à partir duquel mise en concurrence et publicité s'imposent a été relevé fin 2011 de 4 000 à 15 000 euros, et le Guide constitue le premier commentaire officiel de cette mesure. Il s'efforce d'expliciter les règles posées par le Conseil d’Etat sous ce seuil. Les grands principes de la commande publique s'appliquent en effet dès le premier euro, aussi le pouvoir adjudicateur doit se comporter « en gestionnaire avisé et responsable des deniers publics», comme le ferait une personne privée responsable de son budget familial. L’acheteur public doit toujours être à même d’expliquer comment il a choisi. Il peut utiliser les catalogues des grands magasins, consulter les prix sur internet ou auprès des entreprises de proximité selon les cas, faire faire des devis s’il manque de références, mais avec mesure, car on ne doit pas sous-estimer le coût des devis pour les très petites entreprises. De tout ceci il devra garder trace, c'est-à-dire par exemple la photocopie du catalogue ou de la page internet consultée. Et bien sûr, définir ses besoins avant tout achat demeure une obligation de base.
LA REFONTE DES DIRECTIVES MARCHES PUBLICS ET LE FUTUR NOUVEAU CODE FRANCAIS
- Quel regard portez-vous sur les nouvelles directives marchés publics en cours d'élaboration à Bruxelles ?
Trois directives sont en chantier cette année : la nouvelle directive concession, et les révisions des directives marchés publics secteurs spéciaux et secteurs classiques. Pour ne parler que de la dernière (1), les objectifs de la refonte, à savoir l'allègement des charges administratives et le soutien aux PME, sont louables. Certaines propositions de la Commission vont dans ce sens : je pense à la diminution des délais de procédure, et à la possibilité d'examiner les offres avant les candidatures. Mais nous sommes en forte opposition avec le projet de la Commission sur trois points importants.
Premièrement, « Big brother » ! Je ne vois pas d'autre mot pour qualifier cette autorité de contrôle indépendante, qui devrait être créée de toutes pièces dans chaque Etat membre, avec une ribambelle de missions : contrôler les marchés, et notamment être destinataire de tous ceux qui excèdent un million d'euros, conseiller les pouvoirs adjudicateurs, faire des rappels à l'ordre, recevoir des plaintes, pouvoir saisir la justice ou la Commission européenne... Ce bras armé de Bruxelles au sein des Etats devrait avoir la taille d’un ministère pour assumer autant de charges ! De plus, cela semble contradictoire avec tout le travail effectué, à la demande de la Commission, pour mettre en place un contrôle très efficace via le juge des référés.
Deuxième point, nous souhaitions que la procédure négociée devienne la procédure de principe au-dessus des seuils européens, et le projet ne fait que l'étendre un peu.
Enfin nous sommes très hostiles à la suppression de la distinction entre services prioritaires soumis au plein régime des marchés publics au dessus des seuils communautaires et services non prioritaires soumis à un régime allégé. La Commission prétend faire une simplification en alignant le régime le plus simple sur le régime le plus complexe. Sauf les services sociaux qui garderaient un régime au demeurant un peu plus contraint que le régime actuel, ce sont des services comme ceux de prestations juridiques ou de formation professionnelle qui se verraient ainsi régis par des modes de passation beaucoup plus lourds et peu adaptés à leurs particularités.
- Pensez-vous pouvoir faire évoluer le projet ?
Il faut l'unanimité des Etats à la Commission pour rejeter des dispositions rédigées par celle-ci. Je crains les compromis hasardeux. Par exemple, concernant cette fameuse autorité de contrôle, une grande majorité d'Etats y est opposée. Mais dans la mesure où la Commission y semble très attachée, le risque est qu'au final soit décidée la création d'une autorité, certes dotée de pouvoirs moindres que prévu, mais tout aussi lourde à mettre en place. Nous négocions activement. Autre point sur lequel nous tâchons de peser : l'assouplissement du « lien direct avec l'objet du marché » exigé pour le choix des critères d'attribution, notamment en matière de développement durable.
- La transposition conduira-t-elle à un véritable nouveau Code des marchés publics ?
La directive ne sera sans doute pas adoptée définitivement avant 2013, ce qui veut dire une nouvelle modification de notre Code vers 2015 pour la transposer. Le projet de directive modifie beaucoup de points. De nombreux articles du Code devront donc être retouchés. Par exemple, une nouvelle procédure négociée à côté du dialogue compétitif devrait être créée, de nouvelles exclusions des marchés publics introduites, etc.
- Sera-ce enfin l'occasion d'élaborer un Code de la commande publique ?
Nous avons toujours en ligne de mire le projet, amorcé puis reporté, d'écrire un Code de la commande publique ! Deux chantiers doivent être cependant menés préalablement : la négociation relative à la révision des directives marchés publics, qui est notre priorité pour 2012 ; et la simplification du droit de la construction sur le domaine public. C'est-à-dire l'harmonisation des régimes juridiques de tous ces contrats, inspirés du droit privé, qui se sont développés de façon contradictoire autour du contrat de partenariat : BEA, AOT, etc. Cette harmonisation est en bonne voie. A supposer que l'on dispose d'une habilitation pour intégrer dans un grand Code de la commande publique des dispositions de nature législative, l'échéance de 2015 est tenable, nous y pensons en toile de fond de nos travaux.
(1) A consulter ici
Pour consulter le Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, cliquez ici