D’ordinaire, il vaut mieux ne pas mélanger sélection des candidatures et sélection des offres. Le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens croyait bien faire en annulant une procédure de passation de marché public pour méconnaissance par le pouvoir adjudicateur de l’article 45 (capacités des candidats) du Code des marchés publics et de son arrêté d’application du 28 août 2006. Le règlement de la consultation de la procédure litigieuse exigeait la fourniture par les candidats, à l’appui de leur offre, d’une copie d’arrêtés préfectoraux autorisant l’exploitation d’un centre de traitement de déchets pour toute la durée du marché. Comment qualifier ces copies ? Etaient-elles demandées pour attester des capacités des candidats ou pour étayer les offres ?
Capacité des candidats
La Haute juridiction a tranché en faveur de la seconde solution et annulé, le 7 novembre, l’ordonnance du juge des référés. « En se fondant (…) sur des dispositions applicables aux seuls documents de sélection des candidatures pour juger de la régularité des exigences portant sur la composition du dossier produit pour la sélection des offres, le juge des référés a commis une erreur de droit », a-t-elle jugé. Sur le plan de la procédure contentieuse, un tel moyen peut même être invoqué en cassation, sans qu’il le soit auparavant devant le juge des référés, précise l’arrêt du Conseil d’Etat, « dès lors qu'il concerne le champ d'application de la règle de droit ».
Critères d’attribution du marché
La copie des arrêtés préfectoraux était demandée par le pouvoir adjudicateur pour juger de la valeur technique de l’offre. Ce document devait indiquer la capacité de traitement du site, les tonnages autorisés et les tonnes reçues. Pour le Conseil d’Etat, une telle exigence « permet de déterminer les moyens dont disposent les candidats pour exécuter le marché et donc d'évaluer leurs offres au regard des critères retenus », au sens de l’article 53 du Code des marchés publics (critères d’attribution du marché). Le pouvoir adjudicateur, selon la Haute juridiction, n’a donc pas méconnu ces dispositions en retenant une telle exigence. Une telle demande n’était pas non plus « en elle-même (…) constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats ».
Communication en rapport avec les caractéristiques de l’offre retenue
Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur n’a pas communiqué toutes les pièces qu’il aurait dû dans le cadre de la demande d’information formulée par le requérant sur le rejet de sa candidature (article 83 du Code des marchés publics). Dans un premier courrier, le pouvoir adjudicateur avait indiqué les motifs de rejet de l’offre et des éléments portant sur les caractéristiques et avantages de l’offre retenue, ainsi que le nom de l’attributaire. Mais il n’a pas répondu aux demandes ultérieures du requérant qui souhaitait connaître le prix de l’offre retenue et les notes obtenues par l’attributaire pour les sous-critères destinés à évaluer la valeur technique et la performance environnementale. Or selon lui, ces sous-critères étaient susceptibles d’avoir une influence sur la note finale eu égard à la nature et à l’importance de leur pondération. Le Conseil d’Etat lui a donné raison et a enjoint au pouvoir adjudicateur de communiquer les informations demandées, qui sont en rapport avec les caractéristiques de l’offre retenue, sous huit jours. Le temps que le pouvoir adjudicateur réponde, la haute juridiction a sursis à statuer sur la demande d’annulation de la procédure de passation du marché.