Une à une, les industries plient bagage. Le port – naguère le second d’Europe – voit s’échapper des trafics au profit de Barcelone, Anvers ou Rotterdam. Le marché immobilier est atone, celui de l’emploi se lézarde. En 1990, Marseille a le moral en berne. C’est dans ce contexte que l’Etat décide de se pencher sur le sort de la cité phocéenne. S’appuyant sur un rapport de la Datar, le gouvernement fixe un objectif qui paraît alors irréel. En moins de vingt ans, la seconde ville de France doit devenir une métropole attractive rayonnant sur le bassin méditerranéen. Pour y parvenir, l’Etat met en place une stratégie inédite en province : mobiliser un maximum de crédits publics sur un périmètre restreint afin d’enclencher une dynamique économique et urbaine susceptible d’attirer rapidement des investissements privés. L’opération, labellisée « d’intérêt national », repose sur un projet urbain ambitieux : remodeler l’interface ville-port pour faire de cette frontière artificielle l’épine dorsale d’un vaste programme d’aménagement. Le 13 octobre 1995, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée est créé. Dans le berceau, l’Etat et ses partenaires (Ville, département, région, Port autonome…) déposent une enveloppe de 1,7 milliard de francs afin d’engager les premières actions de redynamisation sur un territoire de 313 hectares, subtilement découpé entre l’enceinte portuaire, le centre-ville et la gare.
La longue maturation d’un projet urbain ambitieux. La municipalité, dont les finances sont exsangues, accepte que l’Etat prenne la main sur ses terres. Il faut dire que la distribution des rôles, âprement négociée, lui permet de conserver le pilotage du projet. Renaud Muselier, numéro 2 de l’équipe municipale, s’installe à la présidence d’Euroméditerranée. Les premières années sont difficiles. Même si des études sont lancées et des procédures engagées, les Marseillais sont sceptiques. « Euroméditerranée est un fantasme », grogne alors le président de la fédération BTP 13. En 1997, un audit réalisé par l’Etat juge que l’opération a démarré sur de mauvaises bases. Conçue comme un projet immobilier classique, elle pèche par un impact économique et social trop faible et par une stratégie urbaine peu lisible. Fin 1998, Paris exige une remise à plat du programme. Un nouveau directeur, Jean-Michel Guénod, est chargé de faire d’Euroméditerranée un véritable « ensemblier urbain ».
Un immense chantier à ciel ouvert. Objectifs : doter Marseille de 20 000 emplois nouveaux à l’horizon 2012, mettre sur le marché 600 000 m2 de bureaux supplémentaires et ramener une population active au cœur de la ville.
A la fin des années 1990, des grues apparaissent enfin. Les premiers travaux concernent la voirie, les réseaux et quelques infrastructures. Au fil des mois, l’opération monte en puissance. Création de plusieurs ZAC, démolition d’îlots insalubres, réhabilitation de friches, implantation de bâtiments publics et privés, le site est bientôt un immense chantier à ciel ouvert. Nouvelle phase, nouvelle gouvernance.
Renaud Muselier a cédé la présidence à Jean-Claude Gaudin pour cause de responsabilités ministérielles ; et François Jalinot a été promu directeur général. La première tâche du duo a consisté à négocier le nouveau protocole financier de l’opération. L’épreuve a été longue et difficile, mais le résultat est là : 180 millions d’euros seront mobilisés sur le site par les acteurs publics au cours des six prochaines années. Désormais, rien ne semble devoir arrêter le processus de métropolisation Marseille. Euroméditerranée ira au bout de sa mission.