En quoi cette prolongation sur une durée de 10 ans, validée fin novembre, était-elle nécessaire ?
Nous avons acté qu’il fallait poursuivre le travail mené avec un principe de non-régression car ce qui a été produit est satisfaisant : nous sommes sur une bonne trajectoire de production de logements [environ 3 000 logements dont 1 000 LLS, 300 logements en accession encadrée (sociale ou abordable) et 1 700 logements en accession libre et locatifs intermédiaires ont été livrés fin 2022, NDLR] avec des équilibres de mixité sociale et fonctionnelle. Mais compte tenu du dérèglement climatique qui s’accélère et de la difficulté à être à la hauteur des enjeux de production de logements, on demande plus à l’EPA. Il lui fallait un niveau d’ambition suffisant et un peu de temps pour concrétiser des opérations à un rythme qui admet la concertation, la co-construction et un dispositif partenarial renforcé avec les collectivités. Le périmètre reste inchangé : les cinq territoires de projet demeurent (les trois ZAC, Floirac-Sud et Bègles-Faisceau).
Dans quelles mesures les moyens financiers qui l’accompagnent – 150 millions d’euros – modifient-ils l’action, le rythme, les ambitions… ?
La mise de départ était de 97 millions d’euros et aurait dû nous amener à 2030. Le bilan nous a permis de recalibrer les besoins, compte tenu des coûts du foncier, de construction, du niveau d’ambition et des investissements nécessaires pour les atteindre. Nous avions trois hypothèses de travail : une reproduction à l’identique, un scénario médian et un dernier plus ambitieux. Nous avons convergé vers le scénario médian à 150 millions d’euros qui admet ce principe de non-régression et va permettre de nouvelles opportunités pour financer davantage d’espaces publics, plus de végétalisation et imposer la décarbonation à nos partenaires, et à nous-mêmes.
« Nous allons intégrer davantage de logements sociaux à Bordeaux »
En quoi la feuille de route que vous présentez en est-elle le reflet ?
Avec les collectivités concernées, nous investissons ensemble davantage d’argent public pour financer la production de 25 000 logements, mais aussi la transition écologique et énergétique, ainsi que la conception d’une ville inclusive et qui crée de la valeur. Avec une attention soutenue à l’usage des fonds publics. Ces orientations vont guider la feuille de route et contractualisent les engagements de chacun dans un principe de solidarité. Au niveau des logements, il y a aura une évolution sur le mix programmatique : nous allons intégrer davantage de logements sociaux à Bordeaux pour rattraper son taux SRU, des BRS et du logement intermédiaire vont également être intégrés. Nous portons l’ambition de maintenir un prix plafonné pour le logement libre pour avoir un effet anti-spéculatif. Une adéquation entre les typologies des logements et les besoins des ménages est nécessaire : nous avons réalisé qu’il y avait un décalage, notamment concernant les petits logements, en particulier pour les étudiants. Et nous devons retravailler le mix entre le locatif et l’accession afin de répondre à la pénurie du marché locatif. Nous voulons également ajouter à cette programmation un effort de végétalisation important avec un accès à moins de 300 mètres de chez soi à un espace vert de qualité d’au moins 5 000 m2 et un objectif de 12 m2 d’espaces verts par habitant ; côté Garonne-Eiffel, ce chiffre est porté à 17,5 m2, grâce au parc Eiffel. Cette feuille de route sera finalisée en mars 2024, lors du prochain conseil d’administration.
Et concernant le volet économique ?
Produire du bureau à proximité de la gare pendant la première décennie était pertinent, même chose pour la rive droite qui, grâce aux deux ponts, se rapproche du secteur gare. Côté Souys à Floirac, nous aurons une production de bureaux plus équilibrée entre tertiaire et activités économiques, avec des locaux dédiés aux artisans, au second œuvre et à l’économie sociale et solidaire.
« Il faut reconnaître les évolutions induites par le télétravail »
Ce changement de cap est-il lié au contexte ou aux zones d’intervention ?
C’est une conjonction des deux et une attention portée au rythme d’écoulement des surfaces de bureaux pour ne pas créer une sur-offre. Il y a aussi une évolution dans les mètres carrés demandés : l’offre est plutôt sur des grandes surfaces divisibles, alors que la demande est sur des surfaces intermédiaires qui sont sans doute mal accompagnées. Nous ferons des propositions adaptées et mixtes, activités/bureaux, plutôt à destination des artisans. Par ailleurs, nous reconnaissons qu’il y a une forme d’inertie dans le modèle car même après un choc comme le Covid, nous sommes revenus aux mêmes schémas, sans faire évoluer ces sujets. Il faut reconnaître les évolutions induites par le télétravail et tenir compte du changement de comportement des acteurs, dans un contexte de financement plus compliqué.
En matière d’innovation, la première période d’Euratlantique portait sur la structuration d’une filière bois, quel nouvel objectif vise l’EPA pour cette seconde période ?
L’axe décarbonation est important. En propre sur nos maîtrises d’ouvrage – les infrastructures et les espaces publics – avec des matériaux décarbonés, une perméabilité plus importante des sols, une attention à la ressource en eau et à la biodiversité en ville. Dans les prescriptions aux opérateurs, nous allons redéfinir les objectifs de performance attendus avec une anticipation des réglementations environnementales futures ; c’est la condition du respect de la trajectoire de la neutralité carbone. Il faut d'ores et déjà des PC qui seront praticables à 2025 et on ira chercher une RE 2028 par principe, en admettant des propositions différentes plus variées pour encourager les innovations. Nous allons notamment tester une hypothèse « 22-26 » sur Amédée Saint-Germain (Baumschlager, architecte) : il s’agit d’un bâtiment dont la température est garantie entre 22 et 26 degrés, quelle que soit la saison. Nous travaillons également sur le rafraîchissement de Canopia, et peut-être de la ZAC de Bègles, par la Garonne. Nous aurons aussi un effort de solarisation sur les toitures à mener afin d’injecter de l’énergie renouvelable dans le réseau. Une étude de potentiel sur l’ensemble de l’OIN va être réalisée et nous travaillons avec Bordeaux Métropole sur le thème du tiers investisseur qui pourra investir ces toitures. Il s’agit de massifier des innovations qui, d’habitude, restent ponctuelles.
Vous indiquiez au printemps que le fonctionnement d’Euratlantique reposait sur une bonne santé économique des promoteurs. Comment appréhendez-vous cette nouvelle période dans ce contexte de crise ?
Etre dans un niveau bas du cycle économique ne doit pas nous inciter à baisser notre ambition. Nous essayons d’avoir un raisonnement sur le long terme avec une mobilisation de moyens complémentaires, comme le Fonds vert, l’Ademe, l’Agence de d’eau, etc. pour aborder les prochaines années dans les meilleures conditions possibles. Nous devons être agiles et donner du temps : ce qui n’est pas possible aujourd’hui le sera peut-être demain dans d’autres conditions. C’est aussi pour cela que nous avions besoin de cette prolongation.
« Nous sommes encore aujourd’hui sur des consultations de 2019, alors que nous sommes bientôt en 2024… »
Concrètement, à quoi doivent s’attendre les opérateurs qui vont répondre aux premières consultations de 2024 ?
Nous allons changer de rythme : la première consultation qui sortira après l’été 2024 sera peut-être moins ambitieuse en termes de fonciers disponibles pour pouvoir mieux les accompagner. Nous sommes encore aujourd’hui sur des consultations de 2019, alors que nous sommes bientôt en 2024… C’est extrêmement long pour un porteur de projet ! Nous allons rester sur des hypothèses de socle imposé et de propositions négociées pour essayer de donner des marges de manœuvre et faire valoir les qualités de chaque projet. Nous cherchons également à avoir une logique de projets intercalaires avec des fonciers maîtrisés (dents creuses, etc.). Il ne s’agit pas de faire de gros volumes, mais d’avoir des projets intéressants, en fonction des opportunités.