Equipement haut débit Quel cadre juridique pour les collectivités locales ?

Pour la desserte « haut débit » des logements et des entreprises, les collectivités doivent choisir la bonne technologie et le bon montage juridique. Jusqu’à présent, la plupart des projets d’initiative publique en la matière ont vu le jour dans le cadre de délégations de service public ou de marchés. Les contrats de partenariat ont pourtant là une carte à jouer, mais pas à n’importe quel prix.

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Amener les réseaux de fibre optique jusque dans les logements n’est financièrement viable pour les investisseurs privés que dans les très grandes agglomérations. A Paris par exemple, la densité du bâti limite la longueur du circuit, et l’utilisation du réseau d’égouts permet de se dispenser du génie civil. Pour les villes de banlieue ou de province, l’ampleur du génie civil à réaliser interdit la prise en charge de l’investissement par un seul opérateur privé, à l’exception de l’opérateur historique qui possède ses propres infrastructures.

En milieu urbain, seule la mise en place d’une infrastructure mutualisée (utilisable dans des conditions transparentes par tous les opérateurs) est à même de permettre à ses habitants ou à ses entreprises d’être raccordés en réseaux de fibres, et d’avoir le choix entre plusieurs fournisseurs.

Sur les zones d’activités, si les pouvoirs publics n’interviennent pas, seules les très grandes entreprises seront desservies. L’opérateur répercutera sur son client l’investissement consenti et se mettra une fois encore en situation d’exclusivité. En revanche, une intervention de la collectivité territoriale permettra aux entreprises situées sur son territoire de choisir entre plusieurs opérateurs, en supprimant la barrière à l’entrée que constitue le raccordement en génie civil ou en fibre optique, suivant les cas. Pour les zones d’activités en création, la loi du 29 juillet 1996 contraint la collectivité à la création d’infrastructures mutualisées à la disposition de tous les opérateurs dans des conditions transparentes et non discriminatoires.

Les arbitrages technologiques

Installation de fourreaux

La collectivité peut équiper son territoire en réseaux de fourreaux mutualisés. Les opérateurs tirent alors leurs propres fibres dans les fourreaux posés par l’aménageur ou la collectivité. Ils gardent la maîtrise de leur infrastructure et sa maintenance.

Le nombre de fourreaux, leur diamètre, le nombre de chambres, leur taille, doivent être qualifiés en fonction du nombre d’opérateurs et d’entreprises à desservir. Il faut notamment veiller à l’accessibilité de l’infrastructure, en particulier pour le raccordement des clients et la maintenance des réseaux.

Si le nombre de fourreaux et de chambres de tirage est trop important, les règles de partage peuvent s’avérer trop complexes et difficilement applicables en pratique. Au final, l’investissement requis peut se révéler prohibitif par rapport à ce qu’exigerait la mise en place d’un réseau de fibres mutualisé.

Réseau de fibres mutualisé

En mettant en place un réseau de fibres mutualisé, la collectivité diminue encore la barrière à l’entrée pour les opérateurs. Il est cependant nécessaire de s’assurer que l’architecture ainsi créée ne l’est pas en fonction des pratiques ou des préférences du constructeur, mais bien des contraintes d’utilisation des opérateurs.

L’appétence des opérateurs pour les infrastructures mises en place est à notre sens un élément essentiel à la réussite des projets : il s’agit de s’assurer en amont du projet de l’intérêt des utilisateurs potentiels par cette infrastructure. Outre les questions d’accessibilité et d’architecture technique, les conditions de mise à disposition économique des projets sont déterminantes.

Partage des infrastructures

Quelle que soit la solution adoptée, une gestion prévisionnelle avisée de l’implantation des fourreaux permettra de limiter l’investissement global à réaliser. Dans le même souci d’optimisation de son investissement, la collectivité locale doit se poser la question de règles de partage des infrastructures existantes. La loi du 29 juillet 1996 lui donne notamment quelques outils pour inviter les opérateurs à mettre leurs infrastructures à disposition des nouveaux venus. L’opérateur historique a également déclaré être prêt à louer ses fourreaux disponibles sur les zones d’activités.

Un montage administratif adapté

Le montage administratif est la conséquence directe des choix stratégiques et économiques mis en place. Parmi les solutions les plus utilisées, on trouve : la régie directe ou les marchés publics pour la construction, assortis d’un contrat de service ou d’affermage pour l’exploitation ; les délégations de service public ou encore les contrats de partenariat prévus par l’ordonnance du 17 juin 2004. Ces derniers n’ont toutefois pas encore trouvé pour l’instant d’application dans le domaine des infrastructures haut débit.

Peuvent également être imaginées des conventions d’autorisation assorties de règles de partage équilibrées.

Délégations de service public

Jusqu’à présent, la plupart des projets d’initiative publique en matière d’infrastructures de télécommunications se sont faits dans le cadre de délégations de service public (DSP). C’est, dans la mesure où l’économie des projets le permet, le régime qui semble le mieux adapté à la mise en œuvre et à l’exploitation de réseaux de télécommunications. La formule rencontre cependant une limite : certains projets exigent une participation de la collectivité publique supérieure à 70 %. Bien que la règle ne soit pas écrite, c’est en effet le seuil communément admis pour respecter la qualification de délégation de service public.

Par ailleurs, il s’agit de respecter la règle – là encore non écrite – selon laquelle une partie significative des revenus du délégataire doit être constituée par les redevances versées par les utilisateurs de l’infrastructure mise en place.

Marchés de travaux

Pour la desserte de certaines zones blanches (zones dans lesquelles il n’y a aucune offre ADSL), la formule du marché de travaux a parfois été retenue, assortie d’un contrat d’affermage pour l’exploitation. La délégation de service public peut également se révéler difficilement envisageable pour la desserte des zones d’activités : l’investissement requis pour le maillage d’une zone d’activités reste trop important au regard des revenus générés par les redevances d’utilisation des opérateurs.

Rappelons qu’il ne s’agit pas ici d’une logique comptable, mais d’une logique d’aménagement pour la collectivité. La collectivité peut alors s’orienter vers un marché de travaux, assorti d’un marché de services ou d’un contrat d’affermage. Pour beaucoup, cette solution présente un inconvénient majeur : la dissociation de la construction et de l’exploitation peut conduire à des incohérences et à des conflits d’intérêt entre le fermier ou le prestataire de service et le constructeur.

Pour la plupart des élus, cette solution a surtout l’inconvénient de conduire la collectivité à financer l’intégralité du projet. Cependant, dans la pratique, les entreprises répondent en beaucoup plus grand nombre aux marchés de travaux, et ce faisant, sont contraintes de faire un effort conséquent sur les prix.

Cette « économie » peut compenser en partie la part que pourrait prendre le financement privé dans de tels projets.

Contrat de partenariat

Reste le contrat de partenariat public-privé. Celui-ci permet en effet à la collectivité d’éviter cette dissociation entre la réalisation du réseau et son exploitation. En outre, il offre la possibilité pour la collectivité de reporter sur son partenaire privé une partie de l’investissement. Enfin, il ouvre à ce dernier de nouvelles solutions de financement, telles que le crédit-bail.

Il souffre néanmoins de sa nouveauté et du très faible nombre de références dans le domaine en France, si ce n’est aucune ! Cette formule doit donc faire ses preuves, plusieurs collectivités (conseil régional d’Auvergne, conseil général de Meurthe-et-Moselle) souhaitant jouer les précurseurs.

La complexité de sa mise en œuvre semble définitivement dissuasive pour les projets de petite taille. Cependant, elle a, à notre sens, trois mérites :

– permettre à la collectivité de reporter sur les acteurs privés une partie de la charge de l’emprunt ;

– établir des relations contractuelles mieux adaptées à la spécificité de chaque situation que ne le sont les contrats de délégation de service public ;

– mieux articuler investissement et fonctionnement que ne le font les marchés de travaux.

Ses conditions de mise en œuvre strictes peuvent expliquer le très petit nombre de collectivités à avoir envisagé un partenariat public-privé dans le domaine des initiatives locales en matière de télécommunications : les articles L 1 414-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT) imposent d’une part l’urgence ou la complexité du projet, et d’autre part la démonstration d’une plus-value non négligeable par rapport aux marchés publics ou aux délégations de service public.

Urgence et complexité

Les notions d’urgence et de complexité restent très liées à la perception de l’autorité chargée du contrôle de son application.

Le comité d’orientation de la mission d’appui à la réalisation de contrats de partenariat public-privé (MAAPP) est composé de 37 représentants de toutes les parties intéressées (Etat, collectivités locales, organismes professionnels, etc.). Cela pourrait préjuger d’une approche pragmatique de la qualification des contrats, notamment pour les zones blanches ou les zones d’activités.

Plus-value

En matière de plus-value par rapport aux marchés publics ou aux délégations de service public, les contrats de partenariat peuvent apporter à la collectivité des solutions de financement.

La liberté contractuelle qu’ils autorisent peut être l’occasion de mettre en œuvre des partenariats plus adaptés à la spécificité technique et économique de l’aménagement des zones d’activités en infrastructures de télécommunications mutualisées, mais les projets doivent être d’une taille suffisante pour justifier l’investissement en « matière grise » effectué par chacune des parties.

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