Lorsqu'un Irlandais et un Sud-Africain parlent « d'engagement », « d'accélération » et de « collectif », ils ne parlent pas forcément de rugby. Et si Conor O'Riain, directeur général Europe d'Ecocem, et Edward Woods, directeur R & D et Innovation de Bouygues Construction, ont sans doute déjà eu l'occasion d'échanger à ce sujet, leur rencontre le 15 janvier dernier portait bien sur l'enjeu crucial du monde de la construction : la décarbonation.
Réunis à Challenger, siège de Bouygues Construction à Guyancourt (Yvelines), les deux hommes ont signé un partenariat global en matière d'innovation pour déployer ACT, la technologie de ciment bas carbone développée par Ecocem. « Nous n'avons pas le temps d'attendre des solutions technologiques lointaines qui demandent des investissements énormes, comme la capture et le stockage du CO2. Toutes les solutions bas carbone mises en œuvre par Bouygues Construction doivent apporter des performances optimales, un usage dans des conditions standard de chantier et pouvoir être économiquement viables ainsi que déployables à grande échelle. Et ACT promet tout cela », a expliqué Edward Woods.
« Nous n'avons pas le temps d'attendre des solutions technologiques lointaines. » - Edward Woods, directeur R & D et Innovation de Bouygues Construction
Pas de changement dans les pratiques. Pour Conor O'Riain, ce partenariat représente une validation de sa technologie, développée sur près d'une décennie de recherche. Le mélange spécifique de minéraux, de laitiers de hauts- fourneaux et de certains adjuvants, combinés à une distribution granulométrique optimisée, permet de réduire de 70 % les émissions de CO2 d'une tonne de ciment. Mais surtout, ACT peut être produit dans presque toutes les cimenteries existantes sans investissement particulier ou modification significative et ne nécessite pas de changement dans les pratiques de mise en œuvre sur chantier.
« Via des tests grandeur nature, Bouygues Construction va montrer une voie vers l'utilisation à grande échelle de notre solution. Son adoption par un leader de l'envergure de ce groupe marque un tournant décisif dans la décarbonation du secteur du BTP. C'est, pour nous, plus qu'un coup de pouce, cela représente une accélération énorme », s'enthousiasme l'industriel.
Une maquette grandeur nature sur site. En effet, après que le pôle Ingénierie et Matériaux de Bouygues Construction aura mené un programme complet de tests pour évaluer la performance d'ACT en conditions de laboratoire, les compagnons du groupe seront appelés à couler des voiles de béton sur le site de Scale One, le tiers lieu d'innovation de la major à Chilly-Mazarin (Essonne). « Ces murs seront montés dans des conditions hivernales et estivales, puis instrumentés avec des capteurs afin de garantir la rigueur des essais sur l'ensemble du processus : préparation, mise en œuvre, coulage, mesures de maturité et décoffrage précoce du béton », a précisé Edward Woods. Enfin, une maquette grandeur nature, incluant tous les composants structurels - dalles, murs, poteaux et poutres -, sera réalisée sur le site dans les conditions habituelles de travail. « En parallèle, Ecocem devrait obtenir dans le courant de l'année une Atex couvrant 80 % des applications chantier d'ACT », a assuré Conor O'Riain.
Alors que le groupe irlandais a près d'une trentaine de chantiers tests en cours dans le monde - « nous coulons par exemple du béton bas carbone sur le site de Wembley à Londres », a confié son directeur général - et 75 « NDA » (non-disclosure agreement, accord de non-divulgation), son nouveau partenaire veut croire au succès de ce mode de coopération. « Essayons de faire bloc, faisons jouer le collectif pour faire bouger les lignes », a lancé, comme un appel, Edward Woods. On vous l'assure, il ne parle pas de rugby.