Les ombrières sur parking, nouvel eldorado du photovoltaïque

Si l'obligation de solarisation aiguise l'appétit des installateurs, les acteurs du commerce dénoncent quant à eux un manque de concertation.

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La loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (Aper) impose aux propriétaires de centres commerciaux, hôpitaux, entreprises, etc. de couvrir par des dispositifs de panneaux solaires 50 % de la surface de leurs parkings extérieurs existants de plus de 1 500 m², voies de circulation comprises. Sur le territoire national, la surface totale à couvrir est ainsi estimée entre 45 et 75 millions de mètres carrés. Un vivier qui offre un potentiel énorme de production d'électricité solaire : jusqu'à 11 GW selon l'étude d'impact réalisée pour le projet de loi Aper.

bâtiment bas carbone de l'énergéticien Idex : « Pour notre part, nous l'estimons entre 10 et 20 GW, et personnellement je le situe plutôt autour de 15 GW. Il s'agit là d'une puissance colossale. Rendez-vous compte que 15 GW, c'est l'équivalent de toute la puissance photovoltaïque installée en France à fin 2022 [17 GW aujourd'hui selon Enedis, NDLR], comparable à celle de six ou sept EPR ! » Le potentiel est donc gigantesque et doit se matérialiser rapidement, l'obligation d'installation s'échelonnant entre 2026 et 2028 selon les installations.

Optimiser la gestion de projet. Problème : le délai entre le lancement d'un projet et sa livraison peut aujourd'hui aller jusqu'à dix-huit mois. « Le chantier d'installation dure quatre mois en moyenne dans les conditions optimales, six mois en site occupé. Mais le plus long reste le permis de construire et la préparation du chantier, comme dans tous les projets de BTP », explique Edouard Roblot. « L'optimisation de la gestion de projet est un sujet crucial », confirme Clémence Bourcey, responsable commerciale ombrières Start chez Solstyce, constructeur de centrales photovoltaïques. « Il faut gérer la relation avec la mairie pour les autorisations, avec Enedis pour le raccordement, prendre l'avis d'un géomètre, de différents bureaux d'études… » Au regard de ces contraintes, « nous n'arriverons clairement pas à tout livrer dans les temps », concède Edouard Roblot. Les décrets d'application, encore en attente, qui fixent les surfaces concernées et les critères d'exonération de l'obligation d'installation de panneaux (lire encadré p. 10), permettront d'accélérer les procédures. « L'article 40 de la loi Aper prévoit un décret qui simplifiera les démarches. Aujourd'hui, un permis de construire est nécessaire, mais demain, une déclaration préalable suffira. Cela devrait réduire la durée de réalisation des projets », espère Clémence Bourcey.

Si elle aiguise les appétits des installateurs qui voient s'ouvrir devant eux un immense marché, cette obligation ne fait pas forcément le bonheur des acteurs du commerce. Ainsi, la fédération la Fact déplore-t-elle aussi bien les délais serrés pour se conformer à l'obligation que les « injonctions contradictoires » des pouvoirs publics, la couverture des parkings venant percuter les grandes ambitions du plan de transformation des zones commerciales annoncé en septembre 2023. Le délégué général de la Fact, Christophe Noël, ne comprend ainsi pas la logique de figer, avec ces parkings recouverts d'ombrières, de l'immobilier commercial dans sa forme actuelle (lire l'entretien ci-contre).

Les arguments pour convaincre les propriétaires de franchir le pas sont donc à trouver ailleurs. « On peut insister, par exemple, sur le rôle que peuvent jouer ces ombrières dans la réduction de l'impact carbone de l'entreprise. En effet, les parkings sont déjà des zones artificialisées, peu optimisées, générant des îlots de chaleur importants. Des ombrières peuvent participer à résoudre ces problèmes, souligne Clémence Bourcey. De plus, de simple lieu de passage, le parking devient désormais un espace qui permet de générer, en plus de l'électricité, de la valeur d'usage grâce au confort apporté aux utilisateurs : protection contre les intempéries, la pluie, le soleil. » Selon la responsable commerciale, beaucoup d'acteurs de la grande et moyenne surface qui se sont équipés d'ombrières remarquent une fréquentation accrue par temps de pluie. « Enfin, il n'est pas compliqué d'expliquer à un acteur soumis au , qui impose des objectifs très ambitieux de réduction des consommations d'énergie, tout l'intérêt de produire sa propre énergie et de réduire sa dépendance au réseau. C'est gagnant-gagnant », estime-t-elle.

« Un retour sur investissement entre dix et quinze ans ». Le prix, quant à lui, pose un problème relatif. Si, aujourd'hui, une installation de 1 MWc avec des bornes de recharge pour véhicules électriques coûte autour de 1,2 à 1,5 M€, cet investissement peut être soutenu par l'installateur qui revend ensuite l'énergie produite au propriétaire du parking. « L'installation permet de couvrir 30 % de ses besoins quotidiens et l'électricité coûte en moyenne 20 à 30 % moins cher que celle du réseau, soit entre 120 et 160 € le mégawatt », met en avant Edouard Roblot. « Le temps de retour sur investissement est évalué entre dix et quinze ans, en fonction des possibilités d'implantation des ombrières et de leur orientation », complète Clémence Bourcey.

Forte de ces certitudes, la filière se met en place pour une montée en puissance sans précédent. « Il y en a pour cinq à dix ans. Et il faut respecter la temporalité de cette mise en place, assume Edouard Roblot. Cela suppose de construire la confiance avec les clients et d'installer des actifs robustes et pérennes. Aujourd'hui, Idex est capable de prendre en charge une centaine de mégawatts par an. Mais pour la montée en cadence industrielle, il faut de la main d'œuvre. Le plus gros frein est sans doute celui-là : trouver les bons profils ». Même constat chez Solstyce : « Le déploiement et la croissance de notre business unit impliquent un plan de recrutement, confirme Clémence Bourcey. En parallèle, nous proposons à l'ensemble de nos collaborateurs un parcours de formation qui permet de partager les savoir-faire. » Après cela, les nombreux acteurs présents sur le marché pourront se disputer les places à prendre.

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