Décryptage

Energie : les ETI du BTP, sous le soleil exactement

La conjoncture et la réglementation poussent des entreprises de travaux à se développer sur le photovoltaïque. Une stratégie qui se révèle prometteuse.

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Montée en puissance du parc photovoltaïque en autoconsommation  (en nombre d’installations, cumulées par trimestre) Source : France Territoire Solaire
Montée en puissance du parc photovoltaïque en autoconsommation (en nombre d’installations, cumulées par trimestre) Source : France Territoire Solaire.

On ne conçoit plus un bâtiment sans penser à l'énergie, et pour en produire, le photovoltaïque reste le moyen le plus simple et le moins coûteux. Sébastien Debet, directeur opérationnel de Legendre Energie, filiale du groupe du même nom, résume bien ce qui se joue actuellement pour les ETI du BTP. Les prix de l'énergie, qui ont commencé à flamber en 2021, devraient continuer sur leur lancée : selon une note de l'Insee publiée en février dernier, les prix de vente de l'électricité fournie aux clients professionnels devraient augmenter de 84 % en 2023 en moyenne annuelle par rapport à 2022, hors mesure « amortisseur électricité » du gouvernement.

En plus de ce contexte économique incitatif, la législation (lire encadré ci-contre) a élargi les obligations d'installations, ce qui encourage les entreprises du bâtiment à se positionner sur ce marché. Et certaines ont un coup d'avance, à l'instar de Legendre, qui a lancé sa filiale en 2016, de Serfim en 2018 et du groupe Lhotellier en 2019. Parfois, l'activité est investie pour générer de nouveaux revenus. « Notre projet partait d'un constat simple : nous avions du foncier en propre inutilisé qui n'attendait qu'à être exploité », explique Sophie Laval, directrice de Serfim EnR, qui s'est fait la main en équipant les terrains et les toitures des bâtiments du groupe. D'autres fois, le virage est le fruit d'une stratégie de diversification, comme pour Léon Grosse. « Nous voulions aussi faire évoluer notre modèle économique vers plus de revenus réguliers », ajoute Olivier Delamarre, directeur stratégie, développement, marketing et RSE du groupe de BTP.

Tiers-financement et autoconsommation. Chez l'ensemble des acteurs interrogés, il ne s'agit plus de proposer un service, mais bien de devenir un développeur d'énergies renouvelables. Pour y parvenir, ils tablent sur un modèle de tiers-financement, basé sur l'autoconsommation du client. Le schéma est simple : après avoir démarché des propriétaires, comme les industriels dont les bâtiments sont dotés de grandes toitures, l'entreprise propose de financer, poser et exploiter les panneaux photovoltaïques. En retour, l'industriel cède l'exploitation des panneaux sur une durée comprise entre douze et trente ans. Il perçoit ainsi un loyer de la part du prestataire et bénéficie d'une énergie à prix compétitif. L'entreprise du bâtiment, elle, amortit son investissement sur le long terme par la vente de l'électricité à l'industriel. D'autres modèles plus classiques existent sur le marché, comme la rémunération sur la pose et/ou la maintenance des panneaux solaires.

« Le photovoltaïque est devenu un lot de la construction comme les autres, et nous pouvons l'intégrer dans nos bâtiments. », Quentin Verbecke, directeur métier énergie de Lhotellier

L'offre de service est tellement bien rodée que « le photovoltaïque est devenu un lot de la construction comme les autres, et nous pouvons l'intégrer dans nos bâtiments », juge Quentin Verbecke, directeur métier énergie chez Lhotellier. Par ailleurs, le positionnement sur l'énergie ouvre de nouveaux marchés. « C'est aussi le moyen d'aller chercher des clients avec lesquels nous avions moins l'habitude de travailler, comme les industriels », ajoute Olivier Delamarre.

Bien sûr, cette diversification dans le domaine du photovoltaïque demande du temps mais aussi des compétences que les entreprises du bâtiment ne possèdent pas. Pour les acquérir, deux solutions s'offrent à elles : le rachat ou le développement organique. La seconde voie a été choisie par Léon Grosse, qui n'a pas trouvé satisfaction dans des acquisitions potentielles. Le groupe a donc développé sa marque Sunopée entre 2021 et 2023, pour laquelle il a notamment dû embaucher des commerciaux et des techniciens. Finalement, il a recruté 15 salariés sur 25, et formé le reste du personnel en interne, notamment les électriciens.

Nouvelles compétences. Lhotellier a pris un chemin de traverse. D'abord en créant Solédra en 2019 afin de se positionner en Normandie via un modèle de tiers-financement. En rachetant Terre Solaire en 2021, le groupe a fait un bond en intégrant la compétence de pose des panneaux solaires, qu'elle sous-traitait auparavant. « En raison de la mauvaise réputation du photovoltaïque (lire ci-dessous) , nous avons fait le choix de nous développer dans le secteur grâce au rachat d'un acteur de référence sur le marché », justifie Quentin Verbecke.

Cette stratégie de diversification est légitimée au vu de l'augmentation du nombre de raccordements de panneaux photovoltaïques cumulés au réseau d'électricité public : il est passé de 5 146 au premier trimestre 2015 à 9 077 sur les trois premiers mois de 2020 avant de connaître une forte accélération et atteindre 14 873 unités au quatrième trimestre 2022. Bénéficiant largement aux grandes et très grandes toitures en autoconsommation, cette croissance pousse les entreprises du bâtiment à se dire optimistes. Si les projets avancent encore lentement, les ambitions sont là, tout comme les résultats : la branche énergie du groupe Lhotellier table sur un chiffre d'affaires (CA) de 45 millions d'euros en 2023 contre 30 millions en 2022, avec l'objectif pour Terre Solaire d'atteindre les 50 millions d'euros de CA d'ici cinq ans contre 12,5 millions en 2022.

Petite histoire assurantielle et réglementaire du photovoltaïque

L'histoire du photovoltaïque en France depuis 2007 est mouvementée. Alors que le secteur avait de beaux jours devant lui, le ciel s'est vite assombri à partir des années 2010. A un prix élevé, l'énergie photovoltaïque connaît un effet d'aubaine. L'Etat tente alors de reprendre le contrôle en baissant les tarifs de 12 %, puis en mettant en place un moratoire sur les contrats d'achat qui refond l'environnement tarifaire de la filière en 2011. Au même moment, les sinistres en série alertent les assureurs : « Beaucoup de sociétés financières ont investi dans le photovoltaïque entre 2007 et 2010, épaulées par les assurances, se souvient Franc Raffalli, fondateur et directeur général de la société spécialisée dans la pose de panneaux Sys EnR et président du Groupement des métiers du photovoltaïque de la FFB (GMPV-FFB). Seulement, il s'agissait de technologies en intégration totale de première génération : des problèmes d'étanchéité sont apparus, les panneaux solaires ne fonctionnaient plus, et certaines installations ont même causé des départs de feu ». Conséquence : les assurances délaissent le secteur.

Remise à plat des process. L'ensemble de ces événements provoquent « une traversée du désert entre 2012 et 2016 », raconte Franc Raffalli. Finalement, la filière se rapproche des assureurs en 2017 afin de remettre à plat les process, ce qui donne lieu en particulier à un partenariat entre le GMPV et le SMA BTP en 2020. Côté réglementation, la loi Energie et climat de 2019 a l'effet de déclencheur chez les entreprises du bâtiment, qui commencent alors à se positionner sur le marché. Elle oblige en effet l'installation de panneaux solaires ou procédés de végétalisation pour tout nouvel entrepôt ou bâtiment commercial ayant plus de 1 000 m² d'emprise au sol. Une réglementation accentuée par la loi Climat et résilience de 2021, qui entrera en vigueur en juillet 2023 : les constructions et extensions de 500 m² de surfaces commerciales, industrielles, artisanales ou les stationnements publics ouverts sont concernés, ainsi que les bureaux de plus de 1 000 m2 d'emprise au sol. La loi EnR adoptée le 10 mars 2023 étend ces mesures (lire également p. 54) : à compter du 1er janvier 2025, les nouveaux hôpitaux, équipements sportifs récréatifs et de loisirs ainsi que bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaires seront aussi assujettis à ces obligations.

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