Embarquement de la performance énergétique lors de travaux importants : les détails du projet de décret

Le projet de décret sur l’embarquement de la performance énergétique d’un bâtiment dès que des travaux importants y sont réalisés s’inscrit dans une démarche d’obligation « douce », entre la contrainte généralisée et l’absence de mesure impérative. Voici les détails du texte que le Moniteur.fr s’est procuré ainsi que les interrogations des professionnels.

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Isolation thermique par l'extérieur

Actuellement en consultation, le texte, dont la publication est envisagée au premier trimestre 2016 pour une entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2017, précise les nouvelles obligations applicables lors de certains travaux sur des bâtiments existants, résidentiels et tertiaires. Toutefois, seuls sont concernés les bâtiments à usage d’habitation, les bureaux et les établissements d’enseignement.

Conformément à l’article 14 de la loi transition énergétique, le projet de texte reprend le principe de « l’embarquement » des travaux de performance énergétique lors de rénovations importantes : isoler les façades à l’occasion de leur ravalement, isoler les toitures lors de leur réfection et améliorer la performance énergétique des pièces ou partie de bâtiments résidentiels existants qui font l’objet de travaux d’aménagement pour les rendre habitables.

Concernant les façades, l’obligation s’applique lors de travaux de ravalement sur des parois non isolées de locaux chauffés, donnant sur l’extérieur, c’est à dire des façades dont « le coefficient de transmission thermique U est supérieur à 0,70W/(m².K) ». L’administration détaille les travaux à réaliser : réfection de l’enduit existant, remplacement d’un parement existant ou mise en place d’un nouveau parement, concernant au moins 50% d’une façade du bâtiment, hors ouvertures.

Pour les toitures, l’obligation s’applique à « des bâtiments dont la toiture ou le plancher haut du dernier niveau habité n’est pas isolé, c’est-à-dire si son coefficient de transmission thermique U est supérieur à 0,50 W/(m ².K). Les travaux de réfection concernent le remplacement ou le recouvrement d’au moins 50% de la couverture, hors ouvertures ».

L’obligation d’embarquer la performance énergétique des pièces ou parties de bâtiments résidentiels existants porte sur les combles, garages annexes ou toute autre pièce non habitable d’un bâtiment résidentiel, d’une surface minimale de plancher de 5 m², non enterrée ou semi-enterrée. Il s’agit ici d’isoler les parois opaques.

En revanche, le texte n’indique rien sur une autre obligation introduite en cas de rénovations importantes, celle d’installer des équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie, susceptible pour l’utilisateur de maitrise ses consommations d’énergie, comme l’article 14 (alinéa 5) de la loi Transition Energétique le précise.

Les exceptions

Une fois définis les champs d’application et la nature des travaux, le texte reprend le critère européen de « soutenabilité » en  libérant de cette obligation d’embarquer la performance énergétique en cas d’impossibilité juridique, technique ou architecturale ou de disproportion manifeste d’un point de vue économique. Plusieurs règles sont ainsi posées.

Sont exclues de l’obligation les travaux d’isolation non conformes aux servitudes, dispositions réglementaires en matière de droit des sols ; les travaux non autorisés par l’architecte concepteur du bâtiment, au titre de son droit de propriété intellectuelle ; les travaux d’isolation des murs par l’extérieur entraînant des modifications de l’aspect de la construction dans les secteurs sauvegardés, les abords des monuments historiques, les sites classés ; les travaux où un risque de pathologie ou de dégradation du confort d’été peut exister…

Le projet de décret prévoit aussi que l’obligation de travaux embarqués ne s’applique pas si le surcoût est trop important, l’assiette prise en compte pour calculer ce surcoût inclut les travaux induits par cette isolation,  et si le temps de retour sur investissement dépasse dix ans ; le maître d’ouvrage devant justifier ce temps de retour par une note réalisée par un homme de l’art.

Des avis partagés et des questions en suspens

L’idée d’obligation de travaux n’a pas toujours été accueillie favorablement par tous les acteurs concernés, comme l’ont montré les conclusions du rapport sur le sujet, rendu fin 2013 par le groupe de travail du Plan bâtiment durable qui n’a pas pris position sur une obligation généralisée de travaux.

Interrogée par le Moniteur.fr, la FFB reste prudente et estime que pour être viable, le dispositif proposé doit respecter deux exigences : « offrir un environnement sécurisé pour les entreprises mais aussi pour les clients et être financièrement supportable pour les ménages, ce qui impose la prise en compte du montant de la dépense pour ne pas faire rimer ce décret avec une quelconque vision punitive ». Et ce sont bien les points du temps de retour sur investissement inférieur à 10 ans et du surcoût de l’opération qui interpellent.

La FFB considère en effet que le retour sur investissement calibrée à 10 ans maximum peut « paraître approprié en première analyse, à condition que les parties ne puissent pas polémiquer sur la méthode ». Pour cela, « certains éléments doivent être précisés :

- le prix de l’énergie pris en compte, ce qui n’est pas simple. S’agit-il de l’énergie utilisée par le client ? Un panier de références ? ;

- le calibrage des économies associées au calcul du temps de retour : s’il ne peut s’agir que d’une estimation conventionnelle, comment est-il envisagé de communiquer auprès des ménages afin d'éviter les malentendus et les contentieux ?

- l’évaluation du surcoût : s’agissant d’une estimation par l’entreprise, quelle sera le formalisme à respecter par l’entreprise pour pouvoir attester de la validation de ce montant par le client ?

- la méthode de calcul, qui a priori exclut toute actualisation et toute prise en compte de la dérive monétaire ».

Quant au surcoût amorti en dix ans, la fédération estime « qu’il représente un effort immédiat conséquent, trop conséquent pour bien des ménages » et qu’il pourrait même « se révéler rédhibitoire pour le porte-monnaie d’un ménage même après prise en compte des aides financières publiques, sauf à être en capacité de lui fournir un tiers financement. Le calibrage du seuil de disproportion ne doit pas constituer un frein pour les travaux de bâtiment dans un secteur déjà en difficulté ». Raison pour laquelle la FFB souhaite que la règle du temps de retour sur dix ans soit complétée par une règle relative au surcoût. Elle propose que «  l’obligation de travaux s’applique si le temps de retour est inférieur à dix ans et si le surcoût ne dépasse pas 20% du coût global de l’opération. Dans le cas de surcoût supérieur à 20%, l’obligation de travaux ne s’applique que si le temps de retour est inférieur ou égal à cinq ans ». Par contre, elle n’est pas favorable à la mise en place d’un plafond pour le surcoût, du type « aucune obligation par exemple ne s’applique si le surcoût est supérieur à 100% ». Cela entraînant une trop grande complexité.

Pour le bureau d’études Pouget Consultants, cette obligation d’embarquer la performance énergétique va dans le bons sens. « Très bonne nouvelle que d’embarquer la performance! Nous sommes convaincus que la massification passera par ce vecteur entre autres », affirme Charles Arquin, responsable du pôle construction et rénovation au cabinet d’études. Le thermicien ne peut que se réjouir de ce futur décret, lui qui en 2011 a co-écrit en 2011 le « guide ABC – Amélioration thermique des bâtiments collectifs » dont l’objectif était déjà d’embarquer la réhabilitation énergétique avec la revalorisation ou requalification globale du bâtiment. « Cet embarquement est aussi valable pour d’autres éléments constitutifs d’un bâtiment », rajoute-t-il, estimant que l’on peut aller plus loin. Quant au niveau exigé, le projet de texte fait référence à la RT Existant actuelle, « une autre bonne nouvelle car cela suppose que ses exigences vont être réactualisées d’ici la date d’application du décret en janvier 2017 » se réjouit Charles Arquin. Une révision d’un texte obsolète demandée par nombre de professionnels.

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