Effet de l'expiration du délai de 90 jours sur l'offre d'indemnité présentée par l'assureur dommages-ouvrage

Construction -

Cass. 3e civ., 16 février 2022, nº 20-22.618

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Faits

Une société entreprend, en qualité de maître d'ouvrage, la réalisation d'un ensemble immobilier composé de trois bâtiments à destination de bureaux, logements et commerces. À ce titre, la société souscrit deux polices d'assurance dommages-ouvrage.

La réception des travaux est prononcée avec réserves, au sujet notamment de la fixation des cassettes de bardage sur la façade d'un des bâtiments. Faute de reprise desdites réserves, une déclaration de sinistre est effectuée au sujet de ce désordre.

Après expertise amiable, l'assureur dommages-ouvrage formule une proposition d'indemnisation acceptée par le maître d'ouvrage.

Mais, invoquant le fait que l'indemnisation versée incluait la prise en charge de travaux sans lien avec le désordre déclaré, la compagnie d'assurance demande le remboursement d'une partie de l'indemnité allouée sur le fondement de la répétition de l'indu.

La cour d'appel de Caen accueille les prétentions de l'assureur en retenant notamment que ce dernier n'entendait pas « revenir sur la reconnaissance du caractère généralisé du désordre ni sur la mobilisation de sa garantie, mais sur la nature des éléments devant donner lieu à indemnisation » pour estimer en l'espèce que le devis ayant servi de base au calcul de l'indemnisation intégrait des travaux non concernés par la déclaration de sinistre.

Un pourvoi en cassation est formé.

Question

L'assureur dommages-ouvrage peut-il, après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours imposé pour formuler une offre d'indemnité, contester la définition des travaux propres à remédier aux désordres déclarés ?

Décision

La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des relatif à l'assurance dommages-ouvrage et 1235 ancien du Code civil relatif à la répétition de l'indu.

En combinant ces deux fondements, la haute juridiction considère qu'il « résulte de ces dispositions que l'assureur ne peut plus contester, après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, la définition des travaux propres à remédier aux dommages déclarés et dont il a offert l'indemnisation ». Elle ajoute que « l'assureur ne peut réclamer la restitution d'indemnités affectées par l'assuré à l'exécution des travaux que cette indemnité était destinée à financer ».

La Cour rappelle, en outre, que, pour permettre à l'assureur de demander à l'assuré de lui restituer une partie de l'indemnité, il convient de démontrer soit que « le délai de quatre-vingt-dix jours pour formuler une offre d'indemnisation n'est pas expiré », soit que l'assuré « n'a pas employé l'indemnité versée à la réparation des désordres ».

Commentaire

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient affirmer l'effet de purge du délai de quatre-vingt-dix jours à l'encontre de l'assureur dommages-ouvrage puisque, passé ce délai, ce dernier ne peut plus contester, sauf à démontrer que les sommes n'ont pas été affectées - en totalité ou en partie - à la réalisation des travaux préfinancés, le principe de sa garantie ni le montant de l'indemnité versée, fusse en se prévalant de la nature non décennale de certains des désordres indemnisés.

Ce délai de purge commence à courir à compter de la réception de la déclaration du sinistre.

Cette solution semble renforcer le caractère impératif des délais imposés à l'assureur en matière d'assurances de construction. En effet, la Cour de cassation a déjà jugé à propos du délai légal de soixante jours laissé à l'assureur pour se prononcer sur le principe de sa garantie, que ce celui-ci ne peut plus revenir à l'issue de ce délai, sur la position prise 2 ou encore que l'assureur qui n'a pas pris position dans ce délai, ne peut plus contester le principe de sa garantie 3.

Cet arrêt nous semble ensuite conforter l'objectif ayant présidé à l'instauration de l'assurance dommages-ouvrages, à savoir le préfinancement rapide et efficace des travaux nécessaires à la réparation des désordres subis par le maître d'ouvrage pendant la période décennale.

Pour ces raisons, la solution adoptée nous paraît équilibrée et légitime dès lors que, a contrario, offrir à l'assureur, auquel la loi accorde déjà un délai raisonnable de cinq mois - deux mois pour admettre le principe de sa garantie et trois mois pour proposer les modalités de celle-ci -, un délai supplémentaire pour revenir sur sa position, conduirait selon nous, à annihiler l'objectif de préfinancement rapide inhérent à l'assurance dommages-ouvrage.

2 Cass, 3e civ., 17 février 2015, nº 13-20.199

3 Cass, 3e civ., 3 décembre 2003, nº 01-12.461

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