Eau pluviale : " le label HQE reflète les limites de la réglementation française "

Thierry Jacquet, fondateur de la société Phytorestore qui s'est fait connaître avec son concept breveté de jardins filtrants, nous parle de son activité et nous livre sa vision internationale des réglementations relatives à la gestion de l'eau et son regard sur les écoquartiers.

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Vous avez fondé la société Phytorestore en 2004, aujourd'hui vous avez implanté plus de 200 dans l'hexagone. Pourriez-vous définir la place que vous occupez dans les projets d'aménagement ?

Notre métier n'existe pas, nous l'avons inventé. En France nous ne rentrons dans aucune case et, à l'étranger, dans la liste de l'équipe de maîtrise d'œuvre on figure en tant qu' " ecological landscape designer ".

Concrètement, Phytorestore est une entreprise de « recherche et développement » travaillant sur l'utilisation des plantes pour la dépollution des sols, l'épuration des eaux usées ou l'assainissement de l'air intérieur. D'autre part, nous faisons de la maîtrise d'œuvre, en développant des applications quasi industrielles.

Peut- être qu'en nous parlant des projets que vous menez actuellement nous arriverions mieux à situer les frontières de vos domaines d'interventions.

Côté recherche, 5 doctorants ont intégré nos équipes. Nous disposons d'un programme de recherche avec le CNRS et nous lancerons prochainement de nouvelles variétés végétales. Du fait de cette activité, nous déposons beaucoup de brevets. J'invite d'ailleurs tous les architectes paysagistes à en faire de même.

Côté maîtrise d'œuvre, beaucoup de nos projets se mettent en place en Algérie, notamment dans la Wilaya d'Alger, où les équipes chargées de l'environnement sont d'ailleurs très compétentes. Nous avons en charge le traitement des eaux usées de l'autoroute d'Alger, l'aménagement paysager du port de Tipaza.

A Pékin, on travaille avec Carrefour sur l'installation d'un jardin filtrant fournissant de l'eau épurée à une climatisation solaire.

En France, sur le projet d'éco-quartier de l'île Saint-Denis, on installe des jardins filtrants qui fourniront la biomasse nécessaire à l'alimentation d'une chaudière à Cogénération.

Au final, notre jardin filtrant n'est qu'un moyen de « renaturer » la ville. Notre objectif, à travers nos différents projets, c'est d'introduire de la biodiversité.

Vous êtes urbaniste de formation mais, à vous écouter, vous passez votre temps à installer de plantations. Quel est votre rapport avec le paysagisme et les paysagistes ?

Avec les paysagistes, nos relations sont ambigües. Autrement dit, en France, il y a en trois ou quatre qui veulent bien travailler avec nous. En fait, il y a deux courants dans le paysagisme français. Le courant défendu par Gilles Clément définit le paysagiste comme un jardinier dont le métier est de planter. Avec ce courant là, nous entretenons une relation amicale.

Parallèlement, le courant dominant considère le paysagiste comme un créateur artistique.

Pour ma part, je ne pense pas qu'il faille rechercher l'esthétique pour l'esthétique, mais plutôt essayer de rendre belles des choses fonctionnelles et donc très contraignantes.

Aussi, il faut dire que notre démarche perturbe les projets actuels car nous ne proposons pas d'images sensationnelles.

Que pensez-vous de la réglementation relative à l'eau en France et de la prise en compte de sa gestion par le label HQE ?

Concernant la réglementation française, je dirais poliment qu'elle est contraignante et inappropriée au développement d'une gestion écologique de l'eau. Il faut dire qu'on partait de loin. Il y a dix-sept ans, quand j'ai commencé, il était choquant de prévoir des zones humides dans un projet d'aménagement. Le chemin à parcourir en France, pour être doté d'une réglementation sur l'eau adaptée à une approche environnementale de son utilisation, est encore long.

En Chine, où Phytorestore a une activité importante, nous nous rendons compte que la réglementation est nettement plus favorable à la mise en place de systèmes de traitement et de gestion de l'eau écologiques. Le jour où nous aurons, en France, les standards chinois actuels dans le domaine, nous pourrons alors parler d'une véritable révolution culturelle.

D'ailleurs, reflète assez bien les limites de la réglementation française. Nous, à Phytorestore, aimons beaucoup (Leadership in Energy and Environmental Design) car il intègre des exigences précises quant à la gestion de l'eau contrairement au label HQE qui propose une approche trop générale sur ce sujet.

Le mot « écoquartier » envahit les présentations d'aménagement. Quel regard portez-vous sur l'apparition de ce mot dans le lexique des maîtres d'œuvre et maîtres d'ouvrage français ?

Aujourd'hui, au dire des équipes de maîtrise d'œuvre et des maîtres d'ouvrages, il semblerait que toutes les zones d'urbanisations futures sont des écoquartiers. Pour moi, un écoquartier est une zone qui bénéficie d'un ensemble d'équipements écologiques complémentaires, offrant de bonnes performances économiques.

Quand j'entends parler d'un projet d'écoquartier, je prête une attention particulière à la manière dont le maître d'œuvre ou d'ouvrage justifie l'appellation. Trop souvent, seule l'installation de panneaux photovoltaïques ou la conservation d'aires d'infiltrations d'eaux pluviales suffit à user du terme « écoquartier ». Si l'on ne s'attarde que sur la thématique de l'eau, un traitement sur place des eaux usées m'apparait déjà comme une des exigences minimum pour prétendre à l'appellation d'écoquartier.

Concernant les performances économiques, il faut, à mon avis, que l'équipement offre de réelles économies d'exploitations et donc un « pay-back » relativement rapide. Des bureaux d'études et de conseils, tels que Tribu par exemple, raisonnent autrement et considèrent que le surcoût représente un investissement pour l'avenir. A mon sens, l'écologie et la compétitivité économique sont, dés aujourd'hui, indissociables.

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