Droit moral de l’architecte sur un ouvrage public : deux juges pour statuer !

Le contentieux autour de la Philharmonie de Paris a donné au Tribunal des conflits l’occasion de préciser une question de partage des compétences juridictionnelles.

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© Jacques-Franck Degioanni / Le Moniteur - La Philharmonie de Paris a été inaugurée en janvier 2015 alors même que son chantier n'était pas achevé.

Seul le juge judiciaire est compétent pour apprécier l’atteinte au droit moral d’un architecte ; et seul le juge administratif est ensuite compétent pour ordonner la remise en état de l’ouvrage public. Ce sont donc deux décisions que doit obtenir Jean Nouvel, titulaire (avec la société Ateliers Jean Nouvel) du marché de maîtrise d’œuvre pour la conception et la réalisation de la Philharmonie de Paris, pour voir réparer ce qu’il estime être une dénaturation de son œuvre. Ainsi en a décidé le Tribunal des conflits dans une décision du 5 septembre 2016.

L’architecte avait en effet saisi le tribunal de grande instance pour faire condamner sous astreinte l’établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris à faire exécuter tous travaux nécessaires à la remise en état de son œuvre. Ayant essuyé un échec, il a fait appel. C’est à ce stade que le préfet de Paris a soulevé une question de compétence : il estimait que la juridiction administrative était seule compétente pour statuer sur une telle demande. La cour d’appel ayant balayé ce « déclinatoire de compétence », le litige arrive devant le Tribunal des conflits. Lequel donne une grille de lecture très claire. La question posée par cette affaire est en réalité double, et doit donner lieu à deux décisions.

Première étape : y a-t-il atteinte au droit moral de l’architecte, et celui-ci subit-il un préjudice ? C’est au juge judiciaire d’en décider et à lui seul. Mais il ne peut en revanche, précise le Tribunal des conflits, « ordonner des mesures de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité d’un ouvrage public (1) » (voir aussi T. confl., 17 décembre 2012, n°3871).

Seconde étape : sur la base d’une décision du juge judiciaire établissant le préjudice subi par l’architecte auteur, le juge administratif et lui seul est compétent pour ordonner la réparation de ce préjudice par la réalisation de travaux sur l’ouvrage.

Impossible de zapper une étape, souligne le Tribunal des conflits : le juge administratif, s’il était saisi d'entrée de jeu, devrait saisir le tribunal de grande instance à titre préjudiciel pour que celui-ci se prononce d’abord sur l’existence de l’atteinte au droit moral et du préjudice.

Tribunal des conflits, 5 septembre 2016, n°4069.

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