Ententes et abus
Vers un plus large accès aux informations sur les prix des terrains constructibles. Saisie par l'association Consommation, Logement et Cadre de vie (CLCV), inquiète de l'augmentation du prix moyen du mètre carré de terrain, l'Autorité de la concurrence considère, dans un avis, qu'une plus grande transparence tarifaire est de nature à fluidifier le marché. Elle se félicite dès lors des textes récents qui ont élargi l'accès aux professionnels et aux particuliers des bases de données des notaires et des services fiscaux. Elle rappelle que l'accès à ces bases devra s'effectuer dans des conditions objectives et non discriminatoires. Enfin, elle recommande que le dernier arrêté attendu concernant les bases notariales soit adopté au plus vite pour finaliser le dispositif (à la date de finalisation de cette chronique, tel n'était pas le cas).
Avis de l' (www.lemoniteur.fr/prixdufoncier).
La clarification de la responsabilité du fait du recours à un prestataire pour l'élaboration d'une offre. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) n'a pas souvent l'occasion de traiter de sujets d'ententes dans les appels d'offres, plus souvent examinés par les autorités et juridictions nationales. Dans une affaire sur renvoi des juridictions lettones, elle est venue préciser les conditions dans lesquelles un soumissionnaire peut être tenu pour responsable des agissements collusifs de son prestataire intervenu pour le compte d'autres soumissionnaires et ayant coordonné les différentes offres.
Dans une telle hypothèse, le soumissionnaire ne peut être tenu responsable que : si le prestataire opérait en réalité sous sa direction ; ou si le soumissionnaire avait connaissance des objectifs anticoncurrentiels du prestataire et entendait y contribuer par son propre comportement ; ou encore si le soumissionnaire pouvait raisonnablement prévoir les agissements anticoncurrentiels de son prestataire et des autres soumissionnaires et était prêt à en accepter le risque.
CJUE, 21 juillet 2016, « SIA “VM Remonts”, SIA “Ausma grupa” c. Kon-kurences padome », aff. C-542/14 (www.bit.ly/konkurences).
Deux entreprises d'ingénierie sanctionnées pour entente lors d'appels d'offres d'assistance foncière. Sur la base d'une enquête de la DGCCRF, des indices d'ententes dans le cadre des marchés découlant d'accords-cadres conclus par un pouvoir adjudicateur avec deux entreprises d'ingénierie avaient été transmis à l'Autorité de la concurrence. L'affaire était assez banale, et les marchés concernés, situés en Rhône-Alpes, de faible ampleur. L'un des intérêts de l'affaire réside dans la fixation des amendes infligées au regard de la méthodologie de calcul en matière d'ententes sur appels d'offres. Le montant de base de l'amende est fixé sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires total en France des entreprises, et non du montant des seuls marchés concernés. Cela conduit l'Autorité de la concurrence à retenir un pourcentage de 0,8 % qui aboutit à des amendes dépassant toutefois nettement le montant total des marchés concernés…
Décisions de l' (www.bit.ly/epora27) et n° 16-D-28 du 6 décembre 2016 (www.bit.ly/epora28).
Concentrations
Le règlement européen sur les concentrations en rénovation. La révision du règlement européen sur le contrôle des concentrations est résolument en marche. Au-delà de la proposition - sur la table depuis déjà plusieurs mois - de créer un contrôle spécifique des participations minoritaires, s'ajoute aujourd'hui une réflexion sur la pertinence de seuils abaissés ou différents pour les transactions qui passent en deçà des seuils actuels et peuvent néanmoins susciter des problématiques de concurrence. Si la préoccupation exprimée par la Commission européenne concerne avant tout des secteurs assez éloignés du BTP (économie numérique, brevets pharmaceutiques), ces règles, si elles sont adoptées, s'appliqueront à tous. L'Allemagne a ainsi récemment rendu public un projet de loi afin d'introduire un seuil alternatif en valeur de la transaction de 400 millions d'euros dès lors que la cible exerce une activité significative dans le pays.
Commission européenne, « Evaluation des aspects procéduraux et juridictionnels du contrôle des concentrations dans l'UE », 3 août 2016 (www.bit.ly/règlementconcentrations).
Enquêtes
Les pouvoirs d'enquête simple déclarés conformes à la Constitution. Les pouvoirs d'enquête des agents de l'Autorité de la concurrence, de la DGCCRF et de la Direccte leur permettent, sans ordonnance judiciaire et sur la simple mention orale de l'objet de leur enquête, d'avoir accès à tous les locaux professionnels et d'y demander communication de tous documents professionnels. L'entreprise et les personnes physiques qui refuseraient de s'y soumettre s'exposent à des sanctions administratives et/ou pénales. Ce mode d'enquête apparaît totalement dépassé au vu des enjeux que recouvrent les procédures de concurrence aujourd'hui. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a déjà émis quelques doutes sur des dispositifs comparables existant dans d'autres Etats membres, lorsqu'aucun recours judiciaire n'est ouvert pour contester les mesures prises dans ce cadre. Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que ces pouvoirs s'exerçaient sans contrainte possible et que l'absence de recours ne posait dès lors aucune difficulté par rapport à la CEDH.
Les entreprises qui s'estimeraient victimes d'actions dépassant le cadre légal ou qui s'estimeraient insuffisamment éclairées sur le champ de l'enquête concernée, peuvent toujours soulever une contestation dans le cadre de la procédure au fond devant l'Autorité - avec le succès que l'on sait. Elles peuvent aussi, bien plus sûrement à notre avis, répondre de la manière la plus limitée aux demandes des enquêteurs. Le Conseil constitutionnel a en effet souligné que les pouvoirs d'enquête simple « ne permettent pas d'exiger la communication de documents protégés par le droit au respect de la vie privée ou par le secret professionnel », pour les considérer conformes aux principes fondamentaux.
Conseil constitutionnel, 8 juillet 2016, , « Société Brenntag » (www.bit.ly/brenntag).
Les enregistrements téléphoniques secrets sont des moyens de preuve admissibles au niveau européen. Le Tribunal de l'UE s'est démarqué de la jurisprudence française en jugeant que la Commission européenne pouvait utiliser des enregistrements de conversations téléphoniques, réalisés à l'insu de participants à ces conversations, en tant que moyen de preuve complémentaire pour établir une entente anticoncurrentielle. Les enregistrements avaient en l'occurrence été trouvés au cours d'inspections, et la Commission les avait utilisés, entre autres éléments de preuve, pour établir l'infraction. Le Tribunal considère que de tels éléments de preuve sont admissibles dès lors qu'ils ont été soumis au débat contradictoire et qu'ils ne constituent pas le seul élément de preuve pour asseoir la condamnation. Notamment, le fait qu'ils aient été obtenus en violation du droit au respect de la vie privée n'affecte pas la régularité de leur recueil par la Commission au cours des inspections. On se souvient qu'en France, la Cour de cassation avait pour sa part décidé que les enregistrements réalisés par une partie et remis à l'Autorité de la concurrence devait être écartés des débats par cette dernière pour avoir été recueillis de façon déloyale…
Tribunal de l'UE, 8 septembre 2016, « Goldfish BV, Heiploeg BV, Heiploeg Beheer BV, Heiploeg Holding BV c. Commission », aff. T-54/14 (www.bit.ly/goldfishbv).
Sujet à suivre
Majorations de sanctions pour financer l'aide aux victimes : l'Autorité de la concurrence également concernée. La loi du 3 juin 2016, qui a adopté un certain nombre de mesures de renforcement de la lutte contre le terrorisme, a réintroduit un dispositif qui avait déjà fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel. Il consiste à permettre au juge de majorer les amendes pénales dans la limite de 10 % de leur montant pour contribuer à financer l'aide aux victimes. Le mécanisme a été étendu aux sanctions de l'Autorité de la concurrence. Or, 10 % de majoration peuvent rapidement représenter quelques millions d'euros et annuler le bénéfice de réductions d'amende au titre de la non-contestation des griefs ou des circonstances atténuantes.
renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (www.bit.ly/majoration10).
