Ententes et abus
Rejet de saisine dans le secteur des agrégats à Saint-Pierre-et-Miquelon. En 2012, l'Autorité de la concurrence avait constaté la configuration singulière de l'offre d'agrégats à Saint-Pierre-et-Miquelon : un groupement d'intérêt économique (GIE) organisait l'accès à la carrière qui constituait la principale ressource de ce matériau dans l'archipel. Elle avait retenu plusieurs griefs d'entente et d'abus de position dominante collective, le GIE conduisant à répartir l'activité entre ses membres. Ceux-ci avaient renoncé à contester les griefs et pris des engagements, notamment pour organiser l'accès des tiers à la production de la carrière sur des bases objectives, transparentes et non discriminatoires.
Quelques années plus tard, un acteur exerçant en aval dans le secteur du béton a saisi l'Autorité pour non-respect des engagements du GIE. Le saisissant mettait en cause tant les conditions d'accès au statut d'associé de la société en nom collectif qui avait pris la suite du GIE que les tarifs pratiqués à son égard par cette dernière, qu'il jugeait discriminatoires par rapport aux tarifs accessibles aux associés. La saisine a toutefois été rejetée pour défaut d'éléments probants sur les deux points.
Décision 22-D-09 du 10 mars 2022.
Finalisation de la révision des règles relatives aux accords verticaux. Le secteur du BTP est peu impacté par les principales évolutions apportées par le nouveau règlement d'exemption vertical adopté par la Commission européenne qui définit les conditions auxquelles doivent répondre les accords conclus entre deux acteurs situés à un niveau différent de la production et de la distribution. La réforme s'est en effet concentrée sur les nouveaux modes de commercialisation en ligne et la distribution sélective.
On notera pour ce qui peut aussi concerner le BTP qu'aucun assouplissement n'a pu être obtenu sur l'interdiction des prix de revente imposés. Et que les échanges d'information associés aux accords de distribution passés par des fournisseurs qui distribuent également leurs produits en direct bénéficient d'une protection désormais réduite. L'adoption du nouveau règlement constitue donc une bonne occasion pour le secteur de la construction de revoir la conformité de ses accords de distribution existants, même si cette revue sera plus légère que dans d'autres secteurs.
de la Commission du 10 mai 2022 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.
Lignes directrices sur les restrictions verticales, 10 mai 2022.
Politique de conformité concurrence et anticorruption.
L'Autorité de la concurrence a remanié son document-cadre sur les programmes de conformité, essentiellement pour mieux structurer les recommandations faites aux entreprises en la matière. Il y a peu d'évolution notable si ce n'est l'expression toujours plus ferme de ses attentes en la matière.
Le nouveau document insiste comme le précédent sur les fondamentaux :une déclaration claire, ferme et publique des organes de direction et, plus généralement, de tous les cadres et mandataires sociaux sur la nécessité de respecter les règles de concurrence et de soutenir le programme de conformité de l'entreprise ; la désignation, par les organes de direction, lorsque la structure de l'entreprise le permet, de personnes responsables en interne de la gestion du programme de conformité ; la mise en œuvre de mesures d'information, de formation et de sensibilisation des salariés de la société ; des mécanismes de contrôle et d'alerte ; une procédure de traitement des demandes de conseil et d'alerte, ainsi qu'une procédure de sanction en cas de non-respect du programme de conformité.
Ce texte intègre aussi le bénéfice des nouvelles dispositions issues de la directive « ECN+ » du 11 décembre 2018 qui ont considérablement accru le risque de sanction pesant sur les entreprises pour les pratiques commises au sein des associations dont elles sont membres. L'un des seuls moyens effectifs de réduire ce risque devenu majeur réside dès lors dans la mise en œuvre de programmes de conformité également au sein de ces associations. Le nouveau document-cadre évoque aussi à cet égard l'étude de l'Autorité sur les organismes professionnels publiée le 27 janvier 2021.
De son côté, l'Agence française anticorruption (AFA) a choisi le BTP pour publier son premier guide sectoriel sur la mise en place de dispositifs de prévention anticorruption.
Les thématiques étant très proches, les programmes de conformité existants pourront utilement être revus et, le cas échéant, complétés, à la lumière de ces nouveaux documents.
Document-cadre du 24 mai 2022 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.
Guide pratique « La mise en place d'un dispositif de prévention des risques de corruption dans le secteur du bâtiment et des travaux publics » (février 2022).
Concentrations
Mouvements de concentration dans le secteur des panneaux. L'irlandais Kingspan, l'un des principaux fournisseurs de panneaux isolants en Europe, a abandonné en avril 2022 son projet d'acquisition de Trimo, fabricant slovène de panneaux sandwichs en fibres minérales. Notifié à la Commission européenne, le projet avait conduit à l'ouverture d'une procédure dite « phase 2 » en raison d'un risque de réduction de la concurrence dans plusieurs Etats membres, dont la France, appelant des engagements substantiels. Mais Kingspan et la société mère de Trimo ont préféré mettre un terme à leur projet.
Quasiment au même moment, Bruxelles annonçait l'ouverture d'une phase 2 concernant cette fois les panneaux en bois. L'autrichien Kronospan a en effet notifié son projet d'acquérir son concurrent polonais Pfleiderer Polska en février 2022, l'opération conduisant à des chevauchements importants notamment en Pologne. L'acquéreur n'a pas soumis de proposition d'engagements en phase 1. La Commission doit désormais déterminer si l'opération peut être autorisée à l'issue de son examen approfondi, avec ou sans engagements.
Communiqués de presse de la Commission européenne des 22 et 5 avril 2022.
Enquêtes
Extension du secret professionnel de l'avocat. Les avancées en matière de protection du secret professionnel ne sont pas nombreuses, d'où l'intérêt d'un arrêt de la Cour de cassation confirmant que des communications internes à l'entreprise reprenant la stratégie de défense mise au point par l'avocat ou encore destinées à analyser les pratiques de l'entreprise afin de préparer sa défense dans le cadre de cette stratégie, sont également couvertes par le privilège avocat-client. Jusqu'à présent, il était nécessaire de montrer que la communication interne reprenait une communication d'un avocat ou était destinée à l'avocat, avec de sérieuses difficultés lorsque l'avocat n'était pas directement mentionné. Cette décision sera donc plus qu'utile en condition d'enquête pour prévenir la saisie de telles pièces.
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A suivre…
Contrôle des subventions étrangères qui faussent la concurrence. Au début de l'été, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'UE sont parvenus à un accord provisoire à propos du projet de règlement sur les subventions étrangères faussant le marché intérieur.
Ce texte définit la subvention étrangère de manière large pour couvrir toute contribution financière de pays tiers qui confère un avantage à une entreprise exerçant une activité économique sur le marché intérieur de l'UE, quelles qu'en soient les modalités (subventions, garanties de prêt, renoncement à des recettes normalement exigibles, etc.). Il propose la mise en place de trois outils de contrôle des subventions étrangères : - une notification préalable des projets de concentration pour lesquels une partie réalise plus de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'UE s'imposera dès lors que les entreprises concernées ont reçu, au cours des trois années civiles précédant la notification, au moins 50 millions d'euros de subventions de la part de pays tiers ; - dans les procédures de passation des marchés publics d'une valeur supérieure à 250 millions d'euros, une déclaration d'absence de contribution financière étrangère au cours des trois dernières années, ou à défaut la notification préalable au pouvoir adjudicateur de toute contribution financière étrangère reçue durant cette période, constituera une condition d'attribution des marchés. Tout défaut de notification pourra être sanctionné par une amende. Sur la base de cette notification, la Commission pourra obtenir des engagements pour éliminer la distorsion de concurrence. A défaut de recevoir de tels engagements, elle pourra interdire l'attribution du marché à l'entreprise concernée ; - un outil général d'enquête permettra à la Commission d'intervenir et d'enquêter plus largement sur les éventuelles restrictions de concurrence susceptibles de résulter de telles subventions en dehors des procédures de notifications spécifiques.
Ce nouveau règlement pourra offrir un terrain d'action dans de multiples secteurs, dont celui du BTP qui a donné lieu dans la période récente à des interventions sur les marchés européens d'entreprises de pays tiers percevant ce type d'aides.
Accord provisoire sur le règlement relatif aux subventions étrangères du 11 juillet 2022.