La proposition de directive européenne sur les services provoque un tollé dans les organisations professionnelles du bâtiment et des travaux publics. Proposé en janvier par la Commission, ce projet de directive vise à réduire « la paperasserie qui étouffe la compétitivité », selon les termes des commissaires européens. L'objectif paraît simple : il s'agit de permettre aux entreprises de s'installer dans un autre pays membre de l'Union sans trop de formalités. Mais la réalité s'avère complexe tant les Etats membres ont appris à protéger finement leurs marchés. La Commission leur propose donc de supprimer les charges administratives et la paperasserie superflue qui empêchent les entreprises d'offrir leurs services ou d'ouvrir des établissements dans d'autres Etats membres.
Intention louable pour un marché qui représente 50 % de l'ensemble de l'activité économique européenne. Et c'est là que le bât blesse. L'ambition est telle qu'elle ne parvient pas à faire l'unanimité chez les professionnels. A commencer par ceux de la construction, qui reprochent à ce texte aux visées simplificatrices... sa complexité extrême.
C'est notamment l'avis de la Confédération européenne des artisans, l'EBC, représentée en France par la Capeb. « Même les spécialistes ont quelques difficultés à comprendre le sens de certaines mesures », estime la confédération. Elle ajoute que « cela conduit à des interprétations contradictoires qui ajoutent à la confusion ».
Le problème de base, estime l'EBC, est la volonté de la Commission européenne de s'attaquer à tous les services, du secteur de la construction aux coiffeurs. Il aurait mieux valu adopter une approche sectorielle, permettant de prendre en compte les particularités de chacun. De plus, le texte irait bien au-delà de sa vocation initiale, remettant ainsi en cause tous les systèmes nationaux conçus pour assurer un haut niveau de qualité et de protection des consommateurs.
Une directive aux effets en cascade
Autre écueil, selon l'EBC : la réunion, au sein de cette directive cadre de plusieurs textes existants, tels que ceux relatifs au détachement des travailleurs, aux services publics et à la reconnaissance des qualifications professionnelles. « La question du détachement des travailleurs telle qu'elle est envisagée dans la proposition nous inquiète particulièrement », déclare ainsi Wilhelm Küchler, président de la Fédération de l'industrie européenne de la construction (Fiec). Le texte proposé reviendrait, selon lui, à supprimer l'application pratique de la directive sur le détachement et aurait pour première conséquence de faciliter le dumping social et le travail non déclaré.
Le second point qui inquiète pour l'heure la fédération est l'application du principe du « pays d'origine », qui risque de faciliter les pratiques abusives par la création d'entreprises « boîtes postales ».
Un texte complexe et opaque, aux conséquences lourdes pour le secteur, qui promet donc de belles empoignades à la veille de son passage au Parlement et au Conseil des ministres européens.