La consultation publique menée l’été dernier sur ce qui était alors un projet de décret plantait bien le décor : « Chaque année, en moyenne, quatre-vingts tempêtes et cyclones affectent les régions tropicales. Au cours des cinquante dernières années, plus d’un demi-million de personnes ont péri lors du passage de cyclones tropicaux à travers le monde. » Par exemple, en septembre 2017,le cyclone Irma a fait 11 victimes et plus de 200 blessés dans les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et causé plus de 2 Md€ de dégâts, notamment sur le bâti. « Il est estimé que 95 % des bâtiments ont été endommagés à des degrés divers et environ 20 % des bâtiments à Saint-Martin ont été totalement détruits. »
Règles spécifiques
D’où la nécessité de règles spécifiques pour la construction neuve de bâtiments exposés à des risques de vents cycloniques. Prévu par les articles L. 132-3 du Code de la construction et de l'habitation et L. 563-1 du Code de l'environnement, le décret paracyclonique est enfin paru au « Journal officiel » du 25 novembre 2023 – avec deux ans de retard sur le calendrier annoncé. Ses dispositions entreront en vigueur à une date définie par arrêté et au plus tard le 1er janvier 2026.
Les objectifs sont clairement définis par l’article L. 132-3 du CCH précité : les bâtiments exposés doivent « préserve[r] la sécurité des personnes présentes dans les bâtiments » et leur conception et construction « limite[r] les dommages qu'ils encourent en cas d'épisode cyclonique ». Le décret du 23 novembre (art. R. 532-2-1 et suivants du CCH) définit le périmètre géographique concerné : les territoires des collectivités de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte. Les nouvelles règles qu’il édicte s’appliquent aux bâtiments nouveaux, « y compris reconstruits », mais aussi aux « bâtiments existants modifiés par juxtaposition, surélévation ou création de surfaces nouvelles [ou] faisant l'objet de modifications de structure importantes ».
Approche proportionnée
Le décret, retenant une approche proportionnée, classe les bâtiments soumis au dispositif en quatre catégories presque identiques à celles existantes en matière de risque sismique, « selon l'importance du risque que leur défaillance fait courir aux personnes ainsi qu'aux intérêts privés ou publics » (la catégorie I visant les risques minimes pour les personnes ou l'activité économique, la IV les risques majeurs pour la sécurité civile, pour la défense ou pour le maintien de l'ordre public). Il soumet les bâtiments de classe III et IV au contrôle technique obligatoire.
Impact économique du dispositif
« Le surcoût cumulé de la construction neuve de bâtiments atteindrait 0,4 Md€ à 1,8 Md€ sur la période 2023-2072. A l’inverse, chaque ensemble de constructions neuves livré chaque année permettrait d’éviter pour toutes les années suivantes un montant de dommages moyens annuels estimés à 56 M€/an, soit 2,8 Md€ de dommages cumulés évités sur la période 2023-2072.
Le ratio bénéfices/coûts […] s’établit à 1,5 dans le scénario le moins favorable et à 6,4 dans le plus favorable. [...] Les ratios calculés par île sont plus élevés à La Réunion qu’aux Antilles, en raison principalement des écarts entre les nombres annuels de constructions neuves, mais aussi de la variabilité de la vulnérabilité des biens et de l’intensité des vents de référence applicable localement pour une période de retour donnée. Enfin, les ratios sont plus élevés pour les constructions résidentielles que pour celles non-résidentielles.
L’impact supporté par les collectivités locales sera principalement lié au surcoût qui portera sur la construction des bureaux et des bâtiments dédiés à la mise en œuvre des services publics à la charge de ces collectivités. Ce surcoût est estimé entre 0,9 M€ et 2,4 M€ chaque année, en moyenne sur 50 ans, mais il sera partiellement, voire totalement compensé par les dommages évités (fourchette s’étalant entre un surcoût de 0,8 M€ par an et un gain de 0,6 M€ par an). L’impact de la réglementation est moins favorable pour les bâtiments des collectivités territoriales que pour l’ensemble des bâtiments. Ce résultat s’explique principalement par les deux raisons suivantes : d’une part, la réglementation est moins efficace et efficiente pour les bâtiments non résidentiels que pour les bâtiments résidentiels, notamment du fait des surcoûts importants générés par le renforcement au vent des bâtiments en structure acier. D’autre part, les collectivités assureront avec l’État la gestion des bâtiments refuges et autres bâtiments dédiés à la gestion de crise, dont les exigences de résistance au vent sont supérieures à celles des autres bâtiments. »
Source : présentation de la consultation publique sur le décret paracyclonique
Catégorie par catégorie
Les précisions techniques se concentrent dans le futur article R. 132-2-4 du CCH. Celui-ci dispose que « les règles particulières de construction paracyclonique édictées pour les bâtiments de chaque catégorie assurent la résistance de ceux-ci à des pressions découlant de vents de vitesses au moins égales à la vitesse des vents de référence correspondant à la période de retour de l'épisode cyclonique d'intensité maximale. Elles tiennent compte de l'orographie et de la rugosité du terrain » (l’orographie désignant la description des reliefs).
Mais le détail reste à venir : le décret renvoie en effet à un arrêté le soin de préciser davantage le champ d’application du dispositif, de préciser la répartition des bâtiments dans les quatre catégories selon leurs fonctions ou leurs dimensions et le nombre de personnes accueillies, de déterminer les périodes de retour des épisodes cycloniques d'intensité maximale ainsi que les vitesses de vent de référence associées, et enfin de fixer les règles particulières de construction paracyclonique.