Au vu du dernier texte réglementaire en date concrétisant l’ordonnance controversée du 26 septembre 2014, l’arrêté du 20 avril 2017 (relatif aux ERP neufs), aucun enseignement n’a été retenu de l’épisode des sas (le Conseil d'Etat avait censuré une partie d'un arrêté fixant la dimension des sas dans les parkings car celles-ci ne permettaient pas à une personne en fauteuil de faire demi-tour, ndlr). Et ce, tant par les rédacteurs des textes réglementaires que par leurs commanditaires politiques et ou hiérarchiques, répondant, sans aucun discernement ni appréhension des conséquences, à la seule obsessionnelle revendication des acteurs de l’ immobilier et de la construction : "simplifier les normes".
L'ancienne déléguée ministérielle à l’accessibilité, Marie Prost-Coletta ne déclarait-elle pas : "c'est ça la simplification : faire baisser les coûts de construction et les coûts de rénovation également. Par exemple, les portes devaient faire 83 cm dans le texte d'origine, on est arrivé à baisser le seuil à 77 cm, sachant qu'un fauteuil mesure 70 cm. Il ne faut pas mettre de l'argent là où ça ne sert à rien !".
Deux remarques s'imposent face à un tel raisonnement.
Première remarque : selon une telle logique, les ponts et les tunnels routiers devraient être calibrés selon la largeur d’une Clio puisque cette dernière est le modèle le plus vendu...
En réalité, et il est invraisemblable que l’ex DMA feigne de l’ignorer, les arrêtés des 1er août 2006, 8 décembre 2014, 24 décembre 2015, 20 avril 2017 et 28 avril 2017 retiennent tous comme largeur de référence celle d’un fauteuil roulant de 75 cm, conforme à la norme ISO 7176-5:2008, et non la largeur "faux alibi" de 70 cm.
Deuxième remarque : la largeur de 0,90m (0,83 m de passage utile) des portes des ERP est imposée par le règlement de sécurité dont l’avis du Conseil d’ Etat du 16 mars 2016 a implicitement confirmé la prévalence.
Aucun enseignement
Pour sa part, l’arrêté du 20 avril 2017, modifiant la réglementation "accessibilité" des ERP nouveaux, ne tire aucun enseignement de l’épisode des sas en se jouant des règles de sécurité. Il propose en effet de supprimer, pour ne pas en avoir compris l’origine et la finalité, certains espaces de manœuvre de porte et une main courante sur deux dans des escaliers qui, si ils voyaient le jour ne respecteraient pas, et de loin, les règles de l’art et de sécurité.
Pire encore, bien que l’Anpihm ait alerté de vive voix les rédacteurs de leur égarement, il concrétise les propos fallacieux de Mme Prost-Coletta en abaissant de 0,90m à 0,80m la largeur de TOUTES les portes de TOUTES les chambres de TOUS les ERP disposant de "locaux d’ hébergement", y compris (ce qui n’est pas le résultat d’une déduction par défaut puisque ces ERP sont explicitement listés dans l’arrêté évoqué) les portes des chambres des établissements hospitaliers et assimilés...
Ici encore, à l’instar de la dégradation des règles relatives aux sas, les dispositions remises en cause ne datent pas de la loi du 11 février 2005 mais de celle du 30 juin 1975. Elles n’avaient jusqu’alors jamais été remises en cause par quiconque tant elles répondaient aux besoins bien compris de tous.
Est-il nécessaire de rappeler, par exemple, que la largeur de 0,90m imposée aux portes des chambres des établissements hôteliers au titre de la sécurité garantit, incidemment, l’accessibilité des PMR et le confort des clients porteurs de bagages tout en facilitant l’activité professionnelle des personnels de service et d’entretien ?
A noter également que les portes des chambres sont "coupe-feu ½ heure" et donc plus épaisses que des portes de 0,80m standard. Dès lors, avec la nouvelle réglementation, le libre passage de 0,77m requis ne serait pas assuré.
Inconséquence ou incompétence
Comment comprendre et admettre, que des décideurs politiques, administratifs ou acteurs de la construction évoquant à longueur de temps la nécessité d’adapter la société aux conséquences du vieillissement de la population par le principe de "Conception Universelle", dégradent, par inconséquence ou incompétence, des dispositions y répondant naturellement depuis plusieurs décennies ? Combien de temps leur faudra-t-il pour comprendre que l’accessibilité est assurée à 90% par le simple respect des règles de sécurité incendie ? A croire que l’épisode des sas, pourtant des plus révélateur, ne leur a pas ouvert les yeux !
Quel sera le sort réservé à ce texte par le prochain gouvernement ? Pour sa part l’ANPIHM va lui en demander la suspension dans l’attente d’une réécriture pertinente annonciatrice de réelles avancées en matière d’accessibilité de la Cité.