Un constat fait l’unanimité : le Grand Paris est déjà là, au moins dans les contours de sa zone agglomérée. Au point qu’aucune équipe n’envisage d’extension urbaine véritable dans les décennies à venir. L’étalement urbain a déjà eu lieu, il n’ira pas plus loin ! Le foncier non-bâti, agricole ou forestier, est désormais considéré comme une ressource épuisable et rare qu’il s’agit de protéger et de valoriser. Pourtant, les prévisions quantifiées par le schéma directeur de la région Ile-de-France portent à 1,5 million le nombre de logements à construire d’ici à 2030, pour répondre aux besoins générés par la croissance démographique, le remplacement du parc vieillissant et la décohabitation. Dès lors, la question qui se pose est : où va-t-on les mettre ? Pour y répondre, les équipes se sont employées à répertorier sous forme d’inventaire les terrains « mutables » ou urbanisables à plus ou moins long terme. Il s’agit de zones occupées par des usages qui pourraient devenir obsolètes – friches industrielles, ferroviaires, militaires, hospitalières... – ou dont la réglementation empêche l’urbanisation – terrains en bord de rivière, de forêts, d’autoroute ou de nationale, le long des infrastructures de transports en commun. L’équipe Rogers en comptabilise plusieurs centaines d’hectares, et pour l’équipe MVRDV, c’est, à terme, 50 % de l’agglomération qui pourrait être concernée ! Ces terrains pourraient tous recevoir des logements, des activités, des équipements, comme le montre l’équipe Descartes en étudiant plus particulièrement les terrains délaissés le long des infrastructures.
A ces zones en mutation, les équipes s’appliquent à démontrer les possibilités de densifier certaines zones urbaines actuelles, notamment les zones pavillonnaires, les ensembles d’habitat social mais aussi des quartiers de bureaux comme La Défense. Plusieurs expressions sont employées : « Faire la ville sur la ville », « un urbanisme de recyclage »... Pour illustrer ce processus, les équipes n’hésitent pas à passer de la grande à la petite échelle – de l’agglomération à l’immeuble – en fournissant des exemples. Les équipes Secchi-Viganò et Descartes montrent comment densifier une zone pavillonnaire par petites touches (construction en mitoyenneté ou en fond de parcelle, surélévation d’un étage), l’équipe Nouvel comment installer des logements dans une zone d’activités, ou des bureaux et des commerces dans un ensemble de logements, en transformant les immeubles existants ou en les agrandissant. Même Paris est concerné avec la proposition de MVRDV de surélever d’un étage tous les bâtiments parisiens ! Cette augmentation de la densité conduirait à une plus grande mixité des fonctions, condition indispensable pour créer une ville vivante et animée, notamment dans les quartiers voués à l’unique fonction d’habitat.
Au final, du point de vue des formes urbaines, c’est la fin des modèles ou des théories plus ou moins dogmatiques. Personne ne songe plus à la table rase. Place au pragmatisme. Toutes les équipes soulignent l’importance de partir de l’existant, sans a priori, pour l’enrichir, l’augmenter, le transformer, voire le recycler.
« Les territoires ne sont plus des terres vierges à conquérir. Comme les ressources, ils sont en quantité finie. Il faut les préserver, ce qui ne veut pas dire nécessairement les conserver. Il faut comprendre (...) ce qu’ils ont de particulier et d’irremplaçable (...) et ensuite se demander comment les faire évoluer. » Jean Nouvel
« Les zones pavillonnaires, le diffus, ce n’est pas politiquement correct, mais c’est là, ça existe bel et bien aux limites de la ville dense. Quel devenir doit-on engager sur ces espaces ? » L'AUC