Délégation des aides à la pierre Où vont les collectivités locales ?

Depuis le 1er janvier 2005, les intercommunalités et les départements peuvent gérer et attribuer les aides publiques à la pierre dans le cadre d’une convention signée avec l’Etat. Un choix qui n’est pas sans risque, compte tenu de la pénurie foncière et des objectifs ambitieux du plan de cohésion sociale.

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Avec la loi « libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les départements ont, depuis le 1er janvier 2005, la possibilité de gérer et d’attribuer les aides publiques à la pierre dans le cadre d’une convention de délégation de compétence signée avec l’Etat. Cette délégation porte sur l’ensemble des aides destinées au logement locatif social et à la réhabilitation de l’habitat privé, « une première étape dans un processus de décentralisation de la politique du logement », souligne Jean-Marie Bockel, président de l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) qui vient de publier un « Livre blanc » sur ce sujet.

Défis à relever. L’Etat conserve un rôle prééminent : il définit les grandes orientations de la politique du logement (lutte contre la ségrégation sociale et urbaine, droit au logement) et les règles d’octroi des aides financières ; il répartit par région les enveloppes budgétaires, qui sont ensuite distribuées par les préfets de région entre départements et collectivités délégataires, après avis d’un comité régional de l’habitat. Mais, en optant pour la délégation, les EPCI et les départements peuvent disposer d’un outil essentiel pour exercer pleinement leurs responsabilités et devenir la véritable autorité organisatrice de la politique de l’habitat sur leur territoire (choix des opérations et de leur localisation, accélération des procédures, coordination des financements et des acteurs).

Pour autant, le choix de la délégation n’est pas sans risque pour ces collectivités : elles devront démontrer leur capacité à consommer les crédits délégués et à mener une politique de mixité sociale et de diversification de l’habitat. Le défi à relever est d’autant plus grand que le plan de cohésion sociale a fixé des objectifs ambitieux de relance de la production locative sociale et privée, lesquels doivent être déclinés dans les conventions.

Ainsi, dans le département de la Gironde, si le préfet a accepté de déléguer la compétence à la communauté urbaine de Bordeaux, il la refuse pour l’instant au conseil général au motif que celui-ci ne fait pas assez référence au plan de cohésion sociale.

Or, la mise en œuvre de ces objectifs, notamment en matière de locatif social, peut s’avérer difficile pour les groupements de communes confrontés à une pénurie foncière. La réussite de la délégation passe alors par la mise en place d’une politique foncière volontariste à l’échelle intercommunale (notamment en faveur de logements sociaux), ce qui suppose un engagement politique partagé des élus.

Premier bilan. En 2005, sept communautés d’agglomération, cinq communautés urbaines et quatre départements (dont le conseil général de Paris) ont signé avec l’Etat une convention de délégation. Cette année, 41 communautés d’agglomération et six communautés urbaines sont déjà signataires. Le degré d’engagement des communautés de communes reste très faible (trois seulement ayant pris la délégation) mais, selon une étude de l’Assemblée des communautés de France (1), 26 % envisagent de se lancer à moyen terme dans ce dispositif après l’adoption de leur programme local de l’habitat (PLH).

Les départements restent prudents : un tiers d’entre eux seulement envisage, pour le moment, de signer une convention. Les autres sont dans l’expectative. Les plus motivés sont les plus urbains (hors Ile-de-France) et les plus actifs en matière de politique du logement. Les départements à caractère rural ne sont que 31 % à vouloir s’engager dans ce dispositif (2). Cette année, 16 départements ont opté pour la délégation.

En Ile-de-France, la délégation ne suscite guère d’engouement. Pour 2006, aucun département ne s’est porté candidat et seule la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise a signé une convention de délégation.

Reste à savoir si l’échelon départemental ou intercommunal est le plus adéquat pour résoudre la crise du logement en Ile-de-France. Cette région constitue, de par ses caractéristiques géographiques et démographiques, une vaste agglomération urbaine. Lors de l’examen du projet de loi « Engagement national sur le logement », plusieurs parlementaires ont proposé que la région Ile-de-France devienne bénéficiaire de la délégation des aides à la pierre, à charge pour elle de subdéléguer la gestion de ces aides aux départements et aux EPCI. Mais, faute de consensus politique, cette proposition n’a pas été retenue.

L’examen des conventions de délégation signées en 2005 montre que les engagements financiers des délégataires sont très diversifiés ; ils varient entre 33 % et 270 % des engagements de l’Etat. Toutefois, l’apport financier global des délégataires s’élève, sur la durée des conventions, à 970 millions d’euros, alors que celui de l’Etat est de 802,5 millions (3). Du fait des objectifs ambitieux affichés par le plan de cohésion sociale en matière de construction de logements locatifs sociaux et pour la réhabilitation du parc privé, les collectivités qui opteront pour la délégation devront dégager sur leurs fonds propres des financements importants.

La question se pose de la pérennisation des financements apportés par l’Etat. L’étude précitée de l’ADCF rappelle que « si le montant prévisionnel des droits à engagement est fixé pour la durée de la convention, le financement l’alimentant est dépendant de la dotation qui sera retenue chaque année en loi de finances lors du vote du budget de l’Etat ». De nombreux élus craignent d’ailleurs que les engagements financiers de l’Etat fixés dans les conventions ne soient pas tenus.

Coopération ou rivalité. En prenant la délégation des aides à la pierre, les départements et les EPCI peuvent se positionner en chef de file de la politique de l’habitat sur leur territoire. Mais cela suppose une bonne articulation de leurs politiques, pour éviter tout risque de concurrence. Les conseils généraux redoutent que leur compétence ne s’exerce sur les seuls territoires ruraux, au fur et à mesure que les EPCI opteront pour la délégation. En effet, selon la loi, lorsqu’un département a déjà signé une convention de délégation, il devra se retirer des territoires couverts par les groupements de communes ultérieurement délégataires. Les EPCI craignent que ce retrait n’entraîne une réduction, voire la suppression des financements complémentaires jusque-là accordés par le département, sur son budget propre.

Pour assurer une meilleure coordination des politiques locales, les parlementaires ont prévu, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Engagement national pour le logement », l’élaboration d’un plan départemental de l’habitat sous l’autorité conjointe du préfet et du conseil général, en association avec les EPCI dotés d’un PLH. A partir d’un diagnostic sur le fonctionnement des marchés du logement, ce plan départemental constituerait le document de référence assurant la cohérence entre les différentes politiques définies dans les PLH et conduites sur le reste du territoire.

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