Débureaucratisation : David Lisnard dévoile ses solutions

« Confier la débureaucratisation aux bureaucrates revient à s’en remettre aux dealers pour mettre en œuvre un plan antidrogue » : le porte-parole des maires ne cache pas le scepticisme que lui inspire les intentions de simplification administrative exprimées dans le discours de politique générale de François Bayrou.

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David Lisnard
David Lisnard, président des maires de France, le 14 janvier au Cercle des élus locaux

Les administrations déconcentrées exaspèrent le président des maires de France, plus encore que les agences nationales de l’Etat. « Chaque service peut exercer le pouvoir de planter nos projets. Aucun d’entre eux ne détient la capacité de les autoriser », peste David Lisnard. En tête de sa liste d’entités à supprimer, il place les missions régionales d’autorité environnementale (MRAE) et les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Rendre le pouvoir aux maires

Invité de l’Apéro débat du Cercle des élus locaux, le 14 janvier quelques heures après le discours de politique générale du Premier ministre François Bayrou, le maire de Cannes égrène l’interminable liste des schémas directeurs et autres directives opposables aux plans locaux d’urbanismes, dictés par des services de l’Etat à l’échelle des départements, des régions ou des bassins versants… Au point parfois de citer des documents désormais fusionnés, comme les schémas régionaux de cohérence écologique, intégrés aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.

De sa litanie et de son quart de siècle d’expérience d’élu local, dont 10 ans comme maire, David Lisnard tire cette conclusion : « Nous subissons de plus en plus d’obligations, alors que nous exerçons de moins en moins de pouvoir ». L’inflation de plans nationaux, au printemps 2023, a exacerbé son amertume : « plan Vélo, plan Eau, plan Industrie... Nous sommes dans une succession de séquences de com ».

En finir avec les contrôles a priori

La gestion des routes offre une illustration paroxystique à l’analyse : « L’Etat a gardé les routes qui lui rapportent, et qui génèrent les marges scandaleuses des sociétés concessionnaires. Dans le même temps, les intercommunalités doivent cofinancer les échangeurs », fustige le président des maires de France. Sur le plan règlementaire, l’inflation du droit de l’environnement entretient sa colère : « Au lieu de 100 000 mots en 2012, le Code de l’environnement en compte 1 million en 2022 ».

Réduire le nombre d’agences d’Etat à 400 au lieu de 1200 ne suffira pas à ses yeux : « La dépense dépend moins de ce nombre que du périmètre de leur compétence », estime le président de l’AMF. En jouant sur ce second critère, il juge possible d’économiser les deux tiers des 80 Mds€ que coûtent les agences d’Etat, soit 1 % du produit intérieur brut.

Dégraisser l’Etat

En croisade contre les contrôles a priori qui découragent toute initiative, il ne remet pas en cause l’existence d’instances nationales véritablement indépendantes et garantes des principes fondateurs de l’état de droit : respect de la présomption d’innocence, égalité devant la justice.

Le repli de l’Etat sur ses fonctions régaliennes libérerait les marges de manœuvre des collectivités, sur le plan réglementaire et financier. Dans ce dernier registre, David Lisnard plaide pour amener la France dans les ratios de ses voisins et partenaires : toutes strates confondues, les collectivités françaises génèrent 19 % de la dépense publique, contre 40 % dans l’Union européenne. Pour rejoindre cette moyenne, le président de l’AMF prône une refonte de la fiscalité locale incluse dans une réforme générale des prélèvements obligatoires.

Stopper l’hémorragie

Du point de vue de la gestion des ressources humaines, la pyramide des âges offre une grande opportunité au pays : « On peut profiter des départs annuels pour supprimer les agences inutiles et renforcer les métiers nécessaires dans la police, les tribunaux, l’éducation ou la santé ». Sur ce dossier aussi, David Lisnard aligne les chiffres qui tendraient à rapprocher la France du régime communautaire : dans l’Hexagone, les tâches qu'il qualifie d'administrantes (et en particulier le contrôle) représentent 33 % de la fonction publique, au lieu de 24 % dans l’Union.

La cure d'amaigrissement et le choc de productivité de l'Etat prônés par le président de l’AMF suffiraient-ils à mettre fin à la crise des vocations des maires ? L’association recense plus de 40 démissions par mois dans ses rangs. « Deux fois plus que durant la décennie précédente », calcule David Lisnard. La première source de cette hémorragie se situe dans la complexité administrative, selon l’AMF.

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