D’un côté un problème : l’infini et polluant besoin de chaleur de l’industrie. De l’autre une solution : le soleil et son énergie surpuissante et abondante. Pour Rafik Kheffache, fondateur et directeur général de la jeune pousse Heliosand, basée à Lyon, il fallait absolument faire coïncider les deux. « Pourquoi transformer la chaleur du soleil en une électricité qui servira à produire de la chaleur à son tour alors qu’on pourrait l’utiliser directement ? » s’interroge-t-il.
Fourneaux solaires
Exit donc le photovoltaïque et le solaire à concentration, leur électricité et leurs rendements modestes, Heliosand veut construire des fourneaux solaires capables de rendre à l’industrie les services dont elle a besoin : sécher, évaporer, chauffer, fondre, brûler mais aussi couper ou graver. Si les applications potentielles sont nombreuses, celle qui intéressera tout particulièrement le BTP est la transformation de déchets en matériau de construction.
Des calibres différents
« Notre fourneau permet de faire fondre la poudre sédimentaire issue des barrages ou des ports qui se transforme alors en une boule de lave », explique Rafik Kheffache. Une fois refroidie, celle-ci est concassée pour obtenir du gravier ou du sable. Et lorsque le broyage est très fin, il produit de la poudre de silice active qui remplace jusqu’à 20 % du ciment dans la fabrication du béton, au même titre que les cendres volantes. Des matériaux qui détiennent des propriétés thermiques et énergétiques. « Nous ne les avons pas encore toutes découvertes », sourit le fondateur d’Heliosand.
Production locale
Le procédé constitue une réponse à la surexploitation du sable qui permet en outre de relocaliser la production : « au lieu d’aller chercher du sable en Inde ou en Australie, on le produit sur place tout en recyclant des déchets », souligne le dirigeant, physicien de formation. Une solution potentielle à la question des sédiments qui s’accumulent au pied des barrages hydroélectriques et dans les ports qui en draguent plusieurs millions de mètres cubes tous les ans. D’autant que si la plus grande partie d’entre eux sont aujourd’hui rejetés au large, cette solution sera interdite à partir de 2025. Le sable du désert, trop fin pour être utilisé dans la construction, pourrait également servir de matière première.
Une lentille et un algorithme
Le fourneau solaire d’Heliosand comporte non pas des miroirs, comme c’est le cas sur les fours solaires ou les centrales à concentration mais une lentille de Fresnel, identique à celles des phares, faite de sections concentriques, ce qui permet d’alléger le poids de l’instrument. Des rainures très précises focalisent les rayons du soleil sur une zone de 1 cm2 tandis qu’un algorithme le suit avec une précision de 0,1 degré. Ces deux dispositifs permettent d’atteindre une température de 2 000°C.
Nouveau tour de table
Deux levées de fonds ont ouvert la voie à la construction de prototypes et la start-up veut maintenant lancer la production industrielle de ses fourneaux grâce à un nouveau tour de table de 30 millions d’euros. « Nous pensons construire notre première machine en 2024-2025 », espère Rafik Kheffache. Pour le moment, la start-up est très sollicitée pour des opérations de séchage dans lesquelles la technologie solaire remplace avantageusement le gaz. « Avant on nous prenait pour des hurluberlus mais depuis la crise énergétique, nous sommes très sollicités », sourit le fondateur qui s’apprête à partir vanter sa solution ultra low tech à Dubai.