Dans les Vosges, la scission sans douleurs excessives d’une communauté de communes

C’est un retour à la case départ quasi unique en France. Dans les Vosges, une communauté de communes (CC) va se scinder en deux ce 1er janvier pour revenir, à une nuance près, aux deux périmètres qui préexistaient à leur fusion début 2017. La CC des Hautes-Vosges formée de 22 communes pour 35 600 habitants se sépare entre une intercommunalité de 14 communes qui garde ce nom et une autre, la CC Gérardmer - Hautes-Vosges.

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Piscine de La Bresse (Vosges)
A son entrée en activité le 1er janvier prochain, la nouvelle CC des Hautes-Vosges à périmètre réduit rend d’intérêt communautaire plusieurs équipements, ce qui n’avait pas été réalisé suite à la fusion, comme la piscine de La Bresse.

L’autre exemple connu d’Intercommunalités de France concerne la future ex-Centre Morbihan Communauté dans ce département de Bretagne(1) pour prise d’effet à la même date. De tels divorces sont rendus possibles par une disposition de la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019, qui leur confère le terme officiel de « partage » et les réserve aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, à l’exclusion donc des communautés urbaines et des métropoles.

Dans l’exemple vosgien, cette possibilité législative n’a pas tardé à être activée. La greffe à marche forcée par l’Etat des deux territoires en 2017, à l’occasion de la rationalisation de la carte départementale de l’intercommunalité, n’avait jamais pris, du fait des divergences politiques. « Les relations ont été difficiles d’emblée. Nous avions engagé un travail avec un bureau d’études afin de définir une vision commune dans la perspective de construire un projet de territoire, mais le constat d’une divergence de vues s’est vite dégagé », raconte Didier Houot, le président (DVD) de l’actuelle CC des Hautes-Vosges (CCHV) et de la future stucture de même nom à périmètre réduit. « Dès que la loi est sortie, les élus en ont saisi l’opportunité… et en fait, on travaille mieux depuis que l’on sait que c’est dans la perspective de se séparer. Sur notre nouveau périmètre, la relance de la dynamique communautaire se ressent déjà, avec le passage en statut d’intérêt communautaire d’équipements publics. Nous saurons toujours coopérer avec nos voisins sur les sujets d’intérêt commun », ajoute-t-il.

Territoire de Cornimont et de La Bresse (Vosges)
Territoire de Cornimont et de La Bresse (Vosges) Territoire de Cornimont et de La Bresse (Vosges)

La communauté de communes se scinde en deux territoires de moyenne montagne autour de Gérardmer, d’une part, autour de Cornimont et La Bresse, d’autre part. © CCHV

Risque d’impasse

Un autre échéancier a stimulé la procédure selon Didier Houot : les prises de compétence obligatoires au 1er janvier 2023, notamment celle de l’eau-assainissement. L’actuelle CCHV n’était évidemment pas du tout en avance sur le sujet, « et nous risquions de nous retrouver dans une impasse dans un an », relève-t-il.

Six élus, trois par future CC, ont constitué un groupe de travail pour entrer dans le vif du sujet de la scission. Le travail, qui a cependant surtout mobilisé les services, n’a pas été facile, ce qui ne surprend pas Simon Mauroux, responsable des affaires juridiques et institutionnelles d’Intercommunalités de France/ADCF. « Réaffectation des agents, poursuite des contrats (marchés publics, délégations de service public, etc.), répartition de la dette, nouveau calcul de répartition des subventions de l’Etat et des tarifs des services, « partage » d’éléments physiques comme une station d’épuration commune : les questions sont multiples et ne trouvent pas de réponse toute faite », souligne-t-il. Le dernier point soulevé, celui des équipements mutualisés, peut par exemple se régler par la création d’un syndicat mixte, avance-t-il. Pour la continuité des marchés publics, « une piste peut consister à définir un mode opératoire – quel maître d’ouvrage, etc. – par un avenant, mais celui-ci ne doit pas bouleverser l’économie générale du contrat, conformément aux principes de la commande publique », indique Simon Mauroux.

Un travail empirique

Un décret d’application de la loi a été publié en octobre 2020 mais, outre son arrivée tardive, il n’apporte pas le degré de précision sur ces questions pratiques. La CC des Hautes-Vosges a donc dû opérer de façon empirique… et cela a plutôt bien fonctionné, estime Marie Desbarbieux, sa directrice générale des services. « Pour les 85 agents, la plupart avaient une affectation géographique (telle médiathèque, telle piscine, telle déchèterie…) qui ne soulevait pas de doutes sur l’identité de la CC qu’ils allaient rejoindre. La question s’est posée pour 20 d’entre eux travaillant à l’échelle de toute la CC actuelle : les cadres, des chargés de mission, etc. Nous avons posé le principe du libre choix, et il a pu s’appliquer à deux exceptions près », expose la directrice. Pour la répartition des actifs et des emprunts, la proportion appliquée a été : un tiers pour la future CC autour de Gérardmer et deux tiers pour l’autre. Les questions financières ont été complexifiées par des situations de prises de compétence communautaires très diverses entre les deux territoires, mais les services sont parvenus à leur résolution.

Haut du Tot (Vosges)
Haut du Tot (Vosges) Haut du Tot (Vosges)

Le territoire est marqué par l’activité des loisirs d’hiver, génératrice de taxes de séjour d’un poids significatif dans le budget. © Michel Laurent

L’Etat, facilitateur dans les Vosges

Deux facteurs ont pu aider à la bonne marche. D’une part, un relatif faible degré d’harmonisation et de mutualisation depuis 2017 entre les deux CC… conséquence logique de leur mésentente. « Nous avons pu nous baser sur la situation d’avant fusion la plupart du temps et y revenir. Pour les emprunts, par exemple, un seul avait été contracté par la CC, nouvelle version de 2017 », souligne Marie Desbarbieux.

D’autre part, élus et techniciens soulignent l’esprit de coopération qui a animé les services de la préfecture dans l’accompagnement du processus. L’indispensable arrêté d’approbation de la scission n’est certes intervenu que fin octobre dernier, mais le travail avait avancé en amont. Le territoire a obtenu par exemple que la réadhésion des deux CC à des syndicats mixtes suive une procédure allégée de consultation des autres membres des syndicats, de sorte qu’elle sera effective avant le 1er janvier, dans cinq cas sur sept.

Quant au contribuable, paiera-t-il cher la scission ? Dans l’exemple des Hautes-Vosges, la réponse est non, assurent les acteurs du territoire : « 60 centimes par habitant », calcule Marie Desbarbieux.

(1) Une autre scission est intervenue, pour la CC Monts et Vallées Ouest Creuse, dans un autre contexte : elle a été prononcée par un jugement de 2019 du tribunal administratif de Limoges.

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