En plus de la publication au Journal officiel de l’ordonnance sur les marchés publics, les projets d’ordonnance et de décret sur les concessions ainsi que le projet de plan national de dématérialisation des marchés publics ont été soumis à consultation publique la même semaine. Pourquoi une telle accélération autour des textes sur la commande publique?
Jean Maïa : Nous suivons assez scrupuleusement le programme de travail qui avait été présenté en mars 2014. La réforme de la commande publique a été présentée en Conseil des ministres le 22 avril. Le même jour, ont été versés à la consultation publique les projets de textes de transposition de la directive concession. L’habilitation était dans la loi croissance [loi Macron, ndlr]. Celle-ci vient d’être définitivement adoptée et l’article sur l’habilitation n’est pas contesté devant le Conseil constitutionnel. L’échéance de transposition pour l’ensemble des textes de la commande publique est fixée en avril 2016. Nous ne voulons pas perdre de temps. Il nous faut avancer. L’accélération est relative car l’entrée en vigueur de la réforme ne pourra être effective avant janvier 2016.
J.M. : Elle aura lieu le plus vite possible. A la rentrée. Il ne faut pas trop tarder.
J.M. : Le premier point est la simplification. Un seul texte remplace 17 textes éparpillés. Deuxièmement, sur le fond, en plus du décret du 26 septembre 2014, plusieurs mesures doivent favoriser l’accès des PME aux marchés publics. Le principe de l’allotissement a été étendu au-delà du champ du code des marchés publics d’aujourd’hui. Dans l’étude d’impact, on avait estimé à 1,5 milliards d’euros le volume de marchés qui seraient rendus ainsi accessibles aux PME. Par ailleurs, une part minimale des marchés de partenariat leur sera réservée. Le pourcentage sera fixé dans le décret. Il y a donc l’idée qu’il faut donner leur chance aux PME, même dans les marchés qui leur laissaient peu de place jusqu’à maintenant. Le troisième ensemble est en cohérence avec les directives : il s’agit d’utiliser la commande publique à des fins de politiques économiques, de politique publiques au sens large. Dans cette ordonnance, nous confortons l’utilisation des clauses sociales et environnementales. Le système de réservation de marchés est étendu par rapport au droit en vigueur : réservation pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire, pour les personnes défavorisées, handicapées. L’exigence de transparence est accru avec l’entrée de l’open data dans le champ de marchés publics. L’article 2 de l’ordonnance fixe la réciprocité des marchés publics vis-à-vis des pays tiers.
J.M. : L’ordonnance annonce que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans une part minimale de l'exécution du contrat, dans des conditions fixées par voie réglementaire. Sauf impossibilité : il y a des secteurs dans lesquels il n’y a objectivement aucune PME qui puisse être mobilisée. Mais cela reste l’exception. La part minimale sera fixée au niveau réglementaire. Ce n’est pas l’acheteur ou le contrat qui la fixera. Il y aura une règle commune.
L’ordonnance fixe aussi un seuil plancher pour recourir à ces marchés de partenariat. Y aura-t-il un seul ou plusieurs seuils ?
J.M. : Il y aura plusieurs seuils. La formulation de l’ordonnance s’avère plus pragmatique que cela n’était initialement envisagé dans le projet versé à la consultation à la fin de l’an dernier. En fonction de la nature et de l’objet du contrat, des capacités techniques et financières de l’acheteur et de l’intensité du risque encouru, il y aura en réalité plusieurs seuils. L’ordonnance y encourage. Mais il y aura un travail supplémentaire pour préciser le tout dans le décret.
J.M. : Les critères de l’urgence et de la complexité pour recourir à un marché de partenariat disparaissent car les contentieux sur ces critères étaient importants, ce qui était tout à fait insécurisant. Nous avons préféré les abandonner pour ne garder que le critère du bilan favorable. Le décret précisera comment on établit celui-ci.
Qu’est-ce qui différencie les marchés globaux relevant de la première partie de l’ordonnance des marchés de partenariat ?
J.M. : Il y a eu une grande évolution entre le projet présenté à la consultation publique en décembre et l’ordonnance publiée. Dans les marchés globaux, la maîtrise d’ouvrage publique est largement préservée. Dans le projet, nous avions envisagé de permettre le paiement différé même dans les contrats globaux sous maîtrise d’ouvrage publique. Tel n’est plus le cas dans le texte définitif de l’ordonnance. Les marchés de partenariat ont cette singularité de permettre non seulement la globalité des missions, mais aussi un financement privé et un paiement différé. On retrouve les différences classiques avec les marchés globaux. Dans ces marchés globaux, on retrouve l’interdiction du paiement différé, et à peu près ce qu’il y a dans la loi MOP. Il y a seulement un léger assouplissement dans les conditions de recours à ces contrats, mais moindre que ce qui avait été initialement envisagé. La consultation publique a aidé à murir l’équilibre du texte.
Le concours est présent dans l’ordonnance, mais il n’y est toujours pas rendu obligatoire comme le réclament les architectes. Pourquoi ?
J.M. : L’ordonnance définit le concours. Conformément à la décision du gouvernement qui avait déjà été annoncée. Nous n’avons pas vocation à défaire l’état du droit. L’idée est de rester dans le droit fil de ce que l’on connaît aujourd’hui en droit français. Le ministre l’a dit. Mais nous devons fixer un cadre juridique sûr pour tous les praticiens de la commande publique. Le décret ne pourra pas être contraire aux directives. Nous aurons le temps d’y travailler avec la consultation publique sur le décret. Je ne veux pas créer d’angoisse. Nous restons avec l’objectif de rester au plus près du droit existant. Mais nous ne pourrons écrire des choses euro-incompatibles. Nous échangerons avec toutes les parties prenantes lorsque nous aurons le projet de décret et je suis sûr que nous trouverons une formule qui soit solide et acceptable pour tous.
J.M. : L’idée est que les acheteurs se préoccupent du risque d’offres anormalement basses dans les offres sous-traitées. Comme il le fait avec le titulaire du marché, si l’acheteur a un doute, il interpelle l’opérateur économique pour qu’il fournisse des justifications sur le montant des prestations. On étend à la partie sous-traitée un dispositif que l’on connaît bien aujourd’hui. Il s’articule avec le dispositif sur l’acceptation du sous-traitant. Un pas est franchi par rapport à ce qui existe aujourd’hui puisqu’on dit à l’acheteur de se préoccuper des offres anormalement basses dans le champ de la sous-traitance.
Le partenariat d’innovation n’est pas mentionné dans l’ordonnance. Qu’en advient-il ?
J.M. : Le partenariat d’innovation a été transposé fidèlement par rapport aux directives dans notre droit par le décret du 26 septembre 2014. Il gardera son caractère réglementaire. Il n’y a pas lieu de le modifier. On le retrouvera dans le projet de décret qui sera versé à la consultation publique. J’ai été surpris de lire dans la presse que le partenariat est un échec car j’ai des indications selon lesquelles certains essaient de s’en emparer.
Pour tous les marchés importants, au-delà d’un seuil fixé dans le décret, une évaluation préalable sera nécessaire. Y aura-t-il besoin d’un avis d’experts comme cela est prévu pour les marchés de partenariat ?
J.M. : L’ordonnance n’impose pas un tel avis d’experts sur l’évaluation préalable des gros marchés autres que les marchés de partenariat. Pour ces derniers, la Mission d’appui aux PPP (MaPPP) rendra cet avis d’experts. Son office se limite aux marchés de partenariat. Le porteur du projet doit toujours s’enquérir de la soutenabilité budgétaire du projet qu’il envisage de réaliser. Là, l’idée est qu’il y ait une vérification par un service de l’Etat compétent.
J.M. : Elle sera décrite dans le décret qui en dira beaucoup plus.
Quelles sont les grandes lignes de la réforme sur les concessions soumise à consultation publique jusqu’au 30 septembre ?
J.M. : Nous sommes dans l’esprit du débat parlementaire et de l’article d’habilitation, à savoir dans une transposition très sèche de la directive. On ne réforme guère le régime de la loi Sapin, qui est un régime consacré. Au-dessus des seuils (de plus de 5 millions d’euros), il y a un petit renforcement procédural par rapport à la loi Sapin, par exemple avec la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE). La directive est finalement très proche de l’esprit de la loi Sapin. Nous attendons de voir comment les acteurs qui vont répondre à la consultation publique perçoivent ce texte. Nous sommes à nouveau dans une consultation sincère jusqu’au 30 septembre et nous serons attentifs à toutes les observations.