« Dans les entreprises françaises, un logiciel sur deux est piraté ! »

Bertrand Salord, responsable antipiratage pour l'Europe du Sud chez Adobe, porte-parole de l'association BSA France .

Réservé aux abonnés

Quel est le rôle de votre association BSA France ?

BERTRAND SALORD. Business Software Alliance (BSA) est une association internationale regroupant les principaux éditeurs de logiciels professionnels. Elle est présente en France depuis 1988. Sa mission est de faire connaître aux utilisateurs d'ordinateurs le droit de propriété intellectuelle applicable aux logiciels. Ceci passe par de l'information, de l'éducation, mais aussi de la lutte contre le piratage de logiciels, pouvant aboutir à des actions devant les tribunaux.

Le taux de piratage est-il élevé dans les entreprises françaises ?

Considérablement ! 46 % des logiciels installés dans les entreprises sont des copies illicites, soit un logiciel sur deux. Dans le monde, la moyenne n'est « que » de 40 %, et de 37 % en Europe ! La France figure dans le trio de tête du piratage en Europe, après la Grèce (60 %) et l'Espagne (49 %)... L'explication se veut culturelle. Contrairement aux pays nordiques, les entreprises françaises considèrent les logiciels comme un bien immatériel. Elles ne veulent pas comprendre qu'en achetant un logiciel, elles n'achètent qu'un droit d'utilisation, sauf licence particulière. Ce phénomène génère des pertes énormes pour toute l'industrie informatique française, évaluées à 590 millions d'euros ! Nous estimons qu'une baisse de 12 % du taux de piratage permettrait la création de 35 000 emplois chez les éditeurs, dans les maisons d'éditions, les réseaux de revendeurs, etc.

Les prix de vente trop élevés ne sont-ils pas à l'origine du piratage ?

C'est le principal argument qui nous est avancé par les entreprises. Mais il faut regarder le logiciel non pas comme un coût, mais comme un outil de production et de productivité, ayant révolutionné la manière de travailler ! Les logiciels sont à considérer comme d'autres matériels, ordinateurs, bureaux ou engins de chantier, que l'entreprise paie normalement en planifiant ses investissements. En plus, contrairement à d'autres matériels, la mise à jour d'un logiciel ne coûte que 20 à 30 % du prix d'une licence neuve ; cela représente à peu près ce que nous investissons chaque année en recherche et développement. Par ailleurs, si les logiciels sont 30 % plus chers dans l'Hexagone qu'aux Etats-Unis - marché plus gros mais où le piratage reste moins important -, c'est que les éditeurs doivent intégrer des coûts de traduction des interfaces en français. Ajoutez à cela qu'il ne se vend réellement qu'un logiciel sur deux, les coûts grimpent forcément...

Qui pirate quoi et comment le constatez-vous ?

En France, le logiciel est régi par le Code de propriété industrielle. Sa copie est donc considérée comme de la contrefaçon. Sur ordonnance du président du tribunal de grande instance du siège de la société, un huissier et un expert informatique mandatés effectuent des contrôles inopinés. Ils sont réalisés dans les entreprises que nous identifions, par exemple, en comparant le nombre de logiciels déclarés chez les éditeurs à la taille de la société et le nombre estimé d'ordinateurs. Généralement, nous constatons plus de fraudes dans les petites entreprises que les grandes structures, qui gèrent mieux leur informatique. Ensuite, moins le logiciel est cher, plus il est copié. C'est le cas, par exemple, des antivirus, qui ne coûtent que quelques dizaines d'euros.

Quels sont les risques pour l'entreprise ?

Son P-DG encourt une peine de prison pouvant aller jusqu'à deux ans. L'entreprise peut être contrainte à la fermeture, exclue des marchés publics, condamnée à payer jusqu'à 750 000 euros d'amende, sans compter les dommages et intérêts illimités et le prix des logiciels piratés. Dans la plupart des cas, nous privilégions des condamnations devant les juri- dictions civiles, avec une régularisation de leur parc et le paiement de dommages et intérêts, qui nécessitent tout de même de dispo-ser d'une trésorerie immédiate énorme. Sur l'ensemble des saisies-contrefaçons réalisées à ce jour, les 4/5 ont révélé plus de 80 % de logiciels illicites. En juin dernier, 14 sociétés d'ingénierie de la région lyonnaise ont ainsi été pénalisées.

www.bsa.org/france

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires