Structure
Le principal atout du bois en structure réside dans sa légèreté, « puisqu'il est quatre à cinq fois moins dense que le béton »,schématise Olivier Gaujard, consultant pour le BET Domene Scop. Un poids réduit qui offre des solutions lorsque le sol n'accepte pas de charges importantes, ou dans les projets de surélévation. C'est aussi un atout pour la construction en zones à risque sismique.
« Sa faible masse limite les accélérations, ce qui génère moins de contraintes dans les structures », ajoute Ronan Beziers La Fosse, directeur technique adjoint chez BTP Consultants. L'acier des assemblages, un matériau ductile, présente l'avantage de rendre les structures dissipatives.
Mais le bois présente aussi les défauts de ses qualités. Sa faible masse oblige à le contreventer si l'on veut monter haut.
« Les tours en bois nécessitent des noyaux en béton pour atteindre 50 m », précise l'architecte Marie Schweitzer. L'autre limite provient de la doctrine des pompiers de Paris, publiée en juillet 2021, qui restreint sa mise en œuvre en obligeant non seulement à dimensionner les structures par rapport à la stabilité au feu - le bois brûle au rythme de 0,77 mm par heure et par face pour les résineux et 0,55 mm pour le chêne -, mais aussi à y ajouter une protection passive ou active.
En résumé, peu de choses handicapent le bois en structure… « si ce n'est son prix », estime Olivier Gaujard. Mais la situation est en train de changer en raison d'une augmentation de l'offre. Certes, les techniques pour construire haut en bois sont plus récentes que pour le béton, et moins d'entreprises les maîtrisent, mais les majors sont montées en compétences sur le sujet, et les « majorettes » se forment rapidement.
Planchers
A première vue, l'utilisation du bois pour les planchers est délicate et présente des inconvénients par rapport au béton et à l'acier. Le problème du matériau ? Il transmet les vibrations, en particulier les bruits solidiens, et génère donc des nuisances entre étages.
La question est cependant réglée depuis une quinzaine d'années grâce à des compositions qui superposent différents matériaux. Plusieurs possibilités sont envisageables, comme des planchers mixtes bois et béton où le second vient contrecarrer la flexion du premier et ajouter de l'inertie. Les concepteurs peuvent également opter pour une correction acoustique grâce à l'effet masse-ressort-masse, où le « ressort » qui absorbe et amortit le bruit se compose d'un mélange de sable très sec et fin à base de kaolin, de fibres de bois, de granulés minéraux, de liège, de laine minérale…
Façades
Le mur à ossature bois (MOB) a pour principal avantage l'intégration de l'isolant au cœur de la structure porteuse, ce qui libère de la surface habitable. L'isolant peut aussi être combiné pour ajouter une ITE et/ou une ITI, soit trois configurations qui rendent l'enveloppe très performante.
Dans le cas d'une façade à ossature bois sur une structure en béton, il est nécessaire d'être vigilant quant aux dilatations différentielles entre les deux matériaux. Celles-ci se corrigent par l'usage de joints fonctionnels, ce qui ne pose pas de difficultés techniques « mais peut poser problème d'un point de vue esthétique », reconnaît Ronan Beziers La Fosse, de BTP Consultants. Ces joints créent en effet des lignes horizontales et verticales que les architectes préfèrent anticiper.
Marie Schweitzer ajoute un autre point de vigilance : il faut installer systématiquement les menuiseries au nu extérieur à la manière d'une façade-rideau, pour éviter l'accumulation d'eau dans certaines zones et le pourrissement qui pourrait en résulter.
Revêtements de façade
Expression architecturale moderne, le bardage bois à base de petits tasseaux a le vent en poupe. Mais ce choix expose les ouvrages au risque de propagation des flammes en façade. « Un facteur défavorable, certes, mais pas un risque supplémentaire, estime Olivier Gaujard de Domene Scop. De fait, la combustion du bois ne génère ni fumée toxique, ni gouttelettes enflammées. » Les bardages et vêtures en bois ont aussi l'inconvénient de vieillir de façon non homogène. Une caractéristique qui peut gêner certains maîtres d'ouvrage. Pour y remédier, Marie Schweitzer préconise de peindre ou de lasurer le matériau en fonction de l'essence mise en œuvre.
Charpente support de couverture
Depuis toujours, les charpentes constituent le domaine d'emploi par excellence du bois. Les assemblages sont maîtrisés et la main-d'œuvre est prête, comme l'a prouvé la restauration de celle de Notre-Dame de Paris en cinq ans avec des techniques anciennes. L'innovation en la matière réside dans les fermettes industrielles aux sections plus faibles et dont les assemblages coûtent moins cher. « Il s'agit avant tout d'une optimisation financière et de matière », constate Ronan Beziers La Fosse.
« La part de marché du bois en France peut progresser », Olivier Gaujard est le fondateur du bureau d'études Gaujard Technologies Scop.
Il officie désormais comme consultant bois-paille au sein du BET Domene Scop.
Quels sont vos prérequis lorsque vous abordez un projet de construction ?
Je conçois chaque projet comme un problème à trois entrées : un programme, un site et un budget, soit des paramètres qui s'influencent les uns les autres. Il faut également tenir compte des réglementations et des normes. Là, le critère environnemental joue un rôle prépondérant avec la RE 2020.
Le bois, qui stocke du CO2 au lieu d'en émettre, affiche un meilleur bilan carbone que le béton. Et parmi les matériaux biosourcés, la paille, un coproduit de l'agriculture, présente un bilan encore meilleur. A ce titre, par les possibilités constructives qu'ils offrent, ils constituent les matériaux de demain.
Pour autant, la doctrine des pompiers de Paris qui recommande d'encapsuler systématiquement le bois obère ses avantages.
Certes, il s'agit d'un matériau combustible. Si sa vitesse de combustion est bien connue, le comportement du matériau dans les immeubles multi-étages en situation d'incendie fait l'objet en ce moment de travaux de recherches menés par le Cerib, le FCBA, le CSTB et Efectis. En attendant les résultats et la diffusion des connaissances, les pompiers, confrontés à la multiplication de ces projets, ont adopté une approche particulièrement sécuritaire, ce qui a fait craindre une perte de compétitivité pour toute la filière.
Vous restez malgré tout optimiste pour l'avenir du matériau ?
Je pense que d'ici deux à trois ans, ces résultats feront évoluer la doctrine. D'autant plus que des pays très consommateurs de bois en construction comme la Suède, le Canada, l'Autriche ou le Royaume-Uni mènent actuellement le même genre de recherches. L'ensemble de ces travaux vont encore faire évoluer les mentalités, et plus concrètement l'Eurocode bois. Cependant, les forêts européennes ne permettront d'édifier que 30 % des bâtiments. Sur le marché de la construction, la part du bois représente environ 6 % aujourd'hui en France.
Elle peut donc progresser, mais les besoins en acier et en béton resteront importants.