Le bois explore de nouveaux horizons pour continuer sa percée sur le marché de la construction. A savoir l’utilisation d’essences moins courantes que celles, de résineux essentiellement (douglas, sapin, épicéa…), qui atteignent désormais un volume appréciable.
La journée sur la « Valorisation du bois régional dans la construction /rénovation » organisée ce mardi 7 novembre à Colmar (Haut-Rhin) par l’interprofession Fibois Grand Est (1) a mis en exergue l’esprit d’audace de certains maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre ou entreprises à introduire aussi des bois feuillus, là où ils ne sont pas forcément attendus.
Cette appétence ne se limite pas à partie orientale du pays. En Normandie, l’entreprise Manubois s’attache à monter une offre de feuillu utilisé en structure, en l’occurrence le hêtre, présent de façon abondante localement, en version lamellé-collé. « La stratégie débute par une démarche qui reste relativement rare, la conclusion d’ un contrat d’approvisionnement avec l’ONF (Office national des forêts) », souligne Maxime Castel, chargé de prescription chez Manubois (65 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 10 millions d’euros) filiale à Grandes-Ventes (Seine-Maritime) du groupe Lefèbvre. Elle s’appuie justement sur les métiers multiples de sa maison-mère, qui possède sa propre scierie. Sa réalisation pionnière, un programme récemment livré pour Linkcity dans le quartier Flaubert à Rouen en poteaux-poutres a débouché sur plusieurs autres références, comme le projet Wood’Up de haut de 17 étages de REI Habitat, lui aussi en cours d’achèvement dans le XIIIe arrondissement de Paris (pour le compte du constructeur bois Poulingue). « Les quelques cm2 découpés pour optimiser les quantités utilisées ont rendu le hêtre moins cher que le résineux », rapporte Maxime Castel, pour contrecarrer la réputation de prix élevé de cette essence.
Des objectifs de volumes pas encore atteints
Sa résistance annoncée deux fois supérieure au sapin, la « bonne tenue au feu de ce lamellé-collé démontée lors du projet Wood’Up ayant obtenu l’autorisation des Pompiers de Paris de laisser la structure bois visible dans ce bâtiment de 4ème famille », dixit le constructeur, doivent se conjuguer aux avantages esthétiques pour tenter de convaincre les donneurs d’ordre. Ce qui n’est pas encore le cas, reconnaît Maxime Castel. « Les volumes espérés – Manubois indique viser 5 000 m3 de lamellé-collé hêtre en 2026 – ne seront pas atteints, cette activité représente aujourd’hui 5 % de notre total en lamellé-collé ». « L’innovation a besoin d’un marché porteur, ce qui n’est pas le cas bien sûr aujourd’hui », ajoute le représentant de Manubois.
La bataille de la filière
En Alsace, l’architecte-paysagiste Emil Leroy qui a entamé une seconde vie dans l’hôtellerie-restauration a monté un « manifeste » d’un arbre abondant dans la forêt sous-vosgienne mais habituellement cantonné au chauffage : le châtaignier.
Entouré de cette essence, son établissement au concept original autour d’un maraîchage bio implanté à Breitenbach (Bas-Rhin) s’en pare sur 2400 m² de bardage et sur 160 m² en mode tavaillon peu mis en œuvre dans la région. « Constituer une filière a été une entreprise difficile », souligne Emil Leroy. Elle s’est concrétisée par l’appel à trois transformateurs successifs, une scierie à 500 mètres du lieu de pose pour le débit des grumes, une seconde à 30 km pour la confection des lames brutes représentant un tiers de la matière initiale (73 m3 sur 220 m3 récoltés ) puis l’aboutage générateur d’une perte suivante de 40 %. « Le coût en fournitures en est resté à 33 euros HT par m3 », souligne Emil Leroy.
Ce projet concentre au total 800 m3 de bois, avec le douglas en structure et des habillages intérieurs en peuplier, choisi pour sa teinte claire. Il a fédéré de nombreux militants de l’innovation pour la construction en général et le bois en particulier: l’agence d’architecture norvégienne RRA (Reiulf Ramstad) – sa consoeur vosgienne ASP, le bureau d’études Terranergie, et les entreprises Sertelet, Nid Perché, BK Charpentes et C. Heinrich.