Lautoroute Amiens-Neufchâtel-en-Bray met en scène les paysages qu’elle traverse avec des dénivelés brusques entre les plateaux cultivés, les petites vallées, des marais classés et les vergers du bocage. « Ce respect du paysage résulte d’une approche globale menée dès la conception de l’ouvrage. La démarche de la SANEF a débuté avec le Plan Objectif Environnement qui a permis de recenser les contraintes, d’identifier 8 lieux sensibles, d’entendre les riverains et de définir des modes de construction adaptés » explique Jérôme Fossé, chargé d’opération à la SANEF.
Des aires de repos enfouies dans la végétation. Un paysagiste est intégré à l’équipe et le restera jusqu’à la réalisation du projet tandis que le cabinet Végétude est sélectionné pour de multiples interventions, son mandat se poursuivant jusqu’en 2009 afin de conforter et d’entretenir les plantations. Les unités paysagères sont identifiées, les sols et la flore reconnus. « Lors de l’avant-projet, l’analyse de terrain met en évidence l’idée d’un paysage progressif en fonction des formations végétales en place : bosquets, vergers, haies bocagères, bois, un cortège d’essences indigènes étant proposé selon les sols » rappelle Jean-Louis Gillier (Végétude). Sur les plateaux agricoles, on plante très peu pour éviter de barrer l’horizon. Au contraire, en zone bocagère, l’enclos est reconstitué et les aires de repos sont enfouies dans la végétation. Les forêts sont confortées, comme les corridors écologiques, tandis qu’une falaise calcaire est laissée à nu, à trois endroits différents, l’autoroute se trouvant encaissée d’un mètre pour limiter le bruit et disparaître de la vue des riverains.
Les aménagements se multiplient. En phase conception puis réalisation, la concertation se poursuit jusqu’à un accord sur les plantations et leur maintenance. 30 conventions sont signées avec les communes, associations, sociétés de chasse, agriculteurs. À Fresnoy-au-Val, les aménagements se multiplient : passages faune, protection du captage d’eau, déplacement de voirie. « Les communes étaient motivées pour maintenir le paysage et ont négocié de concert. La SANEF a proposé des idées cohérentes pour que l’autoroute ait l’air installée depuis longtemps. Finalement la situation est meilleure pour la faune, les haies sont mieux placées, les surfaces boisées agrandies et le marais communal va être aménagé », explique Alain Desfosses responsable de la société de chasse.
Un échangeur discret. En dehors des aires de repos traitées comme des jardins, la concertation a permis de dégager 8 sites sensibles plantés avant l’ouverture. À Orival, un passage souterrain pour les randonneurs à cheval est ouvert. Ailleurs, c’est un passage batraciens, à Bussy un écran végétal voile et dévoile le tracé par séquences. Scetauroute, le maître d’œuvre, s’est attaché à ce que le conducteur profite de beaux « coups d’œil » comme sur le viaduc de la Bresle (conçu par Razel-Lavigne), ses piles rares et évasées laissant apparaître la vallée au lieu de la boucher. « Nous avons eu la chance d’être associés à l’opération de l’avant-projet à la réalisation. Nous avons discuté avec les entreprises de la cohérence des matériaux, des revêtements des sols, du mobilier des aires de repos », précise-t-on chez Scetauroute. Dans l’immensité horizontale du plateau, l’échangeur de Poix se fait discret tout en mettant en valeur la tradition locale du mélange de matériaux pour la longue ferme basse du pays de Bray. À Haudricourt, apparaît un jeu de lumières sur le mur en pierre, clin d’œil aux vitraux des cathédrales gothiques picardes tandis que la barrière de péage encadre la campagne comme un tableau, posée sur quatre poteaux aux formes épurées…



