Critiquée par la CRC dans sa gestion passée, la SEM Marseille Habitat veut mieux faire

Alors que la chambre régionale des comptes de Provence Alpes Côte d’Azur étrille sa gouvernance et son fonctionnement dans un rapport publié le 20 septembre, la société d’économie mixte Marseille Habitat va présenter son projet stratégique, le 20 octobre, au conseil municipal de la Ville de Marseille. Il prévoit notamment la production de 650 logements dans les dix prochaines années.

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Marseille Habitat prévoit sur dix ans la production de 650 logements et la réhabilitation des deux tiers du parc.

Fragile mais combattante. Tel est l’état d’esprit affiché par la société d’économie mixte (SEM) Marseille Habitat au lendemain de la parution, ce 20 septembre, du rapport de la chambre régionale des comptes de Provence Alpes Côte d’Azur (CRC PACA) sur sa gestion entre 2016 et 2021, période marquée par l’effondrement, rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, de trois immeubles dont un lui appartenant.

A la suite de son audit, la CRC a relevé des défaillances, insuffisances et irrégularités dans le fonctionnement de la SEM, créée en 1961 et affichant aujourd’hui un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros dont 15 issus du versement des loyers. Sont notamment pointés l’absence de budget prévisionnel annuel, l’opacité dans l’attribution des logements, l’échec de l’éradication de l’habitat indigne (EHI) qui lui avait été confiée par la Ville de Marseille en 2007 puis par la métropole Aix Marseille Provence en 2016 via une concession d’aménagement sur une partie du centre (1), des résultats peu satisfaisants dans la gestion des copropriétés Kallisté et Corot dans les quartiers nord de Marseille, des montants de rémunération non justifiables...

Une mauvaise estimation des enjeux

Selon le rapport diagnostic établi par un prestataire extérieur, la gestion des deux concessions EHI et parc Kallisté mobiliserait 18,2 % du temps de travail de l’ensemble des salariés, soit 9,6 équivalents temps plein (ETP), représentant 0,6 M€ de charges de personnel annuelles. Ce temps de travail, défini par la direction financière de la société, n’est cependant pas objectivé par un décompte précis.
Marseille Habitat ne sait, en outre, pas faire la distinction entre chacune des concessions, pour ce qui est du temps de travail réel de ses agents et des coûts totaux qu’elles génèrent pour la société.
Marseille Habitat perçoit au total plus d’un million d’euros pour les deux concessions, et les évolutions de rémunération obtenues dans le cadre de la concession EHI pour traiter différentes adresses ou gérer la concession pendant la période de prolongation n’ont jamais été justifiées par un quelconque calcul économique et ne peuvent être mises en regard des coûts réels supportés par la SEM pour ces missions.
La métropole rémunère donc son concessionnaire sans savoir si ce qu’elle paye est justifié et correspond aux coûts réels de Marseille Habitat majorés d’un bénéfice raisonnable.

Projet stratégique

Hasard du calendrier, ce même 20 septembre, le conseil d’administration de la SEM arrêtait son projet stratégique adossé à une augmentation du capital social (2) de 10,5 millions d’euros, qui va permettre « le réamorçage d’investissements en mobilisant des fonds propres, d’où la nécessité d’avoir cet apport en capital. Ils seront financés en grande partie par l’endettement. Comme nous avons moins investi les quinze dernières années, Marseille Habitat a une capacité d’emprunt relativement importante. En fonction des opérations, nous envisageons de mobiliser 10 à 25 % de fonds propres », a expliqué au « Moniteur » Frédéric Pâris, nommé directeur général en mai 2023 après une période d’instabilité à la barre de l’organisme. La SEM a en effet vu se succéder quatre titulaires et intérimaires depuis la prise de fonction d’Audrey Gatian, présidente du conseil d’administration à la suite de l’élection de l’équipe municipale du Printemps Marseillais en juillet 2020.

A son arrivée à la tête de la cité phocéenne, l’ancienne équipe avait engagé les démarches pour rapprocher la SEM, qui gère à Marseille un parc de 3 000 logements, dont 2 800 sociaux, de l’office public de l’habitat (OPH) Habitat Marseille Provence afin de se mettre en conformité avec la loi Elan. Projet abandonné par le Printemps Marseillais qui souhaitait garder la main sur un outil d’aménagement municipal ainsi que disposer des compétences et du savoir-faire des 60 salariés. Dans ce sens, Marseille Habitat adhéra fin 2021 à la société anonyme de coordination SAC Habitat aménagement et coopération des territoires. D’ailleurs, la CRC Paca souligne dans son rapport que « malgré son adossement [...] à la société anonyme de coordination « Habitat, Aménagement et Coopération des Territoires » [...], Marseille Habitat n’a pas saisi cette occasion pour redéfinir sa stratégie qu’elle doit impérativement réinterroger ».

650 logements sur dix ans

Présenté, le 20 octobre, au vote du prochain conseil municipal de la Ville de Marseille, son principal actionnaire à hauteur de 52 % (3), le projet stratégique, établi pour la période 2024-2033, est construit autour de deux objectifs : « une phase de développement et la consolidation financière de la structure, fragilisée faute d’investissements », précise Frédéric Pâris chargé de mettre en œuvre la feuille de route. Ainsi, il prévoit sur dix ans la production de 650 logements et la réhabilitation des deux tiers du parc.

L’autre axe de la stratégie est de recentrer la SEM sur ses spécificités. « Marseille Habitat est un outil spécifique et précieux du fait de son patrimoine situé dans le diffus et le centre-ville de Marseille où nous sommes soit propriétaires, soit copropriétaires de 300 logements. Par rapport aux enjeux dans le centre-ville de Marseille et de la résorption de l’habitat dégradé, avoir dans le paysage un opérateur comme le nôtre est utile », affirme le directeur général de Marseille Habitat.

Forte de ces spécificités, la SEM produira du logement par des opérations d’acquisition-amélioration contribuant aux objectifs inscrits dans le programme local de l’habitat de la métropole Aix Marseille Provence.

Une foncière commerces

Par ailleurs, « dans la logique d’être pertinent et utile dans le centre-ville de Marseille», la SEM, déjà propriétaire d’une centaine de commerces acquis dans le cadre de sa concession EHI dans le centre-ville, portera le projet de « foncière commerces » sur lequel travaille la Ville de Marseille. Elle développera également une activité de syndic social et solidaire « pour remettre à flot les petites copropriétés avant qu’elles ne se dégradent ». Ensuite, elle se positionne pour agir en complémentarité de la société publique locale d’intervention nationale (SPLA-IN) Aix Marseille Provence chargée d’éradiquer l’habitat dégradé.

Enfin, Marseille Habitat a reçu comme mandat d’expérimenter le bail réel solidaire (BRS) dans l’ancien via son propre office foncier solidaire (OFS) pour lequel elle va demander un agrément pour pouvoir.

L’autre mission de Frédéric Pâris sera de reprendre les opérations d’aménagement public en les centrant sur les priorités urbaines et sociales de la Ville « à partir de terrains et bâtiments récupérés dans des secteurs-clé ».

(1) L’opération d’aménagement « Éradication de l’habitat indigne » (EHI) concerne les 1er, 5e, 6e, 7e, 8e, 9e, 10e et 11e arrondissements de Marseille ainsi que les quartiers Grands-Carmes et Hôtel-de-Ville dans le 2e arrondissement, les quartiers Blancarde et Cinq-Avenues dans le 4e arrondissement. Trois objectifs étaient alors fixés. Urbanis Aménagement est titulaire du lot n° 2 (nord de Marseille).

(2) Aujourd’hui, la SEM a un capital social de 500 000 €.

(3) avec la Caisse des dépôts et consignations (33%), Action Logement (11%), la Caisse d’épargne (2%).

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