C’est le printemps des pépinières ! Il ne se passe guère de semaine sans que soit annoncé le projet d’un de ces nouveaux bâtiments destinés à héberger les deux premières années des créateurs d’entreprises. Explications de cette floraison ? Les institutions locales, incitées par les lois de décentralisation à favoriser le développement économique, trouvent dans ces bâtiments l’un des rares moyens d’aider l’initiative privée en respectant les règles d’utilisation des deniers publics. Elles y sont d’autant plus enclines que l’architecture de ces établissements peut servir d’enseigne à leur générosité. La diversité des statuts des maîtres d’ouvrage explique, en revanche, que le programme modèle des pépinières reste à inventer. Collectivités locales, compagnies consulaires, agences de développement, centres de transfert de laboratoires… rivalisent dans la conception de ces lieux, qui ont seulement en commun d’amener les jeunes pousses jusqu’à la taille d’acquitter l’impôt sur les sociétés.
Leurs animateurs se rencontrent les 21 et 22 juin à Amiens pour leur 4e forum national. L’un des ateliers y est consacré à l’expérimentation sur le plan immobilier. La CCI d’Amiens, coorganisatrice avec le réseau Elan, qui regroupe à travers l’Hexagone ces structures d’accueil de PME naissantes, y présente une exposition photo sur la créativité de l’architecture des pépinières.
Nées dans la hâte pour répondre à un sinistre, les premières n’ont pas bénéficié d’une réflexion programmatique approfondie. On les a installées dans les locaux d’industriels défaillants avec l’obsession de compenser l’emploi perdu. « Lorsque nous avons créé, en 1992, « Espace Liberté » près de la gare Saint-Charles à Marseille, nous avons dû composer avec un bâti totalement inadapté. Il fallait installer plusieurs sociétés tertiaires en démarrage au 1er étage d’un immeuble haussmannien vétuste, qui fut le siège social de Rivoire & Carret, avant d’intégrer, à l’état de friche, le patrimoine d’un bailleur social », témoigne Philippe Marq. Directeur d’« Entrepreneurs et associés », association gestionnaire de deux pépinières dans le centre de Marseille, il est l’animateur du réseau Elan. Depuis quinze ans, cet acteur « de l’économie de proximité » observe les besoins des jeunes entreprises en matière d’espace de travail et analyse leur insertion dans le tissu urbain. A Marseille, pilotée par les architectes Maxime Repeaux et Jean-Luc Linarès, la restructuration des anciens bureaux directoriaux les adaptait aux premiers résidents. « La bonne idée fut d’équiper chaque volume de parois vitrées. Contrairement aux entreprises traditionnelles qui se cachent, celles qui s’installaient étaient dans les meilleures conditions pour communiquer, s’entraider et partager des moyens bureautiques et logistiques », témoigne Philippe Marq. « Espace Liberté » devait toutefois attendre 1999 pour aménager le rez-de-chaussée de l’immeuble. « En créant une mezzanine et en procédant à de nouveaux remembrements, nous avons pu optimiser les surfaces et disposer de plateaux opérationnels allant de 13 à 37 m2. Nous avons dégagé de la place aux services communs, qui constituent la véritable valeur ajoutée », ajoute Philippe Marq. Aujourd’hui sur 1 000 m2, la pépinière dispose d’une capacité d’accueil de vingt-sept entreprises. La durée maximale de séjour (vingt-trois mois, renouvelables une fois) engendre logiquement un important turnover. « Chaque nouvelle entreprise arrive avec des besoins spécifiques et le site évolue en permanence. La problématique de l’aménagement intérieur se pose donc quasiment au quotidien », souligne le directeur.
Flexibilité, modularité, rencontre, mise en commun sont les mots forts des cahiers des charges des nouvelles pépinières. Les bâtiments, mi-ateliers/mi-bureaux, ont en commun espaces de réunion et services partagés. Pratiquement, tous obéissent à la démarche HQE pour réduire les coûts de fonctionnement et l’impact environnemental, mais aussi pour symboliser la modernité de la démarche. Esthétiques et fonctionnelles, les nouvelles pépinières mobilisent l’imagination des architectes.
Pour Philippe Marq, la nouvelle génération de pépinières doit impérativement se concevoir à partir de la réflexion commune de l’architecte et de l’entrepreneur. « Il faut penser les futures pépinières comme des lieux de vie, et non pas comme de simples enfilades de mètres carrés », conclut le président d’Elan.
