Contentieux civil : ce que change la réforme pour le BTP

Nouvelles règles pour engager un recours en appel, action de groupe environnementale… La réforme de la procédure civile qui a abouti en toute fin de quinquennat Hollande aura fatalement des répercussions sur les acteurs du BTP.  

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Réforme de la procédure civile : les principales évolutions entreront en vigueur le 1er septembre 2017

La réforme du contentieux civil concerne tout le monde – ou presque ! Matière technique mais éminemment pratique, le droit civil procédural intervient par nature dès lors qu’un litige naît entre personnes privées, qu'elles soient physiques ou morales, en particulier dans le cadre de leurs relations contractuelles. Huit ans après la dernière refonte portée par le décret dit « Magendie » (1), une série de décrets publiés en mai dernier, issus, pour la plupart, de la loi dite « justice du XXIe siècle » du 18 novembre 2016 (2) a considérablement modifié le droit existant, les principales évolutions entrant en vigueur dès le 1er septembre prochain.

Portée par le décret n° 2017-891 du 6 mai publié au « JO » du 10 (3), la réforme de l’instance d’appel en matière civile répond à une volonté toujours plus ferme du législateur d’accélérer le jugement des affaires. Premier levier en ce sens, le plus évident : raccourcir les délais procéduraux. C'est le cas via ce premier texte pour certaines procédures d’urgence. De nouveaux délais sont également instaurés, notamment pour l’échange des conclusions entre les parties en cas de renvoi devant la cour d’appel après cassation (nouvel article 1037-1 du Code de procédure civile).

Délais raccourcis, formalisme accru : vers un traitement plus efficace du contentieux ?

Plus généralement, le délai imparti à l’"appelant" (à l’origine de l’appel) pour signifier la déclaration d’appel est réduit à 10 jours (art. 905-1 du CPC), et ses conclusions devront être remises au greffe dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire (art. 905-2 du CPC). Quant au défendeur, il disposera de 15 jours pour constituer un avocat et d’un mois pour remettre ses conclusions au greffe "et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué". Hors cas de procédures d’urgence prévues par le nouvel article 904-1 du CPC, ce décret harmonise aussi, dans un souci d’égalité, le délai de remise des conclusions pour les parties en le fixant à trois mois, côté appelant (art. 908 du CPC), comme défendeur (art. 909 du CPC).

Autre moyen employé pour renforcer l'efficacité de la procédure : concentrer les demandes et arguments des parties dès les premières conclusions, et circonscrire l’effet dit "dévolutif" de l’appel. En clair, renforcer le formalisme de la procédure, pour, théoriquement, faciliter le travail des magistrats. Ainsi, l’objet de l’appel est redéfini, pour devenir une « critique du jugement » de la juridiction de première instance – toujours en vue de sa réformation ou de son annulation par la cour d’appel (art. 542 du CPC).

Ainsi, dès le 1er septembre, l’appel général disparaît, ce recours se limitant aux chefs du jugement critiqués, qui devront d’ailleurs figurer expressément dans la déclaration d’appel à peine de nullité. Deux exceptions sont néanmoins prévues : lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, ou lorsque l'objet du litige est indivisible. Côté regroupement des demandes et arguments, la réforme instaure un principe de concentration des prétentions et moyens dès les premières conclusions à peine d'irrecevabilité – à quelques dérogations près. En clair, les parties seront tenues de présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dans les premières conclusions (nouvel art. 910-4 du CPC).

A noter que dans un autre registre, ce même décret n° 2017-891 met fin au régime dérogatoire du « contredit » : au 1er septembre, les décisions tranchant des exceptions d'incompétence relèveront de l'appel. De con côté, le décret n° 2017-892 (4) assouplit le formalisme des convocations par le greffe, en particulier sur le recours à la lettre simple, tout en fixant au 1er septembre 2019 la mise en place de la communication électronique obligatoire devant le tribunal de grande instance.

Action de groupe environnementale : les conditions d'agrément fixées

Autre nouveauté de la réforme, sans doute plus parlante pour le secteur du BTP : la mise en place d’une procédure d’action de groupe en matière environnementale, détaillée par le décret n° 2017-888 du 6 mai (5). Toujours issu de la loi dite « justice du XXIe siècle », ce texte fixe le cadre procédural de ce mode de recours collectif très neuf en droit français, initié en matière de consommation et de concurrence par la loi Hamon de 2014.

En matière environnementale, sont plus particulièrement précisées les conditions de l’intervention des associations, seules habilitées à représenter les victimes d’un même préjudice (nouveaux articles R. 142-10 à R. 142-21 du Code de l’environnement). Outre celles déjà agréées au titre du Code de l’environnement, le texte admet que les associations de défense des consommateurs, de même que celles de défense des victimes d’un accident agréées, le sont également pour exercer l’action de groupe environnementale. Idem pour les associations dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres, à certaines conditions.

Les domaines ouverts à ce type d'action de groupe sont définis par l'article L.142-2 du Code de l'environnement – et ils sont aussi nombreux que ceux pour lesquels les associations peuvent se constituer partie civile : protection de la nature et de l’environnement, des sites et paysages, mais aussi l'urbanisme, la lutte contre les pollutions et nuisances, les installations classées, les pratiques commerciales et publicités trompeuses comportant des indications environnementales… Une fois de plus, le désencombrement des juridictions risque de ne pas avoir lieu.

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