Congrès des maires : le mandat de tous les défis

Inquiets de voir la commune diluée dans l’intercommunalité, les maires demandent à l’Etat de leur faire confiance. Ils souhaitent un dispositif de soutien à l’investissement et veulent adapter les normes nationales aux réalités du terrain.

Les quelque 10 000 maires réunis en congrès à Paris du 19 au 21 novembre  l’ont clamé haut et fort : les projets de loi en cours d’examen (accès au logement et à un urbanisme rénové ; modernisation de l’action publique et affirmation des métropoles) ou encore la réforme de la politique de la ville, sont vécus comme un affaiblissement de la commune au sein des intercommunalités.

Over-dose administrative, retour des tutelles, prolifération des schémas technocratiques…les mots qualifiant la réforme territoriale ont été à la hauteur de l’exaspération des élus : « Les collectivités du bloc local ne veulent pas être les sous-traitantes de politiques décidées plus haut » a déclaré Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF). En ligne de mire : l’intégration automatique de nombreuses compétences  (PLU, tourisme, logement…) dans l’intercommunalité. Une nouvelle fois, l’AMF a exprimé sa forte opposition au transfert obligatoire du PLU à l’intercommunalité, lui préférant une démarche volontaire et une véritable co-élaboration.

CDC : assouplissement des conditions de prêt

Dans ce risque de dilution, les petites communes sont les premières menacées. Et c’est vers  elles que le Premier ministre s’est tourné en annonçant plusieurs mesures-phares applicables dès l’an prochain : création d’un fonds doté à terme de 35 millions d’euros par an pour financer, d’ici 2017, 1 000 maisons de service public ; mise en place de « contrats de bourgs » bénéficiant de crédits d’ingénierie de l’Etat ; augmentation de 210 millions d’euros pour le fonds de péréquation des ressources et accès facilité aux fonds d’épargne  ( la Caisse des dépôts et consignations pourra couvrir la totalité  du besoin d’emprunt pour les prêts inférieurs à 1 million d’euros et 75% du besoin pour les prêts allant jusqu’à 2 millions d’euros).

Par ailleurs, s’agissant de l’enveloppe de 20 milliards d’euros de la CDC pour les investissements à long terme,  « tous les projets nécessitant des crédits sur plus de 20 ans seront désormais éligibles, sans thématique particulière ». Cet assouplissement a  trouvé une application immédiate, se traduisant, dans l’enceinte du Salon des maires, par la signature d’un contrat de prêt entre les représentants de la  CDC et du  syndicat mixte d’assainissement de la région ouest de Versailles, pour la réalisation d’une station d’épuration « dernier cri ».

Paysage institutionnel en mutation

Ces annonces ponctuelles n’ont cependant guère dissipé les inquiétudes des maires. Des élus de communes rurales aux opposants aux métropoles, nombreux  étaient les mécontents de « l’intercommunalité forcée ». Pour Alain Richard, sénateur du Val- d’Oise, « le projet de loi de décentralisation n’est pas en phase avec les expressions employées par le Premier ministre ».

Celui-ci s’est en effet prononcé, dans son discours d’ouverture du congrès, en faveur du libre choix de l’intérêt communautaire, contrairement à ce que prévoit le second projet de loi de décentralisation qui viendra au Parlement après les élections municipales.

Sentant monter un climat de défiance à l’égard de l’intercommunalité,  Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée à la Décentralisation, a tenté de calmer la fronde des élus en précisant : « Il n’est pas question de modèle unique et la carte de l’intercommunalité n’est pas figée ». Les maires veulent être consultés pour la création des métropoles, en raison de l’importance et du caractère définitif des transferts opérés. Même le projet de création de la métropole lyonnaise, préparé de longue date et de manière approfondie, n’a pas fait l’unanimité. «  Ce n’est pourtant pas une révolution » a souligné Alain Juppé, maire de Bordeaux. La conception des métropoles figurait déjà dans la loi de décembre 2010 ».

Parallèlement, Jean-Marie Bernard, maire du Dévoluy (Hautes-Alpes), commune nouvelle créée le 1er janvier, a expliqué que la transformation de statut allait permettre aux quatre communes rattachées de peser plus fortement dans l’intercommunalité. Beaucoup de maires ont estimé que ce regroupement volontaire devait être rendu plus attractif sur le plan financier et institutionnel.

De nouveaux modèles

Face à de telles mutations, et dans un contexte de « fragilité budgétaire » se traduisant par le retrait de l’Etat,  certains maires ont conclu qu’il fallait « se prendre en charge ».

Inquiets de la disparition programmée de l’ATESAT, ils souhaitent conserver la liberté de choisir le mode d’organisation de l’ingénierie locale. Pierre Jarlier, sénateur, maire de Saint-Flour, a présenté une multiplicité d’outils mobilisables dans les territoires. Certaines structures s’organisent autour du bassin de vie (mutualisation des services d’urbanisme entre une ville et la communauté de communes) ; d’autres naissent à l’échelle du département (syndicat mixte, agence technique départementale…). D’autres élus imaginent de nouveaux modèles. « Nous devons coproduire et travailler en mode projet » estime André Rossinot, maire de Nancy et président de la communauté urbaine du grand Nancy, en capitalisant par exemple sur les apports du numérique.

Car le constat est sans appel : « Au niveau départemental, on a perdu en proximité, en efficacité, en confiance. Pour autant, il n’est pas question de refaire l’histoire : on ne reviendra pas aux DDE, DDA… » a souligné Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation. Absents d’un côté, tâtillons et procéduriers de l’autre, les services de l’Etat ont été très critiqués. Un exemple: le stock des 400 000 normes qui pèsent sur les budgets municipaux ne faiblit pas, malgré le moratoire et le « choc de simplification ». Dans leur résolution générale de clôture, les maires ont souhaité que « les normes fixent seulement des objectifs à atteindre ». Ils veulent rester maîtres du choix des moyens pour y parvenir. Ils ont également demandé que soit mis en place un dispositif de soutien à l’investissement.

Erosion des moyens financiers

Le débat sur les finances locales s’est déroulé dans un climat tendu. Les élus locaux ont  pris connaissance, selon les premières estimations fournies par Bercy, d’une chute alarmante de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) attendue en 2014 (- 15% voire plus, pour nombre de collectivités). S’il est confirmé, le recul de cet impôt, venu remplacer la taxe professionnelle, aura des conséquences dramatiques.   « Le garrot financier s’est resserré ces dernières années » a déploré André Laignel, vice-président de l’AMF. «  L’érosion de nos moyens comporte un  risque majeur: le recul des investissements locaux ».

Les maires sont convaincus que le prochain mandat municipal ne sera pas celui des grands investissements (voir encadré) mais plutôt celui d’une « gestion au cordeau » face à la baisse des dotations de l’Etat pour les deux ans à venir (perte de 340 millions en 2014 pour le bloc communal). Sur le plan fiscal, l’enjeu immédiat, a rappelé Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des  finances de l’AMF,  est  la révision des valeurs locatives professionnelles, « exercice particulièrement délicat dans un calendrier très serré » puisque ces travaux doivent être achevés fin 2014 pour une intégration dans le calcul des impôts de 2015.

Sauf si la remise à plat du système fiscal permet de remettre les compteurs à zéro. Mais ceci est une autre histoire…

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