Depuis le dernier Congrès, les relations entre les maires et l’Etat se sont-elles dégradées ou améliorées ?
Rien de significatif ne les a vraiment modifiées, ni dans un sens, ni dans l’autre. Mais il convient toujours de les améliorer. Nous voulons replacer cette année le couple maire-Etat au cœur de la décentralisation qui l’avait sinon oublié du moins largement passé sous silence. L’AMF souhaite aussi revisiter ces relations à l’aune d’un Etat qui, de plus en plus, territorialise ses politiques publiques et sollicite les maires pour relayer son action.
Peut-on parler d’ajustement ?
En pratique, il faut corriger des comportements, faire en sorte que le rôle du maire soit mieux reconnu, ses pouvoirs confortés, qu’un meilleur équilibre soit trouvé entre les obligations et les charges des communes et les prérogatives de l’Etat. Le partenariat entre les maires et l’Etat doit être renforcé. Ces ajustements ne remettent pas en cause les principes et les règles qui les fondent. Par contre, lorsqu’on aborde, par exemple, les relations financières, il s’agit d’explorer les voies d’une refondation.
Quelle est votre analyse du problème des banlieues et qu’attendez-vous de l’Etat ?
Je veux d’abord rendre hommage aux maires placés en première ligne lors de ces violences urbaines. Face à ce problème complexe, il est nécessaire d’avoir une approche cohérente et globale. Au cœur de la politique du logement, exerçant des pouvoirs de police administrative sur sa commune, responsable des équipements scolaires, et veillant à la sécurité des bâtiments publics, le maire est de fait au cœur des dispositifs de prévention et de sécurité. Par conséquent, il est nécessaire que les pouvoirs et les moyens du maire soient confortés aussi bien sur le plan juridique que financier. Lors de notre congrès, nous aborderons ces problèmes dans nos débats sur le logement social, la politique de la ville et les attentes culturelles.
Le projet de loi en faveur du logement présenté par Jean-Louis Borloo accroît les pouvoirs des maires. Votre réaction ?
Les maires apportent déjà une contribution importante, en augmentation constante, à la production de l’offre de logement. Nul doute qu’ils accentueront cet effort. A condition toutefois d’être sécurisés dans l’acte de construire qui devient de plus en plus difficile, compte tenu de la longueur et de la multiplication des procédures. L’Etat doit aussi aider les maires à mobiliser du foncier car la rareté et la cherté constituent un frein non négligeable. Enfin, leurs ressources globales doivent être préservées et garanties.
Nous allons analyser les orientations et les mesures inscrites dans l’engagement national pour le logement de façon à mesurer leurs conséquences pour les communes, sur le plan administratif et financier. En tout cas, les maires se mobiliseront pour que l’offre nouvelle de logement renforce la diversité et la mixité sociale de l’habitat.
Que pensez-vous de la réforme des dotations financières pour aider les maires à construire ?
Les mesures annoncées ne sont pas encore assez précises pour que l’on puisse en mesurer l’impact. Il faudrait, par exemple, disposer d’un bilan de la taxe locale d’équipement actuelle pour apprécier la portée d’une majoration possible de 10 % par les maires au regard des dépenses induites par la construction de logements. On peut aussi mettre en balance le montant de ressources supplémentaires qui seraient dégagées avec l’éventuel effet dissuasif qu’une telle majoration peut entraîner pour les constructeurs potentiels. L’instauration d’une « dotation de production de logement social » au profit des communes qui construisent et accueilleraient, de ce fait, de nouveaux habitants, ne saurait être financée par une dotation globale de fonctionnement à enveloppe constante.
Vous êtes donc favorable à la simplification des autorisations d’urbanisme ?
D’abord, les maires espèrent ne pas se faire déposséder de leurs prérogatives à l’occasion de cette réforme. Heureusement, l’AMF a obtenu que le champ d’application du permis de construire soit défini par la loi, contrairement au premier projet d’ordonnance. Nous avons également obtenu que les permis de construire tacites puissent donner lieu au versement des participations d’urbanisme.
Les maires sont tout à fait favorables à cette future simplification des règles d’urbanisme si cela ne conduit pas à un accroissement de leur responsabilité. La volonté d’améliorer les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme nous semble pertinente. Mais il est à craindre que des délais plus stricts ne se heurtent au manque de moyens humains d’un certain nombre de communes, confrontées par ailleurs au désengagement des DDE. Par ailleurs, nous avons un regret: le projet de réforme n’aborde pas la question de l’amélioration des sanctions aux règles d’urbanisme. Or, les maires se sentent démunis face à la prolifération de constructions illégales contre lesquelles ils n’ont que peu de moyens. Le procureur reste libre de juger de l’opportunité des poursuites et les juridictions sont très frileuses pour prononcer la démolition des installations illégales.
Votre position sur la réforme de la taxe professionnelle ?
Cette réforme risque d’avoir des conséquences lourdes sur le financement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. Il faut les apprécier à travers des simulations mais il importe aussi de les limiter, voire de les neutraliser. D’abord à court terme, pour que les communes et les EPCI ne soient pas pénalisés après avoir augmenté leur taux, comme c’est le cas actuellement avec le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée. Pour l’avenir ensuite, car les communes, et notamment celles qui ont sur leur territoire des entreprises plafonnées, ne disposeront plus que d’une marge de manœuvre limitée. Cette situation est peu orthodoxe au regard du principe désormais constitutionnel d’autonomie locale. Et elle est inquiétante pour les communautés dont le dynamisme est lié, pour une large part, à la taxe professionnelle unique.
Vous parlez de refonder le système de fiscalité locale ?
La réforme de la taxe professionnelle illustre bien que le système fiscal local a atteint ses limites. Il faut prendre le risque d’explorer les voies d’une réforme en profondeur, portant à la fois sur une modernisation de l’assiette des impôts locaux et sur une spécialisation par niveau de collectivité territoriale.
Que pensez-vous du procès actuellement intenté à l’intercommunalité ?
Il ne faudrait pas que, par un effet de mode, ceux qui s’y livrent ne l’instruisent qu’à charge. L’intercommunalité est un phénomène récent, certes non exempt de critiques. Les critiques peuvent porter sur la cohérence du territoire, le contenu réel des compétences transférées ou encore l’effet mal maîtrisé sur les dépenses globales. Mais grâce à la loi du 13 juillet 2004, des corrections peuvent être opérées. Par exemple, les services partagés permettent de rationaliser l’organisation et le fonctionnement des intercommunalités, tout en évitant les doublons. En général, ces critiques occultent l’essentiel: la valeur ajoutée qu’apporte l’intercommunalité en termes de services, d’équipements, de projets d’aménagement des territoires. C’est d’abord cela sa raison d’être.
Comment accueillez-vous le projet de nouveau Code des marchés publics ?
Ce projet, la troisième réforme du Code en moins de quatre ans, risque de susciter les réticences des maires. Les seuils sont maintenus, mais nous ne pouvons que déplorer cette absence de pérennité des textes, préjudiciable à la sécurité juridique. Près de 50 nouveaux articles seront ajoutés aux 138 du Code en vigueur: il conviendrait donc de réfléchir à une bonne articulation ou au moins à une numération identique entre les articles du Code de la commande publique et ceux du nouveau CMP qui le précédera.
Et sur le fond du texte ?
D’abord, sans entrer dans le détail, les maires regrettent l’emploi de certains termes totalement inintelligibles comme la notion de « profil d’acheteur » ou de « système d’acquisition dynamique ». Par ailleurs, la disparition de la notion de personne responsable du marché peut faire resurgir des problèmes de compétence entre exécutif et assemblée délibérante. Et la relégation des grands principes actuels, comme l’égal accès à la commande publique ou la transparence des procédures, à l’article 6 du futur Code ne paraît pas judicieuse. Je citerais aussi l’absence de transposition des mentions relatives aux éco-labels et au certificat de management environnemental. L’AMF s’interroge également sur la notion de « formalités manifestement inutiles ou impossibles à mettre en œuvre ». Nous avons formulé ces observations lorsque nous avons été saisis d’un brouillon de texte fin juillet. Le ministère de l’Economie ne nous a pas recontactés depuis la rentrée.
L’entrée en vigueur du Code en 2004 a-t-elle bouleversé la vie des communes ?
Oui. La souplesse introduite dans le Code s’est accompagnée d’une responsabilité accrue des acheteurs publics. La plupart des marchés passés par les communes et intercommunalités relèvent de la procédure adaptée, donc d’une procédure relativement souple, moins encadrée que la procédure formalisée. C’est pourquoi l’AMF a rédigé à l’attention de ses adhérents un guide de mise en œuvre des marchés à procédure adaptée, qui sera réactualisé avec le nouveau Code. Et nous sommes très attentifs aux premières décisions de justice rendues, comme l’arrêt du Conseil d’Etat relatif au « Louvre bis » à Lens, révélant toute l’importance qu’il convient d’attacher à la publicité. Par ailleurs, le Code 2004 s’est traduit par le développement de la mise en ligne des avis de publicité sur les sites Internet des associations départementales de maires.
Pour l’instant, une seule commune a conclu un contrat de partenariat. Cet outil peut-il se généraliser ?
Ce type de contrat doit être utilisé seulement pour des opérations exceptionnelles nécessitant des investissements lourds. D’ailleurs, sans doute faudrait-il mettre en place une instance consultative indépendante chargée d’expertiser le projet avant la décision de l’assemblée délibérante, qui, de toute façon, doit rester associée à tous les stades de la procédure. Si les risques doivent être supportés par les partenaires privés, dès lors qu’ils attendent des profits de l’opération, la collectivité doit veiller à la mise en place de garanties financières.
En matière de normes, où en êtes-vous de la concertation avec l’Etat ?
En ce qui concerne l’Afnor, notre comité de concertation, qui fonctionne maintenant depuis quatre ou cinq ans, permet de repérer dans les travaux normatifs les sujets potentiellement les plus sensibles pour les collectivités locales. Dans certaines circonstances, une procédure de consultation élargie est mise en place, en partenariat avec l’Afnor.
Cela a été le cas, par exemple, pour le service d’alimentation en eau ou pour la méthode de caractérisation des déchets ménagers. Mais se pose toujours la question du financement de la représentation des collectivités par des ingénieurs et techniciens territoriaux dans les commissions de normalisation. A ce jour, cette représentation est totalement insuffisante et artisanale.
