En cas d’annulation d’un marché de conception-réalisation, que devient la prime prévue au règlement de consultation? Réponse du Conseil d’Etat : elle est versée aux candidats qui remplissent les conditions pour l’obtenir. En l’espèce, un hôpital avait lancé une consultation pour sa reconstruction sous la forme d’un marché de conception-réalisation. La procédure de passation a été annulée par une ordonnance du juge des référés. Une société, candidate à ce marché, a alors tenté d’obtenir néanmoins, auprès du pouvoir adjudicateur, le versement de la prime de 75 000 euros que prévoyait le règlement de la consultation. Pour mémoire, l’attribution des marchés de conception-réalisation se fait suivant une procédure restreinte, c’est-à-dire que seuls les candidats retenus sont admis à présenter une offre. Les études attendues dans ce cadre sont très importantes ; c’est pourquoi l’article 69 du Code des marchés publics prévoit que les candidats admis à présenter une offre doivent être rémunérés par une prime.
La remise des études et leur indemnisation = un contrat
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande de la société d’obtenir la prime prévue, après deux rejets en première instance et en appel. En effet, les sages du Palais-Royal ont considéré que « le pouvoir adjudicateur et les candidats sélectionnés par un jury pour exécuter les prestations visant à l'attribution d'un marché de conception-réalisation sont, indépendamment de l'attribution de ce marché, engagés dans un contrat ayant pour objet la remise de prestations conformes aux documents de la consultation, et pour prix, [la prime] ».
Ils ont ensuite rappelé l’exigence de loyauté contractuelle, posée par l’arrêt « Béziers I » (Conseil d’Etat, 28 décembre 2009 n° 304802). Cette jurisprudence empêche les parties de se retrancher derrière une irrégularité quelconque pour écarter l’application du contrat. Le juge doit donc faire jouer les dispositions contractuelles, sauf s’il constate une irrégularité tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Dans sa présente décision, la Haute juridiction applique ce contrôle du juge issu de « Béziers I » : il appartient au juge, expose-t-elle, de vérifier si les vices ayant fondé cette annulation de procédure « doivent ou non le conduire à écarter l'application du contrat passé par le pouvoir adjudicateur au titre de l'exécution des prestations exécutées dans le cours de cette procédure ». En l’espèce, la procédure avait été annulée suite à une discordance entre divers documents sur le délai de validité des offres. Pour le Conseil d’Etat, ce vice est sans incidence sur la validité de l’engagement contractuel relatif au versement de la prime. Il enjoint donc à l’hôpital de verser à la société cette prime qu’elle réclame.
Pour retrouver la décision du Conseil d’Etat du 23 octobre 2013, n° 362437, cliquer ici