La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a achevé le transfert de la compétence d’élaboration des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA) au profit des conseils généraux. Elle généralise la dissociation entre l’autorité planificatrice et le préfet chargé de mettre en œuvre le plan lors de la délivrance d’autorisations d’exploiter des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
La circulaire ministérielle du 17 janvier 2005 qui commente les effets de la loi risque de susciter des difficultés. Selon ce texte, l’abrogation du deuxième alinéa de l’article L.541-15 du Code de l’environnement (qui prévoyait une obligation de mise en compatibilité des installations existantes avec un nouveau plan, dans un délai de 3 ans après son adoption) révélerait la volonté implicite du législateur de « mieux distinguer la planification des déchets de l’application de la police des installations classées ». La circulaire en déduit que les dispositions d’un plan « non prévues par la loi et son décret d’application » seraient inopposables au préfet lors de la délivrance des demandes d’autorisation, celui-ci disposant de la faculté d’écarter les mesures du plan qui lui paraîtraient ne pas découler des textes en vigueur.
Droit communautaire. L’institution de la planification du traitement des déchets a été posée par la directive-cadre du 15 juillet 1975 et réaffirmée par sa réforme de 1991. La planification et son application sont conçues comme l’instrument permettant de réaliser la politique européenne en la matière, dont les objectifs sont fixés aux articles 3, 4 et 5 de la directive. Selon la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), « un manquement à l’obligation d’établir des plans de gestion des déchets doit être considéré comme grave, même s’il est limité à une partie très réduite du territoire d’un Etat membre, telle qu’un seul département, ou une seule zone d’un vallon » (1). Pour être conforme au droit communautaire, la planification doit être effective et la délivrance d’autorisation d’exploiter des installations de traitement doit s’opérer conformément aux dispositions des plans, sauf à les priver d’effet et contrevenir alors aux articles 7 et 9 de la directive cadre (2). Selon le principe d’interprétation conforme dégagé par la jurisprudence de la CJCE, il incombe aux juridictions nationales d’interpréter leur droit national « à la lumière du texte et de la finalité de la directive ». Les Etats membres doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à atteindre le résultat prescrit. L’article L. 541-15 du Code de l’environnement modifié ne saurait donc donner lieu à aucune autre interprétation que celle permettant l’application effective des normes communautaires. Il ne peut avoir eu, ni pour objet, ni pour effet, de relativiser la portée des PDEDMA.
Jurisprudence administrative. La jurisprudence administrative donne elle-même une portée extensive à l’obligation de compatibilité des autorisations avec les PDEDMA. L’appréciation de la légalité d’une autorisation d’exploiter au regard d’un plan adopté ne pose pas de problème particulier. En cas d’incompatibilité, la juridiction annule l’arrêté préfectoral (3). Cette obligation concerne tout type de décision qui émane d’une autorité publique ou de ses concessionnaires. L’exigence de compatibilité s’applique également dans l’hypothèse où une décision en matière d’installations classées a été prise antérieurement à l’adoption d’un PDEDMA. En effet, le juge administratif apprécie la légalité d’un arrêté d’autorisation d’exploiter au regard des dispositions en vigueur au moment où il statue. L’arrêté incompatible avec le plan se verra annulé, même s’il est antérieur à l’adoption (4) de ce plan.
La jurisprudence est allée jusqu’à donner un effet juridique à un projet de plan. La Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a jugé régulier un arrêté préfectoral prorogeant d’un an le délai d’instruction d’une demande d’exploitation d’un centre de valorisation des déchets : une procédure de révision du PDEDMA était en cours et l’autorisation demandée s’avérait de nature à compromettre la réalisation des objectifs du projet de plan qui optait pour un recours moindre à l’incinération (5).
Enfin, la circulaire du 17 janvier 2005 s’appuie sur un arrêt de la CAA de Marseille du 15 avril 2004 dont la lecture ne permet toutefois pas d’inverser cette solution. En effet, la Cour a jugé qu’il ne pouvait être reproché au préfet d’avoir écarté les procédures imposées par un PDEDMA pour l’instruction d’une demande présentée au titre de la législation sur les ICPE car les mesures prévues par le plan imposaient au demandeur des démarches sans rapport avec la planification. Il s’agissait, en fait, d’une immixtion du plan dans la procédure de délivrance d’autorisations d’installations classées réservée au préfet. Ses prescriptions de fond n’étaient pas en cause et, par ailleurs, la CAA a, de la manière la plus classique, examiné la compatibilité de l’arrêté d’autorisation d’exploiter avec ses objectifs.