L'Agence nationale de la cohésion des territoires tient-elle ses promesses d'accompagnement des projets publics locaux dans la durée ?
Qu'il s'agisse d'ingénierie de conception ou de recherche de financements, je renouvelle cet engagement à chacun de mes déplacements, en particulier ces jours-ci, dans les Vosges et le Doubs. Toutes mes rencontres sur le terrain me permettent de vérifier l'importance du besoin.
Je peux aussi en témoigner comme maire de Barentin, en Seine-Maritime, où, depuis son lancement en 2020, le programme des Petites villes de demain ouvre la voie de la reconversion d'une friche, avec toutes les difficultés liées à la proximité entre les anciens bâtiments et la rivière. Seul un accompagnement dans la durée permet d'y faire face. Les programmes phares de l'ANCT traduisent cette ambition, en particulier Action cœur de ville (ACV), Petites villes de demain (PVD) et Territoires d'industrie.
Vous avez orchestré le 23 mai l'ANCTour. Quel était l'objectif de cet événement ?
Jusqu'ici, l'ANCT se contentait d'organiser des réunions annuelles nationales ou régionales, autour de ses différents programmes. Pour la première fois, à l'occasion du troisième anniversaire de l'agence, nous avons voulu organiser un événement plus ambitieux, pour donner une visibilité simultanée à tous nos dispositifs, avec l'ensemble de nos partenaires : le Cerema, l'Anah, l'Ademe et l'Anru, la Banque des territoires… Quelque 3 000 inscrits ont pu assister aux ateliers et séances plénières, ponctués par des témoignages d'élus et de chefs de projets pour tirer les enseignements des premières expériences et mettre le potentiel de l'agence à la disposition de tous. Ce rendez-vous important est né d'un constat : bon nombre de collectivités ne connaissent l'ANCT qu'au travers d'un seul programme ou des interventions des anciens établissements publics qui ont fusionné, en 2020, pour lui donner naissance.
Le troisième anniversaire et la nouvelle gouvernance vous offrent-ils l'occasion de tracer une nouvelle feuille de route ?
A sa création, l'ANCT s'est fixé des orientations pour trois ans. Le conseil d'administration, que je réunirai le 29 juin, se prononcera sur la consolidation et l'amplification d'un programme écrit avec la quasi-totalité des associations d'élus, dont celle des Petites villes de France, que je préside.
Je souhaite que cette réunion fonctionne comme une chambre d'écho et de réflexion partagée, d'abord autour d'un premier bilan : cette jeune agence est née en pleine crise du Covid. Cette situation a mobilisé les préfets et retardé les renouvellements municipaux. Aujourd'hui, les compétences reconnues permettent une meilleure visibilité. Après le récent doublement du nombre de chargés de mission territoriaux, chaque région dispose d'au moins un référent ANCT et de deux pour les plus grandes d'entre elles. Leur appui fluidifie les relations en renforçant l'efficacité de l'accompagnement et la déconcentration des fonds dédiés à l'ingénierie.
Présenterez-vous à ce conseil d'administration les nouveaux directeurs des programmes PVD et ACT ?
Je l'espère. Les recrutements sont en cours, après les départs de Juliette Auricoste et Rollon Mouchel-Blaisot, piliers de ces deux programmes entre lesquels nous prévoyons de renforcer les synergies. La similarité des problématiques justifie cette inflexion, qu'il s'agisse de redynamisation des centralités ou de lutte contre la vacance, tant dans les logements que dans les commerces. Dès son lancement, le programme PVD s'est beaucoup inspiré du retour d'expériences d'ACV. Les nouveaux thèmes des deux programmes confirment le besoin de partage, qu'il s'agisse de la sobriété foncière, des entrées de ville ou des quartiers de gare.
Mais peut-on coordonner de la même manière 222 villes moyennes et 1 600 petites villes ?
La coordination importe moins que l'accompagnement du cousu main. Tout découle de la volonté du maire, secondé par le chef de projet, soit 904 personnes pour les PVD. Les plus petites collectivités bénéficiaires de ce programme mutualisent souvent cette ressource humaine.
Même le Sénat souligne la satisfaction des élus qui en bénéficient, pour nouer des partenariats et obtenir des financements. Afin d'éviter l'isolement, le club PVD offre un lieu d'échange et de partage des ressources et des bonnes pratiques. Rien n'interdit de le décliner à l'échelle des régions ou des départements, avec les chargés de mission de l'ANCT. Cette organisation donne au chef de projet la polyvalence du couteau suisse. Je compte sur des formations pour l'aiguiser, avec l'appui des cofinanceurs et des représentants locaux de l'Etat.
« Chaque région dispose d'au moins un référent ANCT, et de deux pour les plus grandes d'entre elles. »
Les retours d'expérience confirment-ils l'adéquation des Opérations de revitalisation des territoires (ORT), comme outil opérationnel des programmes ACV et PVD ?
Oui, les ORT tiennent leurs promesses. Elles se multiplient sur tout le territoire. Le seul 10 mai à Epinal, j'en ai signé quatre. Les ORT mettent les projets en cohérence en vue d'une mise en œuvre globale, avec une concentration de moyens sur des périmètres précis, qui peuvent déborder du centre-bourg ou du centre-ville, comme j'ai pu encore le constater à Epinal : le maire entraîne un faubourg et sa zone commerciale dans une démarche de renforcement des centralités.
Observez-vous des progrès dans l'adhésion des villes petites et moyennes à l'idée de sobriété foncière ?
Cette idée s'est invitée dans Action cœur de ville avec les sept territoires pilotes de sobriété foncière. Ils ont constitué un cercle de pionniers unis par la recherche des meilleurs outils pour réinvestir les centres-villes et leurs bâtiments dégradés. Le fonds friches a joué un rôle central, pour rendre possible l'équilibre financier des ORT non seulement sur d'anciennes emprises industrielles, mais aussi dans des zones commerciales, voire des bâtiments publics en déshérence. La forte sollicitation de cette dotation montre que les élus ont compris que la politique du zéro artificialisation nette va renverser l'ordre des choses. L'émulation autour de la sobriété a mis en évidence des potentiels insoupçonnés, désignés par l'expression « foncier invisible ».
Le fonds friches est aujourd'hui devenu un sous-ensemble du fonds vert. Comment s'articule-t-il avec les missions de l'ANCT ?
Le montant et la pérennisation du fonds vert répondent à la demande des élus. Ils ont besoin de temps pour concrétiser leurs projets. Je constate avec plaisir que 14 % des dossiers déposés émanent des territoires sélectionnés au programme PVD. Ils ont su saisir l'occasion. Certes, le fonds vert ne concerne pas que les bénéficiaires des programmes de l'ANCT. Mais il entretient avec elle un lien naturel autour de la priorité à la transition écologique, dans toutes ses déclinaisons : l'isolation, la reconversion des bâtiments, la mobilité décarbonée, les réseaux de chaleur ou encore la réduction des fuites dans les réseaux d'eau.