Les co-pilotes du groupe de travail intitulé « Explorer l'obligation de rénovation énergétique dans le secteur résidentiel », Jacques Chanut, vice-président de la Fédération française du Bâtiment et Raphaël Claustre, directeur du Comité liaison énergie renouvelable – Réseau pour la transition énergétique, ont reçu plus d'une centaine de contributions écrites émanant de municipalités, d'associations, d'entreprises, d'organismes institutionnels, de syndicats professionnels ou encore de think tanks... Toutes ces propositions visant à conduire les Français à rénover leurs logements sont rassemblées sur le blog «etudeobligationderenovation.fr» et devraient être synthétisées dans un rapport qui sera remis dans les jours qui viennent à Philippe Pelletier, Président du comité stratégique du Plan bâtiment durable.
L'enjeu est de taille car le gouvernement souhaite atteindre le rythme de 500 000 réhabilitations énergétiques annuelles alors qu'en 2012, la FFB a recensé entre 80 000 et 120 000 rénovations énergétiques de qualité. Les pistes les plus pertinentes pourraient être intégrées au projet de loi qui découlera du débat national sur la transition énergétique. En attendant, LeMoniteur en a sélectionné cinq, allant de l'incitation forte à la contrainte en passant par l'obligation indirecte.
Approvisionner une enveloppe dédiée à la rénovation énergétique en copropriété
Pour le Syndicat National des entreprises générales françaises de bâtiment et de travaux publics (EGF BTP), la rénovation énergétique passe par l'obligation faite aux copropriétaires de verser dans un fonds commun une somme qui serait dédiée à la rénovation énergétique. Le montant minimum servant à alimenter ce fonds serait juridiquement fixé à au moins 10€/an/m² SHON (50% de la facture énergétique moyenne, soit 50 euros/mois/appartement en moyenne ou 2 500 €/logement au bout de 5 années).
David Rodrigues, juriste au sein de l'Association nationale de défense des consommateurs et usagers CLCV est d'accord avec le principe de cette mesure qui présente, selon lui, l'avantage « de diluer le financement de la rénovation énergétique dans le temps ».
Introduire un bonus/malus sur les droits de mutation
Thermorenov, association regroupant des constructeurs de maisons individuelles propose une obligation qu'il qualifie d' « indirecte », introduite progressivement par un système de bonus/malus sur les droits de mutation.
Le calendrier de mise en œuvre proposé est le suivant :
-2014 : atteindre la classe énergétique E pour les logements en G
-2015 : atteindre la classe énergétique D pour les logements en F
-2016 : atteindre la classe énergétique C pour les logements en E
Avec la 1ère année des malus et bonus faibles, la 2ème année une suppression du bonus et une augmentation du malus et, les années suivantes, une augmentation du malus.
Thermorenov appuie sa proposition sur l'obligation existante, à l'occasion d'une mutation à titre onéreux, de réaliser un DPE. La performance énergétique du logement étant connue, « l'acquéreur est informé avant l'acquisition du bien du bonus ou du malus auquel il sera assujetti et peut ainsi tenir compte du coût des travaux dans son plan de financement », indique l'association de constructeurs de maisons individuelles.
Pour Thermorenov, cette mesure n'aurait pas de conséquence sur les finances publiques car « le malus obtenu pourra compenser la baisse des droits de mutation perçus ».
Interdire la mise en location de passoires thermiques
Pour la Fondation Abbé Pierre, il faut « dans un terme proche », retirer du marché de la location les passoirs thermiques :
- Interdiction de la classe G en location à partir de 2015
- Interdiction de la classe F à partir de 2017
Intégrer des travaux de rénovation énergétique à l'obligation de ravaler
En application du code de la construction et de l'habitation et de l'arrêté du maire de Paris du 27 octobre 2000 relatif au ravalement obligatoire des immeubles, l'obligation de maintien en constant état de propreté s'applique à tous les immeubles de la capitale. La municipalité instruit chaque année près de 4000 procédures ravalement : 1000 arrêtés d'injonction et de sommation et près de 3000 incitations dont la suite logique est la prise d'arrêtés municipaux.
C'est pourquoi la ville de Paris propose d'introduire une obligation d'isolation à l'occasion des ravalements obligatoires de façade.
« De la même manière qu'une municipalité dispose d'un pouvoir de police pour exiger la remise en bon état structurel et esthétique d'une façade, la capacité à exiger l'intégration d'une amélioration des performances énergétiques à un projet de ravalement pourrait faire partie de ses compétences », indique la municipalité.
Elle précise toutefois qu'il apparaît nécessaire de distinguer le niveau d'exigence qui porte sur l'isolation thermique d'un bâtiment en pierre de taille ou présentant des modénatures remarquables de celui pesant sur un immeuble quelconque des années 70 et de charger une commission ad hoc de transiger sur les cas complexes et de traiter les cas de recours.
Obliger en crescendo
Le Syndicat des Entreprises de génie électrique et climatique (Serce) est « favorable à une obligation de rénovation énergétique qui concernerait tous les propriétaires de logement, privés et publics (casernes, universités...) ».
Afin de rendre cette obligation « soutenable », le Serce propose le lissage de l'obligation dans le temps, en fonction du niveau énergétique du logement. Pour les logements étant situés après la lettre D sur l'étiquette énergie, une obligation de travaux de rénovation énergétique devrait survenir dès la publication des textes réglementaires. De 2020 à 2030, l'obligation serait de réduire les consommations de 25% par rapport à l'existant, en commençant par les logements étant situés avant la lettre D. De 2030 à 2050, il serait imposé aux bâtiments anciens d'atteindre les mêmes performances énergétiques que les constructions neuves.
Pour les ménages en situation de précarité énergétique, le Serce précise que « les pouvoirs publics devront renforcer leurs aides pour leur permettre d'atteindre les obligations de rénovation sans engager de frais. En contrepartie, les pouvoirs publics percevraient une partie des économies que les travaux qu'ils auront subventionnés auraient permis de réaliser ».