Accolée à l’École nationale supérieure du paysage (ENSP) de Versailles et au potager du roi, la Villa Le Nôtre est née officiellement en septembre 2015, avant même l’aboutissement du projet immobilier associé au concept culturel et pédagogique. Le concours d’architecture en phase de lancement porte à la fois sur la rénovation de l’école et sur celle de l’ancien hôtel particulier de Jean-Baptiste de La Quintinie, créateur du potager. L’architecte lauréat devra agencer l’hébergement des résidents et matérialiser le lien pédagogique avec les élèves paysagistes. Une partie de ce lien se concrétisera dans l’ancienne figuerie, reconvertie en lieu d’exposition. Présidée par Michel Audouy, secrétaire général de la Fédération française du paysage et président de la commission des métiers du paysage au sein de l’association interprofessionnelle du végétal Val’hor, l’association Villa Le Nôtre a sélectionné une première promotion de cinq personnes toutes des femmes pour des résidences de six mois à un an. La nouvelle institution a réuni les fonds apportés par le conseil départemental des Yvelines, l’interprofession Val’hor et les réserves parlementaires de François de Mazières, député et maire de Versailles. Deux des résidentes répondent à un besoin exprimé par le conseil départemental des Yvelines. Les trois autres appliquent l’un des quatre programmes identifiés par des noms illustres de l’histoire française du paysage : Jean-Baptiste de La Quintinie pour l’interface paysage/environnement ; Jean-Claude-Nicolas Forestier pour la prospective territoriale ; Yves Brunier pour l'art plastique.
Une hybridation débridée des savoirs
La première promotion n’a pas permis de lancer le programme le plus prestigieux qui, sous le nom d’André Le Nôtre, cible des paysagistes confirmés. Mais la rencontre avec les cinq lauréates ne laisse subsister aucun doute sur leur contribution à l’objectif des fondateurs de la Villa, ainsi résumé dans la plaquette promotionnelle : « Participer à l’attractivité culturelle de la France dans le champ de la conception de paysage (…) ; développer une plateforme où se rencontrent et s’hybrident les savoirs, les cultures et les innovations. » L’hybridation la plus étonnante émane d’une musicienne, la seule des cinq résidentes extérieure au monde professionnel du paysage : non contente d’introduire la harpe dans le jazz, Isabelle Olivier se propose d’associer les oiseaux et les crapauds de Versailles à sa composition mi-écrite, mi-improvisée. À l’été prochain, un opéra inspiré par « Le baron perché » d’Italo Calvino mobilisera cinquante choristes, sept musiciens et quatre solistes. La musicienne traque ce moment de grâce où le chant des oiseaux et le coassement des grenouilles tombent pile-poil dans sa propre tonalité. Une autre hybridation artistique émane d’Amélie Blachot : pour représenter les fondamentaux du paysage, elle triture la topographie avec du sucre, de l’eau, la consolide dans des vitrages en plastique, la traduit dans des textes, des vidéos, des maquettes, des tableaux peints ou cousus. Les trois autres résidences accrochent le paysage à des disciplines scientifiques - des mathématiques à la pédologie, en passant par la sociologie. Laurence Crémel jette les bases d’un logiciel qui permettra aux concepteurs de représenter l’horizon ; de l’Ouest parisien aux faubourgs de Tanger, Eugénie Denardaud étudie et accompagne la prise de possession spontanée et collective de délaissés périurbains dans des métropoles en expansion ; enfin, Léna Soffer propose une stratégie de reconquête végétale des cours privées de Paris : l’architecte paysagiste franco-vénézuélienne dresse une carte des sols originels de la capitale pour y associer des prescriptions de plantations à destination des propriétaires.





