Christophe Béchu veut sortir le climat de l’orthodoxie budgétaire

« Il faut sortir le climat de la logique maastrichtienne ». A la troisième heure d’une audition marathon le 2 novembre au Sénat, Christophe Béchu a ouvert la brèche financière qui donne corps à l’ambition climatique gouvernementale : « On ne peut pas attendre des collectivités qu’elles dégagent seules l’argent nécessaire pour résoudre le défi climatique », admet le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

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Christophe Béchu
Au cours d'une audition marathon le 2 novembre au Sénat, Christophe Béchu a balayé toute l'actualité de la transition écologique.

Le financement de la transition écologique passe par une réforme du Code de la commande publique. Christophe Béchu en a annoncé l’objectif clé le 2 novembre au Sénat : attirer l’argent privé vers les investissements climatiques, en les amortissant a posteriori par le remboursement des factures.

Renforcer l’économie mixte

« Seul un changement du mode de financement permettra d’arriver au bout des rénovations des 400 à 500 millions de m2 de bâtiments publics de France », a justifié le ministre de la Transition écologique, interpellé par Ronan Dantec. Le sénateur de Loire-Atlantique a pris l’exemple de Nantes, où la facture s’élève à 1 milliard d’euros. Il a prêché un convaincu : l’expérience des candélabres d’Angers, gérés par un groupement piloté par Engie, a forgé la conviction de l’ancien maire sur  l’efficacité du recours aux tiers investisseurs.

Pour la production d’énergie renouvelable, l’ancien président du département de Maine-et-Loire compte sur la généralisation du modèle de l’économie mixte. « Un budget annexe constitue le meilleur moyen d’accélérer la production photovoltaïque, en s’appuyant sur une société  publique locale qui solvabilise les communes », témoigne l’ex élu local.

Opération pilote à Roquelaure

Dans ses nouvelles fonctions, il prépare une nouvelle démonstration par l’exemple : la rénovation énergétique de l’hôtel de Roquelaure, siège de son ministère dans le VIIe arrondissement de Paris, mettra en œuvre des solutions énergétiques innovantes, sous l’œil sourcilleux des Bâtiments de France. Christophe Béchu entend mettre en valeur le potentiel géothermique du site.

La sortie de l’orthodoxie budgétaire s’appliquera-t-elle au ferroviaire ? Défenseur du pilotage de la planification écologique par Matignon, le ministre a invité les sénateurs à faire preuve d’un peu de patience sur ce sujet, en attendant les arbitrages de la Première ministre et le prochain rapport de la commission d’orientation des infrastructures. La recommandation s’adresse au sénateur Jacques Fernique, qui critique la contradiction entre l’affichage d’une volonté de renforcer les dessertes et la perspective d’une augmentation des péages facturés à SNCF réseaux.

Ni grand soir ferroviaire...

Christophe Béchu entend la déception inspirée par les 150 M€ d’euros réservés par le projet de loi de finances 2023 aux infrastructures ferroviaires : la somme permettra de régénérer 90 km, sur les 29 000 du réseau. La priorité à la régénération s’intègre dans une comptabilité climatique qui s’applique aussi aux infrastructures neuves. Ce regard devrait favoriser les projets de RER métropolitains, grâce à l’adéquation entre offre et demande de mobilité.

Ni grand soir ferroviaire, ni plan Marshall de l’eau : sur cet autre sujet crucial, le ministre invite les sénateurs à mesurer le temps entre les décisions et leurs mises en œuvre. Après la réunion du conseil national de l’eau le 29 septembre dernier à Marseille, il donne rendez-vous aux parties prenantes à la fin de cette année pour définir la meilleure manière d’atteindre les objectifs.

... Ni plan Marshall de l’eau

Le communalisme ne fait pas partie des scénarii retenus : « La plupart des communes privées d’eau cet été géraient leur ressource seules, sans interconnexion. Les collectivités qui se targuent de distribuer une eau bon marché doivent en tirer les conséquences, lorsqu’elles privent leur population trois mois et demi par an », martèle le ministre.

Le sous-investissement explique un autre archaïsme national : « Dans le recyclage de l’eau pour l’arrosage, nous sommes 10 fois moins performants que l’Italie, et 20 fois moins que l’Espagne », dénonce Christophe Béchu. Mais relever ce défi n’implique pas de changer la loi.

L’artificialisation en pause

Appliquée au Zéro artificialisation nette, la recherche de compromis avec les collectivités conduit le ministre à inviter les préfets à « lever le stylo », jusqu’à la fin de cette année. En inscrivant les projets d’intérêt national dans une comptabilité interrégionale de l’artificialisation, le gouvernement désamorce la fronde des territoires qui craignaient la double peine. Cet arbitrage concerne au premier chef les Hauts de France, l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine, traversés par les projets Seine-Nord et LGV Bordeaux Toulouse.

Autre disposition en voie de réécriture : le ministère attend pour la fin novembre la remontée des propositions des agences d’urbanisme, avant la rédaction d’une nouvelle version du décret destiné à fixer la nomenclature de l’artificialisation. Les compromis en gestation n’écornent pas l’ambition, comme en témoigne l’approbation du principe d’une profonde réforme fiscale inspirée par les réflexions du sénateur Jean-Baptiste Blanc : « Il faut rendre l’artificialisation plus chère, pour qu’elle finance l’équilibre des opérations de renaturation et de dépollution », analyse Christophe Béchu.

« Les ZFE, ça marche »

Adaptée à un public de défenseurs des collectivités porteurs d’une culture du compromis, l'audition sénatoriale a donné au ministre l’occasion de distiller quelques rares et précieuses bonnes nouvelles, comme celle-ci : « Les ZFE, ça marche ». Dans le périmètre de l’autoroute A 86 en Ile-de-France, leur mise en place a permis à 50 000 habitants du Grand Paris de sortir des seuils d’alerte règlementaire pour la qualité de l’air.

« Le sujet, c’est d’éviter des morts », insiste le ministre, heureux de présenter un exemple de coopération fructueuse entre l’Etat et les collectivités : imposées à toutes les grandes agglomérations, les zones à faible émission leur laissent une large marge de manœuvre dans la mise en oeuvre.

Vers un nouveau souffle rural

Une nouvelle feuille de route guidera la politique nationale de la ruralité au début 2023. Associée à l’audition de Christophe Béchu le 2 novembre au Sénat, la secrétaire d’Etat Dominique Faure fixe le prochain rendez-vous à la mi-novembre « avec tous les sénateurs qui le souhaitent ».

Objectif de cette étape parlementaire : balayer tous les sujets évoqués par les cinq groupes de travail constitués par le conseil national de la refondation. L’ordre du jour intègrera le zonage, le zéro artificialisation nette, la désertification médicale, l’énergie, la mobilité, la fracture numérique et l’emploi.

La secrétaire d’Etat a entendu l’alerte des sénateurs à propos des spéculations sur les infrastructures numériques : à l’approche de la fin des baux souscrits pour les équipements situés en haut des pylônes, les propriétaires de ces derniers proposent des hausses de loyers qui risquent d’aboutir à créer de nouvelles zones blanches.

Cet obstacle n’ébranle pas la confiance de la secrétaire d'Etat dans les effets du new deal mobile, avec une couverture qui avoisine aujourd’hui 90 % de la population. S’agissant du très haut débit, Dominique Faure promet l'équipement de 100 % du territoire en infrastructures fixes, grâce aux 3,58 Mds€ dégagés par l’Etat jusqu’en 2025.

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